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Mathieu Santoni “les limites, ce sont souvent celles que l’on s’impose à soi-même”


Mathieu Santoni ne ménage pas ses efforts pour participer aux championnats de France. Corse de souche, Mathieu traverse la mer Méditerranée à chaque épreuve pour se rendre sur le continent afin de jouer des coudes avec certains des meilleurs pilotes de l’Hexagone. Actuel second du championnat de France National 250, le pilote Yamaha espère bien décrocher un premier titre de champion de France National cette saison; un titre qui aurait une saveur toute particulière pour le garçon qui – sourd de naissance – a dû travailler d’autant plus dur, et développer d’autres sens pour parvenir à atteindre le haut du panier dans son sport. Il raconte …

Mathieu, pour commencer, est-ce que tu peux nous expliquer ton parcours sportif, nous dire comment tu t’es mis à la moto, et revenir sur ton parcours en compétition jusqu’ici ?

Au départ, j’étais à la fois golfeur et pilote de moto, mais j’ai finalement choisi de me concentrer exclusivement sur la moto. J’ai commencé la moto à l’âge de 6 ans, influencé par mon père qui a été champion de France en trial et en enduro dans les années 1970. Ma première moto, c’était une KTM 50cc et, à l’âge de 8 ans, j’étais déjà champion de Corse en 50cc. Je me suis ensuite aligné sur le championnat de ligue de Provence où j’ai décroché la 2ème place en 65cc en 2009. Malheureusement, mes performances en 85cc ont été moins bonnes; je terminais souvent entre la 5ème et la 6ème place.

Le succès est arrivé en 125cc, sur une KTM. J’ai remporté le championnat de ligue de Provence en 2014, suivi d’un titre de champion de Corse en 2015. En 2018, j’ai rejoint l’équipe Corse « Esprit Off Road » de Porto-Vecchio, je me sentais comme un pilote officiel sur ma 250 Husqvarna préparée par Reptil. J’ai roulé à la fois sur le championnat de France national et l’Elite et, lors de la première course Elite à Gueugnon, j’ai fait une très belle deuxième manche en tenant une deuxième position derrière des très bons pilotes, avant de chuter et de terminer 8ème.

En 2019, j’ai disputé le championnat de France national MX2 avec une 250 SX-F, et malgré des débuts prometteurs à Yssingeaux, une crevaison m’a appris l’importance d’utiliser un bib mousse. Peu après, une blessure m’a contraint à ralentir la cadence. De là, le COVID-19 est arrivé en 2020 et a également impacté mes plans, mais en 2021, j’ai fait un retour payant en 450 YZ-F en remportant la première manche du national MX1 à Yssingeaux. Mon succès a été de courte durée puisque j’ai chuté par la suite, ce qui m’a valu une fracture du radius.

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En 2022, une perte de confiance et des douleurs au bras ont enrayé mon retour en piste, mais j’ai décidé de relever le défi de rouler en 250 2 temps sur le championnat de France national MX2, ça m’a aidé moralement et ça a boosté mes performances. En 2023, j’ai fini 3ème à Saint-Eloi et – malgré les hauts et les bas et un emploi de mécanicien vélo chez Décathlon Ajaccio – j’ai persévéré. Sur un coup de tête, un mois avant l’ouverture de la saison 2024, j’ai insisté pour rouler en 250 malgré les réticences de mon concessionnaire. Cette décision s’est avérée payante, j’ai terminé 2ème de la première épreuve à Yssingeaux; ça m’a aidé à regagner confiance.

Je suis reconnaissant envers mon concessionnaire et tous ceux qui ont cru en moi, et je continue à travailler dur, persuadé de suivre la bonne voie.

Vous n’êtes pas nombreux à venir de Corse. On pense notamment à Christophe Charlier ou encore Marc-Antoine Rossi. Disons qu’on ne connaît pas vraiment la Corse pour le Motocross. Comment décrirais tu la scène MX en Corse, pour ceux qui ne la connaissent pas ?

On n’est pas très nombreux en Corse à participer au championnat de France, mais il y a néanmoins quelques pilotes qui s’engagent sur la ligue de Provence, en enduro et en championnat de France de supermotard. C’est top de constater le nombre d’enfants qui roulent en motocross ici ; leur motivation est impressionnante et ils représentent l’avenir de ce sport dans notre région.

On a d’excellents pilotes en Corse, et de magnifiques tracés sur lesquels nous entraîner. Malgré tout, il reste une contrainte majeure pour nous: le coût du transport par bateau qui représente un frein significatif, puisqu’il augmente considérablement les frais liés à notre participation aux différents championnats. Un soutien financier pour couvrir ces coûts de déplacement serait d’une grande aide, et permettrait à beaucoup plus de nos talents locaux de se faire connaître et d’évoluer sur le plan national.

La scène du motocross en Corse a connu un développement notable ces dernières années, en particulier concernant la qualité et la préparation des circuits. On a des créneaux fixes pour l’entraînement, principalement les mercredis, samedis et dimanches, avec des ouvertures supplémentaires pendant les vacances scolaires pour ceux qui participent ou souhaitent participer aux championnats de France.

Personnellement, je m’entraîne souvent seul, ou parfois avec Christophe Charlier; c’est une source de motivation supplémentaire. En comparaison, sur le continent, la densité de pilotes de différents niveaux permet une émulation plus riche ; ils ont l’opportunité de s’entraîner ensemble régulièrement, de progresser ensemble et de découvrir de nouveaux terrains.

En Corse, nos choix de terrains restent limités. On les connaît par cœur, et c’est un défi supplémentaire pour notre progression.

Tu avais mis du gros gaz sur le National 250 en 2019, avant de monter sur le National 450 par la suite. Pourquoi avoir décidé de faire un retour sur le 250 en 2023, et dans un deuxième temps, pourquoi avoir choisi le deux temps pour cette saison 2023 ?

Oui, c’est vrai que j’avais performé sur le National 250 en 2019. Après une année 2022 particulièrement difficile, la plus sombre de ma carrière où j’ai perdu confiance en moi et douté de ma capacité à continuer à ce niveau, j’ai décidé de revenir en 250 pour 2023. Cette période a été éprouvante mentalement, mais grâce à une bonne étoile et au solide soutien de mon entourage, j’ai trouvé la force de rebondir.

J’ai choisi de rouler en 250 2 temps en 2023 temps parce que la moto était éligible, et j’ai voulu me lancer un nouveau défi. J’ai rencontré des difficultés techniques, notamment avec le carburateur: étant sourd tout comme mon père, les ajustements étaient compliqués. Cependant, grâce à l’aide précieuse de quelques personnes, que je tiens à remercier, on a réussi à surmonter ces obstacles.

Le passage à la 250 2 temps a transformé mes débuts de manches, je pouvais souvent partir devant. Mais, maintenir un rythme élevé pendant 27 minutes sur ce type de moto exige une grosse condition physique, car elle est plus exigeante à piloter que la 450 4 temps, qui est plus douce et moins fatigante sur la durée d’une manche.

Je ne regrette pas ce choix ; 2023 s’est révélé être une bonne année, marquant un tournant positif et surtout, rafraîchissant dans ma carrière de pilote.

Quel bilan tires-tu de cette saison fameuse saison 2023, finalement ?

Elle a globalement été très positive, malgré quelques hauts et bas et notamment suite à deux casses moteurs. Cependant, l’ensemble de la saison a été presque parfait. J’ai réalisé de nombreux holeshots, enregistré de bons chronos et livré de belles batailles en piste.

Gérer la compétition et travail en parallèle n’a pas été simple, et ça m’a empêché de m’entraîner à 100%. Mais, mentalement, j’étais dans un très bon état d’esprit car je prenais beaucoup de plaisir. Ces moments passés au national avec les autres pilotes étaient tops. Il y une ambiance détendue, sans tension, et c’est ce que j’ai particulièrement aimé.

Tu es de retour sur le national 250 en 2024, en 4 temps cette fois-ci; pourquoi avoir laissé de côté le deux temps pour cette nouvelle année, finalement ?

J’ai dû abandonner l’idée de rouler en 250 2 temps pour la saison 2024 en raison de difficultés qu’on rencontrait au niveau des réglages du carburateur. Étant tous deux sourds, mon père et moi, on ne voulait pas risquer de rencontrer de nouveaux problèmes mécaniques. C’est pourquoi j’ai pris la décision de rouler sur une 250 4 temps avec une ligne d’échappement et de meilleures suspensions, fournies par 4.42; c’est une référence dans le domaine.

Cette moto m’a permis d’être tout de suite mis en confiance. Je me sens vraiment à l’aise à son guidon, peu importe le type de terrain. Les suspensions jouent un rôle important dans mon aisance et mes performances. Avec le 4 temps, je n’ai plus à m’inquiéter des réglages complexes du carburateur ; il me suffit de démarrer la moto et je peux rouler en toute confiance contrairement au 2 temps, qui nécessite des étapes supplémentaires avant de pouvoir rouler sereinement. Le 4 temps offre une approche plus directe et sans tracas, ce que je préfère.

Dans l’ensemble, je me sens plus à l’aise et plus performant avec le 4 temps, et je suis convaincu que c’est le choix qui me convient le mieux pour cette saison.

Corrige-moi si je me trompe, mais il me semble qu’on t’a très rarement vu sur les championnats Elite. Pourquoi ?

C’est vrai que ma présence sur l’Elite a été assez rare, principalement en raison des contraintes budgétaires. Avec mon équipe, on ne dispose pas des ressources nécessaires pour rivaliser aux avant-postes, en particulier lors des départs où je pourrais rencontrer des difficultés. Malgré mon envie de participer à l’Elite, la réalité financière limite actuellement mes opportunités.

Si j’avais les moyens financiers et les bonnes motos pour évoluer sur l’Elite, je n’hésiterais pas à relever le défi et à me mesurer aux meilleurs pilotes. Les terrains de l’Elite offrent des conditions excellentes pour progresser, ce sont des tracés exigeants. J’espère pouvoir revenir sur le circuit Elite à l’avenir, potentiellement en parallèle de ma participation au championnat de France national, si les conditions le permettent.

Ça fait quelques saisons que tu gagnes des manches ici et là sur le National. Pourtant, tu n’as malheureusement pas encore pu décrocher de titre. Qu’est-ce qu’il t’a manqué, avec le recul, jusqu’ici ?

Au fil des saisons, j’ai été en mesure de remporter des manches ici et là lors des compétitions nationales. L’objectif ultime, qui est de décrocher un titre de champion de France, m’a toujours échappé jusqu’à présent. Avec le recul, je peux identifier plusieurs choses qui ont joué un rôle là-dedans.

Parmi les facteurs limitants, il y a eu des aléas comme des casses mécaniques, des crevaisons, des problèmes physiques et des chutes qui ont inévitablement influé sur mes résultats. Pour exceller dans ce sport, une organisation rigoureuse, une préparation physique et mentale solide, une moto parfaitement préparée, une confiance à toute épreuve et une motivation sans faille sont essentiels. L’un des aspects clé qui m’a probablement fait défaut, c’est de ne pas avoir un entraînement régulier et intensif à moto. Gérer mes séances d’entraînement en parallèle de mon travail a parfois représenté un réel défi.

De plus, les contraintes logistiques, notamment les voyages fréquents en bateau depuis la Corse pour chaque épreuve, ont eu des répercussions sur moi tant mentalement que physiquement. Ces déplacements puisent dans les ressources physiques, ce qui peut jouer sur mes performances en piste.

Pour finir, le soutien financier a également été un élément qui a parfois fait défaut. Ceci-dit, avec l’aide de Sportscom Unlimited pour gérer ma recherche de sponsors et de partenariats, j’ai un nouvel espoir. Cette collaboration ouvre de nouvelles perspectives financières, et représente un soulagement qui me permettra de me concentrer pleinement sur mes objectifs sportifs.

Du coup, je suis déterminé à corriger ces manques, et à travailler dur pour décrocher mon premier titre de champion National. Le chemin peut être semé d’embûches, mais avec une approche renouvelée et un meilleur soutien, je reste confiant: la victoire n’est plus qu’une question de temps.

Tu es sourd de naissance. Ça ne t’empêche pas de mettre du gros gaz. J’imagine que tu n’as pas de point de comparaison mais dans ta situation, tu as très probablement développé tes autres sens de manière exacerbée. Entendre son moteur pour un pilote, c’est aussi une indication de quand passer un rapport par exemple. Il y a aussi les autres pilotes en piste, que tu n’entends pas arriver. Finalement, à quoi tu te fies en piste, sur ta moto, et quels sont les feelings les plus importants dans ton cas de figure ?

En tant que pilote sourd, ma perception de la piste et de ma moto repose beaucoup sur les sensations physiques, et les vibrations. Pour un pilote entendant, le son du moteur fournit des informations importantes quant à savoir quand passer les rapports. Pour moi, c’est avant tout une question de ressenti.

Chaque changement de rapport est accompagné de variations dans les vibrations du moteur. Ces vibrations me renseignent sur la réactivité du moteur, sur sa nervosité, sur sa puissance et sur son régime. Par exemple, passer la première induit une certaine réaction, idéale pour des portions à basse vitesse. En revanche, dès que je monte en régime et que je passe les rapports, je perçois une montée en puissance progressive, une nervosité du moteur, et la sensation d’allonge qui se traduit par des vibrations plus marquées.

Sur le plan de la compétition, j’ai développé des techniques pour gérer la présence des autres pilotes en piste malgré mon absence d’audition. Si je reste concentré sur ma course et mes trajectoires, j’ai toujours un œil sur les autres pour m’assurer de leur proximité, sans trop me laisser distraire. Cette connexion sensorielle avec ma moto et mon environnement me permet de compenser mon absence d’ouïe, et de rester compétitif sur la piste.

Les vibrations du moteur, les sensations physiques, et la lecture de mon environnement de course, c’est le cœur de ma stratégie. Ces éléments sont mes guides sur la piste et me permettent d’optimiser mes performances tout en m’adaptant aux différentes situations rencontrées en piste.

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Par simple curiosité, et quand on a passé un moment ensemble à Gueugnon, j’ai remarqué que tu portais des prothèses auditives. Dans quelle mesure et à quel effet utilises tu ces dernières ?

Elles me permettent de capter certains sons, et améliorent ma compréhension lors de communications avec des personnes entendantes. De base, je suis habitué à lire sur les lèvres pour mieux saisir les échanges car sans cet appui visuel, il est difficile pour moi de suivre une conversation. Par contre, lorsque je suis sur la piste en train de rouler, j’ai pour habitude de retirer mes appareils auditifs car ils me gênent et produisent beaucoup d’interférences sonores.

En dehors de mes activités sportives, j’utilise mes prothèses auditives dans mon quotidien et au travail pour faciliter la communication. Il y a quand même des moments où je préfère ne pas les porter, préférant rester plongé dans le silence. Lorsque je suis avec plusieurs personnes, il m’est difficile de suivre les échanges car même avec l’aide des prothèses, la compréhension reste limitée dans ces conditions. Je me sens parfois exclu des conversations de groupe, et ça peut être frustrant.

Du côté du positif, être sourd m’a permis de développer ma concentration. Le fait de ne pas être distrait par les bruits ambiants me permet de me plonger pleinement dans ma propre bulle, ce qui représente un avantage par rapport à d’autres personnes. Cette capacité à focaliser toute mon attention est un plus dans des environnements exigeants, comme lors des courses où le calme intérieur peut favoriser la performance.

Pour reprendre la question au niveau de ton feeling sur la moto. Qu’est-ce qui te marque le plus entre le 250 YZ et le 250 YZ-F ? Je suis curieux de savoir comment tu perçois la différence entre ces deux motos, en tant que pilote non-entendant ?

La différence de ressenti entre la Yamaha YZ 250 et la Yamaha YZ-F 250 est intéressante. Ces deux motos ont leurs propres caractéristiques qui vont influencer mes sensations au niveau du pilotage.

La 250 YZ 2 temps se démarque par sa nervosité et ses vibrations plus prononcées. Cette sensation de nervosité se traduit par une réponse plus directe de la poignée de gaz, et une accélération instantanée, idéale aux départs et dans les reprises rapides. Les vibrations marquées du 2 temps peuvent également servir de repères pour le changement de vitesses, elles apportent des informations plus précises.

D’un autre côté, la Yamaha YZ-F 250 4 temps offre une puissance plus souple mais constante. Le moteur procure un couple plus linéaire et permet une gestion simple de la puissance. Les vibrations du 4 temps peuvent être plus douces et mieux réparties, ce qui offre une expérience de pilotage plus lisse et contrôlée.

En termes de poids, la 2 temps est souvent perçue comme plus légère et plus agile vu sa simplicité au niveau du moteur. En revanche, la 4 temps peut offrir une meilleure stabilité et une sensation de robustesse grâce à son moteur plus complexe.

Dans l’ensemble, ces différences ne signifient pas qu’une moto est meilleure que l’autre, mais plutôt qu’elles offrent des expériences différentes. Chaque pilote peut avoir ses préférences en fonction de son style de pilotage, des conditions de piste et des sensations recherchées.

On m’a laissé entendre que tu faisais le déplacement sur les épreuves du National depuis la Corse à chaque épreuve, en ferry. Ça doit être une organisation monstre, un sacré déplacement, et pas franchement agréable pour le budget. Explique-nous comment ça se passe, quand tu te rends sur une épreuve du France ?

Voyager depuis la Corse pour participer aux épreuves du National est toujours une grosse aventure. C’est un inconvénient que je gère depuis plusieurs années, et ça représente un défi logistique et financier de taille. L’organisation de ces déplacements est importante, et demande une bonne planification.

En général, je m’arrange pour m’absenter du travail les vendredis et les lundis. Je prends le ferry le vendredi soir pour arriver à Marseille le samedi matin. Ensuite, je prends la route jusqu’au lieu de la course et je reste sur place pendant deux jours avant de repartir le lundi matin pour rejoindre Marseille, afin de reprendre le ferry pour rejoindre la Corse le mardi matin pour me rendre directement au travail. Parfois, et selon où se dispute la course, je dois même partir dès le jeudi soir de Corse pour arriver à temps.

Ça implique des coûts non-négligeables à chaque traversée, ce qui impacte directement mon budget. Malheureusement, il y a peu d’aides financières pour nous soutenir dans ces déplacements, et c’est aussi ce qui rend aussi la gestion des finances compliquée pour de nombreux pilotes corses.

Malgré tout, on s’en sort toujours car la passion pour le sport et la détermination à atteindre nos objectifs nous poussent à surmonter ces obstacles. Là, une lueur d’espoir se profile à l’horizon grâce à Sportscom Unlimited, qui se mobilise pour trouver des solutions afin de réduire la fatigue et les dépenses occasionnées par ces allers-retours en ferry. Ça ouvre la porte à de nouvelles opportunités pour être plus sereins et efficaces le jour des courses.

Ça ressemble à quoi, le quotidien de Mathieu Santoni aujourd’hui ?

Une semaine type ? C’est un sacré programme ! Le lundi, c’est une course contre la montre : séance de sport à l’aube avant de foncer au travail. Le mardi, c’est plutôt détente muscu’ et balade à vélo, histoire de profiter du temps libre. Mercredi, c’est moto avec mon père; un vrai moment de complicité sur la piste.

Le jeudi, c’est muscu’ matinale et peut-être quelques longueurs à la piscine – il faut bien garder la forme ! Le vendredi, cap sur le footing ou le vélo, en espérant que le temps soit de la partie. Et le week-end, c’est sacré : manches de moto le samedi et entraînement moto le dimanche pour garder le rythme.

Je varie un peu les plaisirs, mais la moto reste ma priorité numéro un. Quand Christophe Charlier m’appelle pour faire de la moto un mardi ou un vendredi, c’est oui sans hésiter ! C’est ça, le sport. Il faut toujours être prêt à saisir les bonnes occasions, même si ça me vaut quelques courbatures le lendemain.

Tu es second du national 250 après Gueugnon. La seconde épreuve ne s’est pas exactement déroulée comme tu le souhaitais malgré une grosse vitesse de pointe. Tu as des adversaires de taille sur le national, notamment avec des garçons comme Poll, Schmitt ou Kappel. Décrocher un premier titre de champion de France, ça représenterait quoi pour toi ?

Ce serait bien plus qu’une simple victoire pour moi ; ce serait une consécration de toutes ces années d’efforts, de persévérance et de sacrifices. Chaque moment passé à s’entraîner dur, chaque week-end de compétition, chaque moment de doute et chaque défi surmonté, tout ça prendrait un nouveau sens avec ce titre. Ce serait une victoire personnelle, mais également un hommage à tous ceux qui ont cru en moi, qui m’ont soutenu durant les périodes difficiles, et qui ont investi temps et énergie en moi.

Gagner ce titre serait aussi une façon de répondre à ceux qui doutaient de ma capacité à rester compétitif, à ceux qui murmuraient que j’étais fini, qu’il fallait que j’abandonne. Cela me donnerait l’occasion de prouver que malgré mon handicap, je suis un compétiteur dévoué, capable de rivaliser au plus haut niveau. C’est une source de motivation supplémentaire pour moi, que de montrer que les obstacles peuvent être transformés en tremplins vers le succès.

Affronter des garçons comme Poll, Schmitt ou Kappel rend le championnat d’autant plus intéressant. Ils sont talentueux et très forts physiquement. Chaque manche est une bataille, chaque victoire est durement gagnée, et chaque course rapproche du but ultime. Les départs sont très importants ; être devant dès le début me permet de contrôler la course et d’imposer mon rythme.

Finalement, gagner ce titre signifierait pouvoir briser les barrières, tant personnelles que celles imposées par les perceptions extérieures. Ce serait une affirmation que la passion, le dévouement et le courage sont souvent les véritables clés du succès, peu importe les défis à relever. Pour moi, pour ma famille, pour mes amis et pour tous ceux qui me soutiennent, ce titre serait une récompense après de nombreuses années de travail et de dévouement à ce sport que j’aime tant.

Il y a eu une réunion de la FFM à Paris pour parler de certains nouveaux axes pour l’an prochain. Visiblement, on se penche sur la catégorie MX1. On a entendu parler d’une éventuelle augmentation des primes de 100€ / par manche pour tout le top 15, afin que le pilote qui signe un 15-15 sur l’Elite reparte avec une meilleure prime que le pilote qui signerait un 1-1 sur le national. Si cette règle est appliquée, penses-tu que ça aiderait à régler le problème de la catégorie ?

L’initiative de la FFM est très encourageante, et je pense qu’elle pourrait vraiment transformer le dynamisme de cette catégorie. En augmentant les primes de 100€ par manche pour tout le top 15, ils montrent une volonté de reconnaître et de récompenser de manière plus équitable les efforts de tous les pilotes présents sur la grille.

Ça pourrait non seulement motiver davantage les pilotes à s’engager à chaque course, mais également attirer de nouveaux talents du National, qui pourraient envisager de passer en Elite plus sereinement tout en sachant que leurs performances seraient mieux valorisées financièrement. Personnellement, ça m’encouragerait sans doute à envisager une participation à l’Elite, étant particulièrement attiré par la puissance et le défi technique que représente le 450.

L’aspect compétitif se trouverait également renforcé, car cette augmentation des primes inciterait les pilotes à repousser leurs limites pour entrer ou rester dans le top 15 à chaque manche. En plus, ça contribuerait à élever le niveau global en attirant les meilleurs talents des différentes catégories, garantissant des courses plus disputées, et donc plus intéressantes.

Je reste très optimiste quant à l’aboutissement de cette proposition et j’espère qu’elle sera adoptée. Ce changement pourrait significativement améliorer la compétitivité et l’attractivité de la catégorie MX1. Ce serait bénéfique pour les pilotes, les équipes mais aussi les fans.

Si on te laissait les clefs de la FFM pour faire des modifications à ton championnat de France National 250, qu’est-ce que tu changerais ?

Si j’avais l’opportunité de faire des ajustements dans la gestion du championnat de France National 250, je me concentrerais principalement sur quelques améliorations ciblées qui, selon moi, pourraient améliorer les choses pour tous les pilotes.

Premièrement, je proposerais une petite augmentation des primes pour les pilotes. Ce serait un geste significatif pour reconnaître nos efforts. Ensuite, je réintroduirais le système de qualifications sans imposer de limite au niveau du nombre d’engagés, avec une prime de 40€ pour ceux qui se qualifient. Ça pourrait encourager une participation plus large, et récompenser les pilotes qui se qualifieraient.

Un autre aspect important serait l’amélioration de la couverture médiatique du National, en s’inspirant de ce qui est fait sur l’Elite. Actuellement, l’Elite bénéficie d’une meilleure visibilité grâce à des résumés vidéo qui valorisent les pilotes et attirent l’attention des sponsors. Avoir une démarche similaire avec le National pourrait non seulement augmenter la visibilité des jeunes talents, mais également offrir une belle vitrine pour les marques, les équipementiers, les constructeurs, les préparateurs, etc.

Enfin, je m’opposerais fermement à la tenue des épreuves de quads et de side-cars le même jour que les courses du National. Ces catégories entraînent des modifications de piste qui peuvent être préjudiciables à la qualité des courses. Par exemple, à Gueugnon, la présence de quads a rendu la piste quasi’ impraticable. C’était glissant, avec des ornières marquées, et ça augmente les risques tout en réduisant le plaisir. Ce genre de superposition de discipline peut compromettre la sécurité et l’intégrité de notre sport. Mon engagement envers le championnat et la FFM est total et, bien que j’apprécie toutes les disciplines, je crois fermement que chaque discipline mérite un espace et un respect distincts pour garantir la meilleure expérience pour tous.

Si tu avais un conseil à donner à un kid qui débute le Motocross, ce serait quoi ?

Si je devais donner quelques conseils à un jeune qui débute en motocross, ce serait avant tout de prioriser sa passion et de se donner tous les moyens de réussir, tout en gardant à l’esprit que le plaisir est au cœur de ce sport. Voilà un conseil précieux pour vous, les jeunes, pour tracer votre chemin dans le milieu exigeant du Motocross.

Premièrement, pour les jeunes pilotes en Corse, je recommande vivement de songer à s’installer sur le continent si l’objectif est de se frayer un chemin au plus haut niveau du motocross français ou européen. Cette démarche réduira considérablement les frais liés aux déplacements en bateau et leur offrira l’accès à une multitude de terrains et de compétitions, augmentant ainsi leurs chances de réussite. Avec plus d’opportunités de compétition, ils pourront affiner leurs compétences plus rapidement. Je dois avouer que je regrette de ne pas avoir pris cette décision plus tôt, lorsque j’étais plus jeune. Mais plus que tout, n’oubliez jamais de garder la motivation et surtout de prendre du plaisir à rouler. Le plaisir est essentiel, c’est le véritable moteur de la passion dans notre sport.

Deuxièmement, pour les jeunes du continent, continuez de rêver grand. Si vous avez un rêve de devenir champion, accrochez-vous à ce rêve et faites tous les efforts nécessaires pour qu’il se réalise. Entrainez-vous, trouvez un entraîneur qui sache vous comprendre et vous pousser vers le haut. L’environnement, l’entourage, c’est crucial : ils seront votre soutien dans les moments difficiles et vos premiers fans dans les bons moments. Variez, explorez de nouveaux terrains, cela renforcera non seulement votre capacité d’adaptation mais aussi votre confiance en vous.

À travers mon parcours, j’ai appris et je suis la preuve vivante que même avec un handicap, les barrières peuvent être brisées. Mon handicap auditif ne m’a jamais empêché d’aspirer à plus, de rouler avec passion et d’atteindre le haut niveau en Motocross. Ça montre que les limites, ce sont souvent celles que l’on s’impose à soi-même. Alors, à vous tous, jeunes pilotes, quelle que soit votre situation, croyez en vous, poussez-vous à aller de l’avant, et n’oubliez jamais que le plaisir est la clé de la longévité dans ce magnifique sport.

Mathieu souhaite remercier ses proches & ses sponsors, sans lesquels cette aventure ne serait pas possible.

Mathieu Santoni “les limites, ce sont souvent celles que l’on s’impose à soi-même”
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