Dans la plus grande des discrétions, Mitch Evans a fait son retour sur le mondial MXGP ce week-end en Italie. Découvert sur le mondial MX2 dès 2019 avec le team Honda 114 de Livia Lancelot, le prometteur pilote Australien s’était attiré les faveurs des teams officiels Honda HRC puis Kawasaki KRT par la suite. Seulement, et ayant contracté une blessure au poignet tant compliquée qu’handicapante dès 2020, Mitch Evans avait fini par jeter l’éponge au terme de la saison 2023 après des années difficiles. On avait depuis perdu sa trace mais la bonne nouvelle, c’est qu’on l’a retrouvée à Arco Di Trento. Il raconte.
Mitch. Tu as quitté le paddock MXGP fin 2023 à cause d’une blessure au poignet, alors que tu roulais pour l’équipe officielle Kawasaki. Cette blessure, je crois, remontait à l’époque où tu évoluais chez Honda HRC. Peux-tu nous expliquer ce qu’il s’est réellement passé avec ce poignet à l’époque ?
En fait, je me suis fracturé le poignet en Espagne, en octobre 2020. J’ai été opéré le lendemain à Milan, mais l’opération n’a pas été un franc succès. Quand je me suis cassé le poignet, on a fait une radio sur le circuit, et le médecin là-bas m’a dit que ce serait simple : « juste une plaque et c’est bon ». Ensuite, quand on est allés faire l’opération à Milan, ils m’ont dit qu’elle prendrait une heure à tout casser. Finalement, je suis resté sur la table pendant environ trois heures et demie, parce qu’une fois qu’ils ont ouvert, ils ont vu que la fracture était plus grave que ce qu’ils pensaient.
Après l’opération, le médecin m’a dit : « attends trois semaines et tu pourras recommencer à rouler », mais au bout de trois semaines j’avais encore très mal. Huit semaines plus tard, je n’étais toujours pas remonté sur une moto, et mon poignet me faisait très mal; il était très instable.
À ce moment-là, on était en plein COVID donc rentrer en Australie était vraiment compliqué. C’est pourquoi je ne suis pas retourné directement en Australie pour me faire opérer. Finalement et après pas mal de temps, j’ai pu rentrer à la maison. On a fait des examens, et mon poignet était encore disloqué, il manquait beaucoup de matière osseuse. En gros, je me suis explosé l’extrémité du radius; la surface articulaire s’est complètement désintégrée. Le médecin m’a dit « c’est comme si ton chien avait mangé un puzzle. Tu peux deviner où vont les pièces, mais elles ne s’assemblent plus vraiment. »
Je suis passé par une autre opération pour essayer de limiter les dégâts. À l’époque, je n’avais que 22 ans, et je voulais avoir un poignet “normal”. On a fait cette opération, et après trois mois, le médecin m’a dit qu’il fallait essayer de rouler, pour voir si ça s’améliorait. Donc j’ai essayé de rouler, mais ça ne s’est pas vraiment amélioré, alors je suis retourné le voir, et on a fait une fusion partielle.
En gros, tu as deux articulations dans le poignet, et ils ont fait une fusion avec la plus grosse articulation. Ensuite, je suis revenu en piste fin 2021 pour essayer de rouler, mais j’avais encore beaucoup de douleurs, et ce n’est qu’après une injection de cortisone, je crois après la deuxième épreuve, que j’ai eu un peu de répit avec la douleur. Mais je devais refaire l’injection tous les trois mois, je devais prendre des antalgiques tous les jours pour la douleur; c’était sans fin …
À l’époque, j’avais encore un peu de mobilité dans le poignet, mais dès que je roulais, la douleur empirait et je ne pouvais plus rien faire. C’était comme ça pendant toute la saison 2022. Puis, fin 2022, on a retiré la plaque. Je pensais que la douleur venait peut-être de là. Au début, ça allait un peu mieux, j’avais moins mal quand je roulais. Mais plus je roulais, surtout une fois la saison commencée, plus ça empirait.
En plus, j’avais des soucis avec les réglages de la moto, parce que si les suspensions ne fonctionnaient pas correctement, je forçais davantage sur mon poignet, et ça aggravait mes douleurs. À ce moment-là, je n’avais presque plus de mobilité dans le poignet, donc je ne pouvais pas vraiment pousser sur le guidon, je devais juste m’accrocher tant bien que mal, et ça ne fonctionnait clairement pas. Et quand j’ai arrêté, après le GP de Turquie en 2023, j’avais déclenché un syndrome du canal carpien. Après deux tours, je ne sentais plus le guidon. Donc vu comment l’année s’était déroulée, j’ai décidé de dire stop.
À ce moment-là, je ne savais même pas si je voulais continuer à rouler ou pas. Je voulais juste voir si mon poignet allait s’améliorer de lui-même avant de repenser à une nouvelle opération, parce que j’étais déjà passé quatre fois sur le billard. J’ai pris six mois «OFF». Ça ne s’est pas vraiment amélioré. Au final, j’ai décidé d’opter pour une nouvelle opération.
Cette fois, c’était une fusion complète. Ça voulait dire que je n’aurai plus jamais de mouvement dans mon poignet. C’est pour ça que j’ai hésité longtemps avant de passer par cette intervention, parce qu’une fois que c’est fait, tu ne peux plus revenir en arrière. J’ai été opéré, et six semaines plus tard, je suis remonté sur la moto. J’avais un peu mal au poignet, mais c’était localisé à un autre endroit.
Plus je roulais, moins j’avais mal, parce que ma main a commencé à se renforcer, et la douleur se situait de la partie charnue de la main. C’était uniquement parce que je ne l’avais pas utilisée pendant presque un an. En gros, ma main n’avait plus aucune force. Mais une fois que j’ai retrouvé de la force dans la main, je n’avais plus mal, et l’absence de mobilité n’était pas un problème.
Aujourd’hui, je n’ai plus aucun mouvement dans le poignet, alors qu’avant, j’avais peut-être 30 ou 40 degrés d’amplitude avant l’opération. Ça, je le ressentais vraiment au début quand je roulais, mais maintenant je ne le remarque même plus. Bref, voilà toute l’histoire, et je crois que c’est la première fois que je la raconte à quelqu’un.
Et comment va ce poignet, aujourd’hui ?
Niquel, mieux que jamais. Je suis vraiment reconnaissant que l’opération de l’année dernière ait enfin eu raison de mes douleurs. Je n’ai plus mal au quotidien. Le seul regret, c’est que j’aurais aimé passer par cette opération dès mon retour en Australie, en 2020.
À l’époque, je venais tout juste d’avoir 22 ans, et quand le médecin m’a dit : « on peut fusionner complètement ton poignet », je n’étais pas prêt à entendre ça. À cet âge, forcément, tu n’as pas envie d’envisager une chose pareille. Donc j’ai essayé de garder un poignet « normal » aussi longtemps que possible. Mais si je pouvais revenir en arrière, j’aurais fait cette opération immédiatement et je n’aurais pas manqué la saison 2021, parce que je serais remonté sur la moto après six semaines, et je n’aurais pas eu à prendre des antidouleurs tous les jours… Mais bon, c’est la vie.
Quand tu as quitté le mondial, on a perdu ta trace pendant un moment. Tu as fait quoi pendant cette période ? J’imagine que le plan de carrière que tu avais mis en place en venant en Europe a volé en éclats à cause de cette blessure.
Oui. Cette blessure a vraiment compliqué beaucoup de choses pendant quatre ans pour moi. Au début, j’étais vraiment dégoûté de ne plus pouvoir rouler. Je pense que le plus grand rêve de tout pilote, c’est de devenir champion du monde. N’importe quel gars qui roule rêve de ça. La réalité, c’est qu’à peine 1% des mecs vont un jour atteindre ce rêve. Ne jamais être champion du monde, ça n’allait pas m’empêcher de vivre. Mais ce qui m’a vraiment, vraiment fait mal, c’est de ne jamais être monté sur le podium en catégorie MXGP.
J’ai réussi à faire des podiums en MX2, mais jamais en MXGP. Et c’est ça qui m’a vraiment frustré, c’est aussi pourquoi j’avais un peu peur à l’idée d’arrêter : de me dire que je n’aurais peut-être jamais la chance d’accomplir ça. Puis, après quelques semaines, j’ai commencé à passer à autre chose, et j’ai réalisé que ce que j’adorais faire, c’était d’aller à la muscu pour essayer de devenir aussi costaud que possible.
J’étais super motivé par l’idée d’enfin pouvoir m’y mettre à fond pour la première fois. Quand je suis monté en 250, j’étais déjà pas mal lourd. J’ai toujours été conscient qu’il fallait que je sois aussi léger que possible, parce que quand tu roules contre des mecs de 65 kg alors que tu en fais 85, c’est un vrai désavantage. Donc j’ai toujours fait en sorte de devoir être le plus léger possible et là, je pouvais enfin faire de la muscu. Donc j’étais vraiment content, je suis allé à la salle pendant plusieurs mois, même si mon poignet me faisait toujours mal, et j’ai pris six ou sept kilos. Je me sentais super bien, mieux que jamais. Voilà ce que j’ai fait. J’ai aussi déménagé en Allemagne, je me suis marié, et j’ai commencé à vivre une vie normale.
Une fois que le poignet n’a plus été un problème, j’ai recommencé à rouler. C’est drôle à quel point le corps humain oublie vite la douleur et les moments difficiles. À partir de là, j’ai commencé à vraiment prendre du plaisir à rouler pour la première fois. Avant, quand j’étais encore sur le mondial avec ce poignet en vrac, je devais me motiver tous les jours pour aller m’entraîner, parce que je savais que la douleur m’attendait. Maintenant, je peux rouler en me faisant vraiment plaisir.
C’est difficile pour nous d’imaginer ce qu’il se passe en coulisses. Mentalement, ça a dû être vraiment dur pour toi toute cette passe. Est-ce que tu pensais vraiment à arrêter définitivement la compétition, ou dans un coin de ta tête, tu te disais que tu finirais par revenir ? Quand j’ai vu ton nom sur la liste des engagés pour Arco, je me suis dit «impossible !!»
Si tu m’avais demandé ça à la même période l’an dernier, je t’aurais dit que c’était fini, que je ne reviendrai plus jamais.
Pour la petite anecdote: fin 2023, j’ai été manger avec ma femme et copain qui est pilote test chez Kawasaki Japon – qui a vécu en Australie pendant des années. C’était à peine quelques semaines après la fin de la saison, et je leur ai dit à tous les deux que je ne roulerais plus jamais au niveau professionnel, mais peut-être sur des épreuves locales ici et là pour le fun. Je leur ai assuré que je ne ferai plus jamais de grand prix. Ils m’ont répondu: « Mitch, c’est sûr et certain que tu feras ton retour un jour ».
Comme je l’ai dit, j’ai eu du mal avec l’idée de devoir arrêter au début, mais une fois que j’ai dépassé ce stade, ça ne me dérangeait pas plus que ça parce que je ne suis pas quelqu’un qui aime spécialement être sous le feu des projecteurs.
J’étais à la maison, le cul vissé dans le canapé, je regardais les courses à la télévision et ça me convenait. J’étais content de pouvoir prendre du recul. En fait, je pense que ça aurait été plus difficile à accepter si j’avais dû arrêter parce que personne ne voulait me donner de guidon. Là, j’avais arrêté parce que la douleur était insoutenable; je ne voulais plus rouler car je ne prenais plus aucun plaisir.
Ce que j’ai surtout vu, c’est qu’en arrêtant de rouler, je n’avais plus à supporter cette douleur au quotidien – et ça rendait ma décision d’arrêter beaucoup plus facile. Une fois que mon poignet a été soigné; c’était une autre histoire … Dis-toi que me lever de mon lit ou même me faire des œufs le matin, c’était devenu une épreuve.
Quand mon poignet a été soigné, j’ai pu reprendre le vélo, aller régulièrement à la salle, tout ça. Tu oublies vite ce que tu as enduré quand ça va mieux. De là, l’envie revient … Et moi, j’ai recommencé à rouler.
On a convenu d’un deal avec mon équipe actuelle. Le truc, c’était de voir si j’arrivais à reprendre du plaisir en roulant. Et puis, disons que j’ai très vite repris du plaisir et de là, je me suis dit «peut-être que j’ai finalement envie de revenir».
Ce qui a finalement été le plus dur, c’est le physique. Quand j’ai arrêté, j’ai eu un bon «dad bod’» direct. Moi, j’adorais aller à la salle, mais je ne pouvais plus trop à cause de mon poignet. Si j’avais pu continuer à m’entraîner physiquement, le retour en piste n’aurait pas été si compliqué. Je ne pouvais pas faire de vélo non plus. Déjà, parce que je n’avais pas spécialement envie, mais aussi parce qu’il aurait fallu que je fasse mes sorties calés sur des prolongateurs pour éviter de devoir tenir le guidon, parce que je ne pouvais pas mettre de poids sur mon poignet.
On vit, et on apprend … En fin de compte, je suis reconnaissant de tout ce que j’ai traversé. Ça m’a appris beaucoup de choses dans la vie, ça m’a façonné. Au final, j’en ressors en étant une meilleure personne.
Un mot surs ton programme. Je t’ai vu en Supercross en Allemagne en début d’année. Tu as roulé à Harfsen, et maintenant on te retrouve sur un grand prix. Je ne suis pas trop sûr du deal que tu as avec ton team. C’est quoi le programme ?
Alors, l’objectif principal, c’est le championnat ADAC Masters. À la base, l’équipe m’a contacté le mardi avant le Supercross de Stuttgart pour savoir si j’étais chaud de le faire. Je leur ai répondu que j’avais roulé deux fois sur les 13 ou 14 derniers mois, que je n’avais pas fait de Supercross depuis 2018 et que ce n’était probablement pas l’idée du siècle.
Ils m’ont dit de venir essayer la moto, pour voir, en vue du Supercross de Dortmund. À ce moment-là, je ne voulais toujours pas vraiment revenir en piste. Mais bon, j’y suis allé, j’ai essayé la moto et forcément … j’ai pris du plaisir car j’adore rouler en Supercross. Donc on est descendus dans le sud de la France, j’ai roulé quelques jours avec Aranda et Maillard, et c’était vraiment du fun.
De là, j’ai décidé d’aller faire Dortmund. J’étais encore en mode «dad bod’», ma condition physique n’était pas vraiment optimale. Mais ce week-end-là, c’était juste pour kiffer et profiter. Rouler dans un stadium, c’est quelque chose. L’ambiance est incroyable. En 2024, on est allés voir la course en tant que spectateurs. Juste assis dans les tribunes, je me suis dit : « waouh, l’ambiance est vraiment dingue ». Les fans allemands sont vraiment tops pour ça. Donc c’était super de me retrouver de l’autre côté, des barrières sur la piste.
Après Dortmund, l’équipe m’a demandé : « Tu t’es amusé ? C’était comment ? Tu veux faire le championnat ADAC Masters avec nous ? ». Bah … Ouai, force est de constater que j’avais pris beaucoup de plaisir, j’ai recommencé à prendre du plaisir en roulant, j’ai repris une routine et j’ai dit «c’est parti».
Mais bon, je n’étais pas vraiment prêt. En gros, je suis sorti de mon canapé pour aller faire un Supercross, et ça faisait genre 15 mois que je n’avais pas pris le moindre départ [rires]. Et puis quand tu es à bout de souffle au bout de deux tours en Supercross, c’est super dur. La première soirée, je n’étais pas du tout dans le bon état d’esprit, je me demandais même ce que je faisais là. La deuxième soirée, je savais que j’avais ma place en piste, et j’ai réussi à me qualifier pour les finales les deux soirs suivants.
En fait, j’avais juste besoin de prendre des départs, de faire des courses. On a fait un wintercross en Allemagne, une petite course locale à Tensfeld puisqu’on roulera aussi là-bas sur l’ADAC, et j’ai aussi roulé à Harfsen. J’aurais peut-être dû faire l’impasse sur Harfsen [rires]. Les essais chrono se sont bien passés, mais lors des manches, la piste était complètement différente. Je n’avais pas roulé sur un terrain comme ça depuis très – très – longtemps, et j’ai galéré toute la journée avec des bras en béton.
J’ai l’impression qu’il n’y a aucune pression sur tes épaules ce week-end. Tu t’attends à quoi pour ce retour en GP, finalement ?
Franchement, j’aimerais vraiment rentrer dans le top 10. Mais il n’y a aucune pression. C’est encore une course de préparation pour moi, parce que notre objectif principal reste l’ADAC. En plus, ma moto est complètement d’origine. On a juste un boîtier, et on l’a reçu il y a deux semaines. Ouai, je serais super content avec un top 10 mais franchement, on verra parce que ça fait vraiment longtemps que je n’ai pas roulé, et surtout à ce niveau. J’ai juste besoin de prendre des départs, et de réapprendre à chaque fois que je suis en piste.
Je crois comprendre que ta femme est Allemande. C’est la raison pour laquelle tu vis en Europe ? Ça me paraît fou qu’un Australien veuille vivre en Allemagne [rires]. Si tu voulais continuer ta carrière en Motocross, j’imagine que tu aurais pu le faire en Australie car vous avez de beaux championnats nationaux, en Motocross comme en Supercross.
Oui. En fait quand on a décidé de s’installer en Allemagne, je n’étais plus du tout dans l’optique de faire de la moto. Du coup, je m’en fichais un peu. Moi, j’aime beaucoup l’Europe et je sais que je peux retourner en Australie quand je veux. Alors, pourquoi ne pas profiter d’être en Europe tant que je le peux ?
Je me souviens d’un gars qui bossait chez Alpinestars – Sylvain – un Français lui aussi. Il me disait qu’il avait visité toute l’Europe, sauf la France. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m’a répondu «Bah, parce que je suis Français, je peux le faire quand je veux, mais ce n’est pas franchement ce qui m’attire le plus». Je pense la même chose. Je suis Australien, et je peux retourner en Australie quand je veux, alors je vais profiter de la vie que j’ai ici tant que c’est possible !
Honnêtement, fin 2018, je n’avais qu’une envie: quitter l’Australie. En Allemagne, j’aime par exemple qu’il y ait des changements de saison, des journées plus longues en été, plus courtes en hiver. D’où je viens, il fait 25 degrés toute l’année, on n’a pas vraiment de différence entre les heures d’été et les heures d’hiver, la culture est différente, etc. Je veux profiter de pouvoir découvrir d’autres choses tant que je le peux, en fait.
Tu as explosé sur la scène mondiale. Tu es arrivé sur le championnat MX2 avec Livia Lancelot à l’époque, et tout s’est enchaîné très vite. Tu étais sous le feu des projecteurs, pilote d’usine plein de promesses, puis tu as disparu de la circulation. Est-ce que c’est difficile d’encaisser et d’accepter de passer de tout à rien, qu’on ne parle plus de toi, qu’on t’oublie ? Dans ce sport, on est très vite oublié …
C’est clair qu’on est vite oublié. Pour ce qui est d’être sous le feu des projecteurs, en fait, j’ai toujours été indifférent de ce côté-là. C’est comme tout ce délire des réseaux sociaux. Si je n’étais pas obligé d’être dessus, je n’aurais pas de réseaux du tout. Je pense que je passe à peine quelques minutes par jour sur Instagram. C’est ma femme qui s’en occupe le plus.
En fait, je m’en fichais pas mal d’être oublié. Ma femme dit parfois que j’ai un côté autiste. Les personnes autistes sont très intelligentes, donc ce n’est pas du tout péjoratif. C’est plutôt parce que j’aime être seul. Je ne suis pas du tout du genre à me sociabiliser, et tout ça.
Je ne pense pas être quelqu’un de bizarre ou de difficile à approcher, contrairement à certains autres pilotes qui sont un peu maladroits socialement. Mais moi, je pourrais rester chez moi, sans que personne ne me parle pendant des semaines, et ça m’irait très bien. Après, quand je sors, je n’ai aucun problème à parler aux gens. Ce n’est pas que je déteste ça. Mais juste être chez moi, avec ma femme et mon chien, ça suffit largement pour que je sois heureux.
Tu as l’air impassible.
Franchement, je ne me soucie pas de grand-chose, même si ça peut paraître étrange à dire. C’est pareil pour la bouffe en fait. Ma femme dit que je suis compliqué, mais pour moi c’est simple : poulet et riz, tous les jours, la même chose. Qu’est-ce qu’il y a de compliqué là-dedans ? Tu vois que je veux dire ?
À la maison, on se dit souvent : “On sort ou pas ? On fait un truc ?” Et à chaque fois la même réponse c’est: “non ». Mais quand on finit par sortir, on se dit : “Bon, on est là, on en profite pour prendre du bon temps.” Mais pour moi, ça ne change rien. Je peux rester chez moi, tout seul, et je suis content comme ça. En fait, je suis un mec très simple.
Tu as 26 ans aujourd’hui. Est-ce que tu vises toujours à faire une carrière dans le motocross, ou est-ce que tu penses que dans deux ou trois ans, tu feras autre chose ? Tu te dis qu’il y a peut-être une autre aventure qui t’attend dans un autre domaine ?
Bonne question en fait. C’est difficile de vivre de ce sport, ou en tout cas d’en vivre correctement, à moins d’être vraiment un top pilote.
Mais je ne serais pas revenu dans le paddock si je ne pensais pas pouvoir être encore meilleur qu’avant. En 2022, j’ai réussi à gagner une manche qualificative alors que j’avais très mal au poignet, et une très mauvaise mobilité. Aujourd’hui, j’ai plus de surface pour m’agripper au guidon, c’est bien plus facile pour moi de rouler, et je n’ai plus mal du tout.
Du coup, je me dis – et je sais – que je peux être meilleur qu’à l’époque. Et je pense aussi que j’ai toujours été un peu un “late bloomer”, comme on dit, un mec sur le tard. J’ai toujours été un grand gabarit pour la moto. Je suis très vite monté en 450, mais je n’avais pas encore une condition physique d’homme adulte. Alors que maintenant, je sens que je l’ai. Je peux vraiment manier la 450 comme il faut. Du coup, je pense que mes meilleures années sont encore devant moi. Peut-être que l’année prochaine, je suis de retour en mondial à temps plein. On verra, mais ce serait cool.
Du coup, Arco, c’est le seul GP prévu au calendrier pour l’instant ?
Peut-être qu’on fera la Suisse le week-end prochain, selon la météo, parce qu’on a un stock de pièces limité. S’il pleut beaucoup et que c’est la boue, peut-être qu’on n’ira pas. Mais je ferai Teutschenthal, parce que c’est le Grand Prix du team. Ensuite, on verra plus tard dans l’année si je prends du plaisir en piste et sur la moto. Peut-être qu’on ajoutera Lommel et Arnhem, juste quelques GP qui ne sont pas trop loin de la maison. Il y a eu des discussions pour faire les dernières épreuves du championnat aussi, vu qu’il y a une épreuve en Australie.
Pas de Supercross allemand prévu pour toi alors par la suite ?
J’aimerais bien le refaire. Mais je pense que si j’arrive à avoir une place en MXGP pour la saison prochaine, je n’aurai probablement pas le droit de faire du Supercross. Cela dit, si on commence à discuter en cas de contrat, peut-être qu’on pourra trouver un accord pour que je puisse faire les Supercross en Allemagne aussi. Parce que j’ai vraiment pris du plaisir là-bas, et ce serait cool de le refaire !
