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Valentin Teillet “Ce week-end, Mathis a surpris beaucoup de monde”

Illustration: MX July

Team-manager du team 737 Performance GasGas, Valentin Teillet était un homme heureux ce lundi à Frauenfeld. Mentor de Mathis Valin ces dernières années, Valentin a pu assister – aux premières loges – au premier succès Européen de son poulain en Suisse. Travail, détermination, persévérance; pas de secrets pour l’ancien champion d’Europe 250 qui guide le jeune espoir Français vers les plus hauts sommets Européens en s’assurant de lui éviter les erreurs de parcours. Direction Arco Di Trento avec la plaque rouge. Micro.

Valentin, est-ce que Mathis t’a impressionné sur cette première épreuve de l’Europe ?

Je suis très content même si j’étais assez serein pour être franc. Je savais que Mathis avait la vitesse. Cet hiver, il a su se surpasser, on a su se surpasser, il y a eu aussi pas mal de remise en question de ma part. L’an dernier, on avait découvert le championnat d’Europe 125 et cette année, on voulait jouer le titre et pour ça, il fallait doubler la mise. Je suis content car ce résultat montre qu’on a bien bossé. Maintenant, je m’attendais un petit peu à un bon résultat. De là à gagner ? Pas forcément. Je savais qu’il allait être devant. Top 3, top 5. On était un petit peu dans l’inconnu aussi car le France, c’est le France et l’Europe, c’est différent. Il y a parfois des pilotes qui font une grosse progression pendant l’hiver et qu’on n’attendait pas forcément. Ce n’est pas inespéré, car on le voulait au fond de nous, mais ce que Mathis a fait, c’est quand même un exploit ce week-end.

Par rapport au championnat de France, Mathis domine depuis le début de l’année. Est-ce que c’est délicat de le garder motivé, les pieds sur terre ? Lui as-tu dit “attention, ce n’est pas l’Europe, il faut rester concentré et continuer à travailler” ?

C’est surtout l’euphorie à laquelle il faut faire attention. Ce qu’il faut savoir c’est que dans tous les sports, quand il y a une victoire, beaucoup de monde est autour de toi. Tu es très sollicité, très flatté, et il faut faire attention car cet excès de confiance peut être très mauvais. Mon rôle en tant que team-manager, c’est de prendre Mathis sous mon aile et de lui dire “attention Mathis. Oui, c’est bien, ils ont raison dans ce qu’ils disent mais on retourne au travail pour le week-end prochain”. Quand on fait un bon résultat, et même quand il peut être mauvais, on se dit simplement qu’on tourne une page, on essaye de garder le positif de tout ça, et on retourne au boulot. Je le tiens par rapport à ça, je suis toujours dans le futur avec Mathis, le pauvre [rires]. Il n’a pas le temps, même tout à l’heure après sa victoire, je lui ai parlé d’Arco. “C’est bien, tu as fait le job. Maintenant, on pense à Arco” et il m’a répondu “Oui, tu as raison, c’est vrai”. 

Une première plaque rouge en Europe pour Mathis Valin & le team 737 Performance GasGas @MX July

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Il va profiter un peu de sa victoire tout de même, j’imagine.

Oui, forcément. C’est sa première victoire en championnat d’Europe, ce n’est pas des moindres. C’est la première épreuve du championnat, il arrive et bam, il gagne. Personne ne l’attendait. La semaine dernière, on s’est fait la réflexion. Certains sites internet n’ont même pas cité Mathis dans les favoris. Il y en a pleins qui ne l’attendait pas. Je l’ai titillé avec ça, je lui ai dit “Tu as vu Mathis ? Ce site anglais ne t’a même pas cité dans les favoris. Tu es l’outsider, personne ne t’attends, c’est génial”. Je pense que ce week-end, Mathis a surpris beaucoup de monde.

Tu l’as pris sous ton aile il y a quelques années. Quand on a discuté avant l’Europe, il disait qu’il avait énormément progressé grâce à toi. C’est une satisfaction personnelle, aussi ?

Moi, j’ai eu ma carrière de pilote et aujourd’hui j’ai vraiment passé ce cap en accompagnant les pilotes. C’est une nouvelle vie que je commence et ma carrière m’a permis de pouvoir faire ce que je fais avec Mathis aujourd’hui. Si je n’avais pas eu cette carrière avant, ça aurait été impossible de le faire. J’ai beaucoup analysé la mienne et aujourd’hui, Mathis est en train de faire le même chemin que moi, mais sans mes erreurs. C’est ça qui est hyper intéressant pour moi.

C’est quoi, la première erreur que Valentin a faite et qu’il a dit à Mathis de ne pas reproduire ?

Il y en a eu beaucoup, mais la première erreur que je faisais, c’était sur les week-ends de course. J’avais tendance à dépenser mon énergie, à sortir de ma course. J’étais très sociable, j’aimais beaucoup aller voir tout le monde dans le paddock car ça me rassurait. J’essaye de le garder dans une bulle mais on fait toujours quelque chose, car je ne peux pas simplement le laisser dans cette bulle à ne rien faire. On va voir la piste, on regarde des vidéos du circuit, on fait des trucs mais je le garde vachement concentré. Je pense que j’étais un pilote talentueux, mais je perdais un peu trop le fil, je m’éparpillais.

À Arco Di Trento, Mathis Valin ne sera plus un outsider

Il gère la plaque rouge sur le championnat de France et là, il va devoir gérer la plaque rouge sur le championnat d’Europe. C’est quoi le conseil qu’on va lui donner ? Tout le monde va l’attendre désormais.

Et bien justement, l’état d’esprit ne change pas en fait. Avant la seconde manche, je lui ai dit “Si tu es capable de gagner, tu vas me la chercher. Sinon, tu penses au championnat et tu marques de gros points”. Là, je vais lui dire la même chose. Il est capable de gagner. La plaque rouge, je ne vais même pas lui en parler car pour moi, ce n’est qu’un sticker en plus sur la moto. S’il est capable de gagner, on empile, s’il n’en est pas capable, il faudra marquer de gros points, faire deuxième, troisième ou quatrième. À la fin du championnat, c’est ça qui fera la différence.

J’aimerais faire un aparté par le lancement de ton programme 737 kids avec Tim Lopes et Timoteï Cez. Qu’est-ce qui t’as motivé à te lancer dans cette aventure avec des pilotes encore plus jeunes ?

C’est déjà par rapport à ce que j’ai fait avec Mathis. Il faut savoir que Mathis, je le connais depuis qu’il a 3 ans, il était tout petit. On a retrouvé des photos de lui de l’époque quand il était gamin avec moi, c’est assez drôle. Quand je prends un pilote après 16 ou 17 ans, ils sont moins malléables, j’en fais moins ce que j’en veux. Par contre, quand je les prends jeunes comme Mathis, qui avait à peine 12 ans, je peux en faire ce que j’en veux. Je lui disais “fait ça” et il le faisait sans se poser de questions. À cette âge-là, ça écoute moins tous les gens qui sont autour car la seule chose qu’ils veulent, c’est rouler. Quand ils ont confiance en une personne, ça avance. Le 737 Kids, ça part de ce constat. Aujourd’hui, ce que je fais avec Mathis, je veux l’appliquer à des pilotes encore plus jeunes. Certains m’ont dit qu’à 8 ans il fallait les laisser rouler mais moi je ne suis pas forcément d’accord. Si on peut leur apporter un petit plus à cet âge-là, c’est du temps de gagné.

Champion d’Europe E5 l’an dernier, Timoteï Cez fait partie de la structure 737 Kids @Marwane Messaoudene

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