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Mathéo Miot “J’ai encore un avenir dans le motocross”

Mathéo Miot “J’ai encore un avenir dans le motocross”

L’hiver dernier, Mathéo Miot voyait tous ses plans balayés d’un revers de main après une séparation de dernière minute avec l’équipe Tech32 Racing. Si Mathéo n’est pas passé loin de jeter l’éponge en 2020, faute de moyens, l’ancien vainqueur de l’Enduropale juniors a décidé de monter au charbon avec son propre programme, franchissant un nouveau cap grâce aux conseils avisés de son entraîneur Christophe Meyer. Bien placé sur le championnat de France Elite MX2 cette saison, Mathéo Miot a intégré la structure Honda SR Motoblouz pour disputer le championnat de France des sables cet hiver avant de signer son retour sur championnat d’Europe – catégorie 250 – la saison prochaine.

Après l’ombre, place à la lumière. Micro

Mathéo, racontes. Les débuts avec ton frère, c’était comment ?

Avec Florian, on a commencé en même temps car notre père faisait de la moto. Depuis qu’on est né, on passe nos weekends sur les terrains avec les copains de mon père qui en faisait en ligue, à un petit niveau. Il a fini par nous acheter une petite moto, une PW, et ça nous a plu.

Au fil des années, on s’est lancé dans les compétitions en ligue, puis en France, puis en Europe et tout est parti comme ça.

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Avec Florian, vous vous êtes tiré vers le haut ?

Avec la différence d’âge, j’ai toujours été plus rapide que Florian quand on était petit car la différence est plus grande à un jeune âge. Florian a toujours voulu me battre, et je n’ai jamais voulu qu’il ne me batte, et c’est comme ça qu’on a progressé, en se repoussant.

Aux chronos, s’il se rapprochait trop de moi, j’attaquais encore plus, et lui, il voulait revenir au contact. Je pense que ça nous a beaucoup aidé à progresser.

C’est devenu sérieux à partir de quand ?

On faisait le championnat de ligue Haut de France sans vraiment faire de résultats, j’ai été champion de ligue une fois mais on ne faisait pas plus de résultats que ça, c’était vraiment du loisir. On se retrouvait le weekend avec les copains, on rigolait bien, c’était cool.

Un jour, mon père a décidé de nous inscrire à une épreuve du championnat de France Minivert sans aucune prétention. Tout le monde nous a critiqué car on n’avait pas du tout le niveau. Arrivé là-bas – bien sûr – on était très loin, peut être à peine dans les 15 ou 20 premiers. On a quand même continué et persévéré, on n’a pas écouté les autres et on a roulé sur ces championnats.

Au fil des années, on a progressé, on a commencé à s’entourer d’entraîneurs, à faire les choses un peu plus sérieusement et deux ans plus tard, je deviens champion de France, mon frère également; on a bien progressé et on a fait taire beaucoup de gens.

Cette progression en deux ans, qu’est-ce qui l’a provoquée ?

Difficile à dire. On a continué sur le championnat de France et ça nous a fait progresser. Les autres étaient plus rapides, et en les voyant, on savait sur quoi bosser. Ce qui nous a bien aidé, c’est que mes parents ont déménagé à ce moment-là et qu’on a pu avoir un petit terrain privé à côté de la maison. Tous les soirs après l’école, on roulait une heure, et c’est quand même à partir de là qu’on a vraiment commencer à progresser. Quand on est jeune, pouvoir rouler tous les jours, c’est vraiment le must.

On passe au présent. On t’a vu sur l’Elite MX2 cette saison, tu étais second avant la dernière épreuve, comment ça s’est passé cette saison d’Elite ?

Bizarrement, à cause de la situation sanitaire, il n’y a eu que trois courses. Je ne me sentais pas vraiment prêt car j’avais eu quelques soucis pendant l’intersaison hivernale; c’était délicat, on était parti de notre team et on s’était retrouvé sans rien. Sans sponsors, on a failli arrêter la moto car mes parents n’avaient pas forcément les moyens à ce moment-là.

Nous, on était démotivé avec toutes ces histoires. On a néanmoins réussi à rebondir et j’ai trouvé un entraîneur – Christophe Meyer – que j’avais contacté au Touquet. Il m’a pris sous son aile, je suis parti de chez mes parents avec les motos que mon père m’avait acheté pour la saison 2020 et je me suis entraîné pour faire l’Elite.

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Finalement, ça ne s’est pas trop mal passé puisque j’arrive en seconde position du classement à la finale mais malheureusement, je casse la moto dès le premier tour des essais chronos. Je n’avais pas ma seconde moto car je venais de signer chez Honda – je partais une semaine plus tard pour rejoindre l’équipe – donc j’avais revendu ma seconde moto sans penser en avoir besoin à Rauville-la-Place.

Je casse, mais Arnaud Aubin – qui était juste derrière moi au championnat – me prête sa seconde moto. C’était vraiment super gentil de sa part, mais la moto n’était pas faite pour moi.

J’ai eu le temps de faire deux tests de départs entre les manches sur sa moto, on a collé un kit déco à l’arrache et je suis parti comme ça pour la première manche, je voulais sauver les points.

Honnêtement, j’étais démotivé car j’avais quand même encore des chances de jouer le titre, mais en étant obligé de rouler sur une moto qui n’était pas la mienne, c’était plié avant même de prendre le départ.

Une finale sur l’Elite 2020 à oublier pour Mathéo

Sympa de la part d’Arnaud, tu le devançais au championnat, il aurait très bien pu se dire “tant mieux pour moi”.

C’est clair, c’était un super geste de sa part et je l’en remercie encore. C’est un milieu bizarre, beaucoup de gens te plantent des couteaux dans le dos, mais il reste encore des personnes au top comme Arnaud.

Finalement, pas de titre et pas de podium final en championnat de France Elite. Arrivé en 2020 avec ton propre programme, tu t’attendais à être aussi proche du titre quoi qu’il arrive ?

Non, pas du tout. En plus, je n’ai même pas fait de podium de manche sur les deux premières épreuves. Après Castelnau-de-Levis, on regarde le classement, et on voit que je suis deuxième. Ça faisait du bien au moral et je me suis rendu compte qu’il y avait encore possibilité de jouer le titre, donc ça m’a motivé à bloc.

Après l’Elite, on apprend que tu deviens pilote support Honda SR Motoblouz pour disputer le championnat de France des sables. Comment s’est fait ce deal ?

Ça remonte au Touquet de l’année dernière.

J’avais approché Christophe Meyer qui était encore entraîneur chez KTM Factory à l’époque. Je n’avais plus rien de prévu et je voulais m’entraîner avec lui car je voyais qu’il y avait du suivi, une bonne équipe. Je l’ai rencontré, le feeling est bien passé et je suis parti vivre chez lui pour m’entraîner.

Entre deux, Christophe a signé avec Honda, et m’a imposé à la marque. C’est de là que je suis arrivé chez Honda SR Motoblouz.

En deux saisons, tu passes du 125, au 250, à la 450. Un gros challenge pour toi ?

C’est sûr que c’est un challenge de changer de catégories comme ça sur deux ans.

Néanmoins, la 450 me va bien car j’ai un pilotage assez coulé, c’est plus une moto “cool”, qu’on ne pilote pas à l’arrache comme une 250, c’est une cylindrée qui me convient bien, j’ai réussi à m’y adapter rapidement.

En plus, rouler en 450 va me faire énormément de bien pour repartir sur la 250 la saison prochaine; je vais pouvoir la tordre [rires].

En ce moment, ça ressemble à quoi, une semaine type de Mathéo avec Christophe Meyer en tant que pilote support Honda SR Motoblouz ?

C’est se lever tous les matins à la même heure, manger correctement, c’est faire 1h30/2h de sport le matin et la même chose l’après-midi quand il n’y a pas d’entraînement moto.

Sinon, je roule sur la moto 4 fois par semaine et tous les soirs, c’est un footing de récupération, c’est des étirements, j’ai également un rendez-vous avec le kiné une fois par semaine, c’est beaucoup plus professionnalisé que par le passé.

Le weekend dernier, première course, Pro Hexis Sand Race. Holeshot en première manche, quelques tours en tête …

C’est ça, quelques tours en tête après un beau holeshot, et puis une panne d’essence. On avait calculé mais ce n’est pas passé malheureusement. On ne sait pas d’où vient l’erreur, mais c’est comme ça, ça nous permet d’apprendre. Mieux vaut que ça nous arrive sur cette course-là plutôt qu’au Touquet.

Le but, c’était de voir si on était prêt. Je pense qu’en terme de vitesse, j’ai montré que j’étais prêt, j’étais second aux chronos du matin mais j’aurai dû avoir la pôle. Il y a eu un petit souci avec Camille Chapelière qui est passé par les stands pendant son tour, puisque c’était un peu plus rapide [rires].

On est plus rapide en passant par les stands !?

Exactement ! Sur cette course tout du moins. Visiblement, c’était le seul à s’en être rendu compte. Donc il est passé dans les stands au lieu de continuer sur la piste pendant les chronos, c’est pourquoi il y a eu un tel écart sur le papier.

Quoi qu’il en soit, on a aussi vu que j’avais la vitesse sur les manches car lors des deux manches, j’ai signé le second meilleur temps en piste derrière Milko Potisek. J’ai prouvé que la vitesse était là, l’agressivité aussi puisque j’ai doublé Camille Chapelière, et j’ai redoublé Milko en seconde manche.

Il me manque le physique, mais c’était prévu. Je n’ai pas envie d’être prêt trop tôt, le but c’est d’être prêt pour le Touquet car si je suis prêt trop tôt, je risque d’être moins bien au Touquet. C’est comme ça que je travaille actuellement avec mon entraîneur physique et je préfère prendre mon temps quitte à galérer un peu plus sur ce type d’épreuve pour l’instant.

Tu t’attendais à être aussi bien sur cette course là finalement ?

Je pensais être “bien”. Je m’entraîne tout le temps avec Nathan Watson qui est l’un des meilleurs en ce moment. Je ne suis jamais très loin de lui, et sur le plat, je suis parfois plus rapide. Je savais que j’allais être dans le groupe de devant.

Je suis conscient que je ne suis pas encore prêt pour tenir toute une course devant, mais je travaille énormément là-dessus pour pouvoir l’être dès l’ouverture du championnat.

Tu t’entraînes avec Lars Van Berkel et Nathan Watson, deux garçons très forts, capables de faire des manches dans les points en mondial MXGP, ça t’aide ?

C’est un gros avantage pour moi, ça me tire vers le haut, comme à l’époque avec mon frère.

Je veux toujours aller les chercher sur la piste, et eux, ils font tout pour que ça n’arrive pas. Ça nous aide à progresser tous ensemble et je pense que c’est un énorme avantage pour nous tous.

Au coude à coude avec Camille Chapelière à la Pro Hexis Sand Race @DBMX

Le CFS a été malmené cette année avec Covid, il ne reste plus que 3 épreuves au calendrier. C’est quoi l’objectif sur le Touquet, et sur l’intégralité du championnat ?

De base, on part tous pour gagner, mais je sais que je suis jeune et je pense que ce sera difficile cette année. Il faut être réaliste.

Je pense que mon équipe attend de moi un top 10, mais de moi-même, j’attends un top 5. L’objectif reste le même sur l’intégralité du championnat de France des sables.

En 2018, tu réalises ta dernière saison en Europe 125, tu fais même un beau podium en France. Tu reviens sur l’Europe –  en 250 – en 2021 avec Honda SR Motoblouz, c’était prévu dans le contrat au départ ?

Non, pas du tout. Ce n’était pas prévu. J’avais toujours cette idée de repartir à l’Europe car j’aime vraiment ça. On en a parlé – sans plus – avant de finalement trouver des solutions pour partir à l’Europe en 2021 avec Josse et le team Junior Honda SR Motoblouz. Après le championnat de France des sables, je redescends sur la 250.

Je suis encore jeune et partir à 100% dans le sable, ce n’est pas à l’ordre du jour car je pense avoir encore un avenir dans le motocross. Repartir sur une saison de championnat d’Europe, ça me branchait vraiment. Je ne connais pas mon niveau par rapport aux autres pilotes en championnat d’Europe mais un top 5 serait vraiment génial; il y a quelques pilotes qui redescendent en EMX250 en plus la saison prochaine. J’aimerai aller chercher le titre sur l’Elite MX2.

À la base en 2020, je devais faire tout le championnat d’Europe 2020 avec le team Tech 32 Racing, mais finalement, on s’est séparé, et ce n’était pas possible de le faire par mes propres moyens.

Mathéo Miot était présent sur l’ouverture de l’Europe 250 à Valkenswaard en 2020

La chose la plus insolite qui te soit arrivée dans ta jeune carrière jusqu’à présent ?

De partir devant à mon premier Enduropale du Touquet, cette année, avec les adultes. Partir et me retrouver quasiment en tête à côté de Nathan Watson et Camille Chapelière au milieu de la ligne droite alors que je pensais que j’allais me retrouver vraiment loin au départ. Ça m’a fait peur et je me suis demandé ce que je foutais là (rires). Pour ce nouveau Touquet, j’espère bien partir loin devant !

Pour finir, la question qui fâche. Est-ce que tu penses que les gens savent vraiment comment ça se passe dans ce milieu ?

Non. La plupart des gens qui commentent sur les réseaux – en bon, ou en mauvais – ne savent pas du tout comment ça se passe. C’est beaucoup de business derrière tout ça. Je vois que beaucoup de gens nous critiquent moi et mon frère, et même mon père, car on a changé pas mal de fois de teams. Ils ne font que ça mais il faut comprendre que derrière, il y a des mauvaises personnes qui ne pensent pas au sport, qui ne pensent qu’au business et malheureusement, c’est comme ça et ça restera comme ça. Ce n’est pas la passion qui prime.

Moi, je tiens à remercier énormément mes parents et mes grands-parents, car sans eux, je ne serai pas là du tout aujourd’hui. Je n’oublie pas mon entraîneur Christophe Meyer et sa famille qui m’ont – entre guillemets – adopté, je suis comme un membre de leur famille désormais.

Je tiens également à remercier tout le staff de l’équipe Honda SR Motoblouz ainsi que tous les sponsors du team et je remercie toutes les personnes qui m’encouragent.

Photos: DBMX Photography / Dailymotocross / Valentin Popineau

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