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Thibault Benistant “On repart plus ou moins de zéro”


Absent depuis le mois de mai suite à une mauvaise chute lors du GP de France – qui le verra se fracturer une vertèbre cervicale – Thibault Benistant s’apprête à faire son retour en piste ce week-end en Suisse. L’officiel Hutten Metaal Yamaha vise à se remettre en jambes à son rythme lors des derniers GP de la saison avant de penser à 2025; année qui marquera son dernier mandant en MX2. On a été prendre la température avec l’intéressé à l’aube du GP de Frauenfeld. Micro.

Thibaut, tu es de retour ce week-end en Suisse, mais avant même de parler de ce retour, j’aimerais discuter de ce qui s’est passé à Saint-Jean-d’Angély, sur ce saut, lors de la séance chronométrée.

Pour commencer j’ai fait un tour de chauffe. Et après, dans le deuxième tour, je me suis lancé sur un chrono. Après le plus gros saut du terrain, c’est vrai qu’on ne s’attend pas à une chute. J’étais dans un chrono, et je n’ai tout simplement pas vu le drapeau. Après, j’ai quand même l’impression qu’il était un poil caché derrière le poteau. Je n’ai pas vu le drapeau, mais c’est très certainement de ma faute. Ceci dit, je pense que sur un aussi gros saut et avec des vitesses aussi élevées, les commissaires devraient être un peu plus présents sur la piste pour dire aux pilotes de ralentir. Parce que quand il y a des pompiers au milieu de la piste, une moto et un pilote blessé après un saut de quoi, 35 mètres, je pense qu’un simple drapeau sur le bord n’est pas suffisant.

En l’air, j’ai vu une possibilité d’éviter, de passer entre les secouristes et la moto parce que les barrières étaient ouvertes et j’aurais pu sortir de la piste. Mais comme je me suis mis trop court, j’ai freiné où c’était mou. J’ai perdu la main et du coup, le contrôle de la moto, et voilà.

Pendant ces semaines de convalescence, il ressemble à quoi ton quotidien ?

C’est compliqué parce que pendant quelques semaines, forcément, je n’ai pas pu faire de sport. On repart plus ou moins de zéro, j’ai envie de dire. Passer trois semaines sans sport, c’est comme perdre un mois et demi de préparation. On perd bien plus vite que ce qu’on ne gagne, donc forcément revenir est plus compliqué. Après trois semaines de repos, j’ai pu reprendre le vélo d’appartement mais bon, ça ne fait pas grand-chose côté physique pour la moto. Par la suite, j’ai pu commencer à courir et petit à petit à faire de la salle de sports à partir d’un mois, un mois et demi. Après, j’ai eu le droit de reprendre la moto; il y a environ 10 ou 15 jours. C’est sûr que ça fait peu, surtout pour retrouver le physique en si peu de temps. C’est compliqué quand on repart pratiquement de zéro.

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Thibault Benistant pointait 4ème du mondial MXGP avant sa chute, en France @Yamaha Racing

Tu viens de reprendre la moto, tu laissais savoir que tu avais attendu le minimum avant de faire ton retour en piste. On pourrait se demander si ce n’est pas un poil prématuré ?

Non, car je n’ai pas pris de risque. J’ai fait tous les examens qui étaient nécessaires pour pouvoir reprendre. C’est-à-dire que j’ai vraiment attendu le feu vert de mon chirurgien. Je n’ai pas eu besoin d’opération, mais mon docteur a pu vérifier tous mes scans passés sur Lyon. Quand il m’a dit oui, et seulement là, j’ai repris la moto. Avant de faire de la moto, j’ai aussi vu le kiné de chez Yamaha. Je n’ai pas fait ça n’importe comment. J’ai roulé, je me suis senti à l’aise donc c’est tout bon. Je ne viens pas ici avec un objectif particulier. Si c’était dangereux de revenir, je ne l’aurais pas fait et encore moins avec une blessure aussi importante. Avec une clavicule ou un poignet, à la rigueur, pourquoi pas, mais pas là. Moi le premier, j’ai vraiment fait attention.

Cette année, une poignée de pilotes ont pris la parole au sujet de la sécurité des pilotes, de quelques problèmes concernant les drapeaux, les commissaires, les retardataires, etc. C’est une bonne chose, que les pilotes mettent en avant ces problématiques pour que les points soient améliorés par la suite ?

Oui, forcément, je pense que c’est une bonne chose. Je ne sais pas exactement comment ça fonctionne, si ce sont des bénévoles sur les pistes ou pas. Il me semble que oui. C’est vrai que ça serait peut-être bien d’être plus professionnel de ce côté-là. Ça pourrait peut-être éviter des accidents et faciliter les courses. Ou juste ne pas tuer la course de quelqu’un qui est en tête et qui se ferait gêner par un retardataire. De un, ça peut être dangereux, et de deux ça peut vraiment être énervant quand tu fais la manche en tête et que tu te fais doubler à cause d’un pilote retardataire parce que le travail en bord de piste a été mal fait. Ces sujets devraient être un peu plus abordés par tout le monde.

Évidemment, l’équipe de France pour le motocross des Nations a été annoncée. Tu reviens ce week-end en même temps que Maxime Renaux. Est-ce qu’il y a un moment où il y a eu des discussions, pour que – peut-être – tu puisses faire partie de l’équipe de France cette année ?

Je ne m’attendais pas spécialement à être présent aux Nations. Déjà, je n’ai pas roulé depuis la France. Tom Vialle a fait toute l’année. Ils avaient forcément Romain Febvre en 450 et le 450, ce n’est pas ma catégorie. Avec Maxime qui revient maintenant – et moi – ça paraît logique que ce soit à Maxime d’y aller. Je ne m’attendais pas à être sélectionné, et je n’ai même pas eu d’appel.

On sait que cette année, tu venais pour gagner les Grands Prix, pour éventuellement être champion du monde. On s’est fixé des objectifs pour ce week-end ? C’est un retour en “douceur”, mais il y a l’âme du compétiteur, aussi …

Non, pas spécialement. J’ai envie de m’amuser, de prendre du plaisir comme je peux le faire à l’entraînement. Forcément, je suis un compétiteur, mais il faut aussi être réaliste, car tous les autres sont dans une dynamique de course. Il y a un rythme à prendre, à reprendre. Avoir ce rythme à l’entraînement, c’est quelque chose, mais après avoir un rythme de course, ça en est une autre.

En début d’année, tu as signé quelques podiums, des tops 5, mais tu n’as pas décroché de victoire de GP. Il t’a manqué quoi, selon toi ?

Oui, c’est vrai que je n’ai pas excellé sur le début de saison. Je n’étais pas spécialement inquiet non plus, parce que je sais que la saison est longue et je comptais la gérer à ma façon, et évoluer petit à petit parce que je ne suis pas quelqu’un qui – en général – attaque fort d’entrée de jeu, que ce soit sur une manche ou un championnat. J’avais l’intention d’évoluer et progresser petit à petit, et je commençais tout juste à me sentir de mieux en mieux.

J’avais fait deux podiums en trois week-ends, j’avais gagné une manche qualificative. Je commençais petit à petit à me sentir mieux, à mieux rouler. J’avais l’intention d’aller de mieux en mieux mais malheureusement, je suis tombé, et je me suis blessé. Forcément, la saison est longue et ça peut arriver à moi, comme à un autre pilote. Je pense qu’on a pu voir que tous les pilotes, même les plus forts, ont fait vachement d’erreurs, de grosses chutes cette saison. Ça arrive à tout le monde de se blesser. Ce n’est évidemment pas l’objectif [rires], mais ça arrive.

Pas de pression pour Thibault Benistant ce week-end, qui cherche avant tout à se faire plaisir et retrouver des sensations @Yamaha Racing

Tu continues avec Yamaha en MX2 en 2025. On sait que tu as toujours été attiré par les USA, il y a eu quelques rumeurs de discussions avec des teams aux US l’an prochain à ton sujet. Les Etats-Unis, c’est quelque chose que tu as toujours dans un coin de ta tête où tu te vois continuer ici, en Europe, et donc monter en MXGP par la suite ?

Forcément, c’est dans un coin de ma tête. En fait, j’ai envie d’y aller mais j’irai si vraiment il y a une bonne situation, une bonne offre, quelque chose vraiment stable et concret; il faut que ça s’annonce bien. Après, honnêtement, que je fasse ma saison en Europe ou aux USA, les deux me conviennent.

Cette année, j’ai essayé de faire un sujet sur les contrôles anti-dopage et ça s’est avéré assez compliqué. Je demande désormais aux pilotes la date de leur dernier contrôle; de quand date le tien ?

Alors ça, c’est une très bonne question … Ce n’est pas cette année, c’est sûr que je n’en ai pas fait cette année. Les autres ont dû en faire quelques uns en mon absence, je pense. Pour moi, ça doit remonter à la Sardaigne l’année dernière; j’en ai fait deux en tout. Sardaigne, et Allemagne je crois.

Est-ce que tu penses qu’il y a assez de contrôles qui sont faits en championnat du monde de motocross ? Si tu n’es pas à l’aise avec le sujet, on passe.

En soi, je n’ai aucun problème à répondre à cette question. Je pense que personne ne s’amuse à se doper ou à prendre trop de choses, parce qu’on est entraîné pour ça, on s’entraîne tous les jours. On n’a pas spécialement besoin de prendre des produits pour tenir une manche de 35 minutes, qu’il fasse chaud ou pas. Notre condition physique nous permet de faire ça. Après, et par rapport au niveau où on évolue, je pense qu’on devrait être plus testés. Les contrôles, ça devrait être pratiquement à tous les Grands Prix, qu’ils sélectionnent les pilotes au hasard. Après, je ne sais pas exactement ce qu’il se passe, ni comment ça se passe mais moi, ça doit m’arriver une fois dans l’année d’être contrôlé. Je ne pense pas spécialement qu’il y ait des pilotes qui se dopent en Mondial, mais faire des contrôles antidopage à haut niveau, je trouve ça tout simplement normal.

Est-ce qu’à l’intersaison, on est déjà venu te voir pour te tester ?

Non; jamais.

Thibault Benistant “On repart plus ou moins de zéro”
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