Six, c’est le nombre de pilotes Français qu’on retrouve dans les points cette saison sur le championnat d’Europe 125. Parmi eux, Yannis Lopez. Discret mais travailleur, le garçon originaire de Perpignan effectue sa seconde saison en catégorie 125cc cette année. Auteur de belles performances sur les championnats nationaux, Yannis évolue – en parallèle – sur une poignée d’épreuves du championnat d’Europe en tant que pilote privé. Seul Français qualifié pour les manches de Frauenfeld le week-end dernier en Suisse – avec Tom Brunet – Yannis Lopez nous raconte son parcours, nous évoque les difficultés rencontrées, et nous parle de ses ambitions dans ce nouvel opus de la série “My Story”.
Comme bon nombre de ses congénères, c’est sur le tôt que Yannis est tombé dans la moto, et alors que le garçon était à peine âgé de trois ans. Les motos de sa sœur aînée et de son cousin trônant dans le garage, Yannis a rapidement montré de l’intérêt pour ces dernières avant d’être piqué par le virus.
«À chaque fois que je voyais les motos, je voulais monter dessus» explique Yannis. «Mais j’étais encore trop petit et je ne savais pas faire de vélo sans les petites roues. Mon père ne voulait pas m’acheter une moto tant que je ne savais pas faire de vélo sans assistance, alors je lui ai demandé de me les enlever. Dix minutes plus tard, je savais faire du vélo tout seul. De là, on est allé au magasin pour acheter une moto; c’était une 50SX, une mini-aventure.»
La compétition en France étant accessible à partir de 6 ans, Yannis Lopez a fait ses débuts en course en Espagne, la RFME ouvrant ses portes en compétition dès l’âge de 5 ans. Dès lors, Yannis n’a jamais cessé d’écumer les paddocks et de passer ses gammes; d’abord en ligue, puis en championnat de France, et enfin au niveau Européen.
«En Espagne, il y avait deux championnats, un à l’américaine et un en Motocross. Pour ma première année, j’ai gagné les deux. On était contents, un peu surpris aussi parce qu’on ne s’y attendait pas trop. À partir de ce moment-là, on a commencé à faire un peu plus de championnats. On est revenu en France pour faire la ligue 50cc; j’étais dans les deux ou trois premiers. Lors du passage en 65cc, j’ai de suite fait le minivert – en 2018 – et j’ai terminé 4ème du championnat. Là, pareil, on était un peu surpris parce qu’on ne savait pas trop où se situer. Directement l’année d’après, en 2019, on est parti à l’Europe 65cc pour faire une première épreuve en Italie. Malheureusement, je me suis lourdement blessé et je me suis fracturé des vertèbres; fin de saison pour moi. Je suis monté en 85cc pendant l’année Covid, mais puisque j’avais le statut de sportif de haut niveau, j’avais le droit de rouler. Je ne roulais pas énormément, mais de temps en temps. Le minivert a été supprimé en 2020, mais il restait le Cadet; 3 épreuves. J’étais un peu jeune pour la catégorie, mais on y est quand même allé. Je termine 12ème du championnat de France Espoirs. De là, je n’ai jamais arrêté. Cadet, Europe, etc …»
Entraîné par Freddy Blanc de Dusty MX School depuis l’an dernier, Yannis Lopez a fait sa transition à la catégorie 125cc durant l’hiver 2022/2023. Une année d’apprentissage de la cylindrée qui se soldera par quelques bonnes perf’ sur le championnat Junior qu’il terminera en 15ème position, et une première qualification à une épreuve de l’Europe 125 en France.
“Mes débuts en 125cc étaient un peu en dents de scie. J’ai participé au Junior où j’ai fait quelques bons résultats, mais aussi quelques mauvaises courses, pas mal de manches à zéro à cause de chutes ou de problèmes. J’ai été un peu déçu de cette année, car je me voyais un peu plus haut dans le classement. À Vesoul, j’ai fait une manche 4e; ça veut dire que j’étais capable d’être dans les 5, en finalité. Mais bon, j’ai décroché trop de résultats irréguliers. J’ai aussi fait 3 courses de l’Europe. Dont une ici même à Frauenfeld, et je n’étais pas passé à la qualif’ pour 0.05 près donc j’étais vraiment déçu. En Italie, pareil, ce n’est pas passé; la piste ne me convenait pas. Et enfin, l’Europe 125 en France où j’ai décroché ma première qualification. J’ai terminé une manche 21ème.”
Aujourd’hui âgé de 16 ans, Yannis Lopez suit toujours un cursus scolaire dans un lycée du côté de Perpignan et s’apprête à passer en première générale. Au programme quotidien du jeune espoir Français, du sport, des cours, et de la moto.
“Il faut savoir que je suis encore scolarisé dans un lycée qui fait en quelque sorte un sport étude. Le matin, je pratique mon sport moto de 9h à 10h30. Puis de 11h à 12h30, je suis une préparation physique avec des préparateurs; on a tout ce qu’il faut, docteur, kiné, etc. Ensuite, de 13h00 à 16h-17h, je suis des cours normaux. C’est ce qui nous laisse pas mal de temps pour le sport finalement. C’est comme ça 5 jours par semaine avec une pause le mercredi et le vendredi matin. Pour autant, je n’ai pas du tout la même adolescence que les autres. Moi, je suis tout le temps dans la moto. C’est moto, moto et moto. Je pense que tous ceux qui sont dans la moto se reconnaîtront. On ne sort pas, on fait attention à ce qu’on mange, on ne doit boire que de l’eau, beaucoup d’eau, on fait du sport à côté. On n’a pas vraiment de temps pour nous, mais ce n’est pas vraiment dérangeant au final. Quand on sait ce qu’on fait comme sport, on mène forcément une vie différente de celles des autres jeunes de notre âge.”
Papa de Yannis, Cédric nous faisait part de la déception de ne pas avoir vu Yannis intégré au collectif France cette année. En privé, père et fils se rendent – par leurs propres moyens – sur les épreuves du championnat d’Europe 125 et ne disposent d’aucune aide financière pour la participation de Yannis à ces dernières. La fédération défraye à hauteur de 700€ par épreuve les pilotes intégrés à l’équipe de France. À Frauenfeld le seul pilote de l’équipe de France 125cc en piste se nommait Tom Brunet suite à la blessure de Mano Faure, à la non-participation de Liam Bruneau et à l’arrêt d’Amaury Maindru.
“On ne fait pas l’Europe en intégralité parce qu’on n’est pas en équipe de France.” concède Yannis. “Rien que pour les trajets, les budgets sont énormes. Pour aller en Suède, ça doit dépasser les 3.000 euros de déplacement. Cette année, l’équipe de France n’a pas voulu me prendre; c’est leur décision. On verra l’année prochaine si on sera en mesure de le faire en entier, ou non. Concernant ma non-sélection en équipe de France, on m’a dit que c’était parce que je n’avais pas assez d’entraînement dans le sable. Du coup, j’ai décidé d’aller faire l’Europe en Sardaigne pour voir ce que je valais dans le sable. Je savais que ça allait être compliqué, mais je me suis qualifié alors que pendant les chronos, j’ai roulé avec un amortisseur cassé; c’était très compliqué. Concernant les manches, c’était un peu dur physiquement, mais le roulage était là, et je me sentais quand même assez à l’aise dans le sable. Cette année, j’ai fait une assez bonne saison; j’ai montré que j’avais la vitesse. Après, et un peu comme l’année dernière, mes résultats ont été en dents de scie. J’ai passé toutes les qualifications sur l’Europe 125 sauf à Arco parce que j’ai pris une grosse chute là-bas.»”
Quatrième du provisoire sur le Junior après Villars-sous-Ecot, Yannis s’est fracturé la main lors de la finale d’Ernée. Sur l’Europe 125, Yannis retrouve un niveau toujours plus homogène, et une rude concurrence à chaque épreuve. Franchir de nouvelles étapes n’est pas chose facile pour le sudiste qui – au contraire de bons nombres des prétendants à l’Europe – est toujours scolarisé et bien que disposant d’un encadrement aménagé, le garçon est reste conscient que les heures passées sur les bancs d’école ne lui sont pas bénéfiques sur le plan sportif. Pour autant, les études restent l’une des priorités de Yannis qui sait que dans ce sport, rien n’est jamais acquis d’avance tant les places sont chères, et les aides difficiles à trouver.
“Ce qu’il me manque ? C’est une bonne question. Déjà, je sais que le fait d’être scolarisé, ça me laisse moins de temps pour la moto comparé à ceux qui ne le sont pas. Je vois bien qu’ils ont une progression plus rapide que la mienne. Après, il va manquer un peu de budget pour pouvoir aller s’entraîner plus dans le sable, à droite, à gauche. Parce que chez moi, c’est très béton. Je pense qu’aller rouler sur des terrains plus variés. Ça pourrait m’aider. Cette année, je suis dans le Team Rid [famille Casat] pour le championnat de France Junior. Ils ont une grande structure et ils nous aident sur les courses. Le fait d’avoir la structure, ça nous enferme. On est plus dans notre bulle, on a moins de choses à faire. Mon père surtout, ça l’aide beaucoup, parce qu’il ne s’occupe que de la mécanique. Il n’a pas à s’occuper de moi, de savoir quand je dois manger, quoi manger. Il y a un encadrement, on a un coup de main en mécanique, sur les courses, sur le côté logistique. Franchement, c’est une super bonne équipe. À côté de ça, j’ai quelques partenaires. Ceux qui m’aident le plus, c’est Pole Motopassion. Grâce à eux, j’ai récupéré 2-3 sponsors. C’est vrai qu’à notre époque, c’est compliqué d’avoir des contrats avec de la gratuité. Heureusement, j’ai réussi à en trouver 2-3. Après, c’est beaucoup de réductions sur les prix. Les sponsors, ce sont surtout des extra sportifs, surtout des amis de la famille.”
Cette année et sous l’impulsion de JLFO, le championnat de France de Supercross Junior reprend une envergure certaine avec un championnat de 7 épreuves, qui peut déboucher sur une aventure Indoor en SX2 pour le top 5. Objectif, redynamiser la discipline et préparer la future génération de champions. L’initiative est déjà un succès, au regard du nombre d’engagés sur les épreuves.
“Ce championnat de Supercross, c’est top.” répond Yannis. “Moi, j’ai commencé le Supercross vers la fin juin. Vu que je m’étais cassé la main, j’avais peu roulé et je suis arrivé sur l’épreuve de Saint Thibéry la fleur au fusil. Je ne me suis pas trop mal débrouillé sans avoir vraiment eu d’entraînement. J’ai pu reprendre correctement la moto avant la troisième épreuve, et j’ai gagné une manche à St Simon de Pelouaille. Le Supercross, ça ouvre plus de portes. C’est vrai qu’à l’Europe, on roule tous pareil; on doit être 20 pilotes à se tenir en deux secondes, et c’est hyper dur de sortir du lot. On va dire que le Supercross pour les jeunes, ça ouvre une nouvelle porte. Ce sont des courses qui durent moins longtemps, c’est plus reposant pour les parents. Par exemple, mon père doit aller travailler le lundi. Sur le Supercross, on peut rentrer tranquillement car on a tout le dimanche. Ça coûte aussi beaucoup moins cher et ça ouvre tout autant de portes. Et il y a aussi moins de concurrence que sur l’Europe.”
Pour se préparer au mieux à affronter la saison de Supercross 2024, Yannis Lopez a pu se faire préparer une piste privée non loin de son domicile, un travail confié à un certain Pierre Lozzi. Pour autant, les entraînements se font rares en cette période estivale, car bien rapidement de nouvelles problématiques se soulèvent …
“Chez moi, il n’y avait pas de terrain pour s’entraîner en Supercross.” explique Yannis. “Les plus près, ils sont à 1h30 de route mais avec l’école, on n’avait pas le temps de faire les déplacements. On a donc fait venir Pierre Lozzi pour nous construire un terrain de Supercross à 1.5 kilomètres de la maison. Le problème, c’est que même comme ça, ça reste très compliqué car on est en sécheresse. Il n’y a pas d’eau dans la rivière qui passe juste à côté. Les forages qu’on avait faits sont secs. On ne peut plus arroser la piste, elle se défonce très vite, c’est très poussiéreux et ça devient de plus en plus dur de rouler dessus. Le point positif, c’est que mon père travaille à la mairie et il est en mesure de se faire prêter des engins. Sinon, des amis de la famille qui travaillent dans les travaux publics nous prêtent des machines. Mais vu comme c’est sec actuellement, on ne peut pas le refaire.”
Pour la saison prochaine, les plans de Yannis ne sont pas encore établis et sa saison 2025 dépendra en partie des opportunités, du soutien proposé et du budget disponible. Un refrain auquel pourront s’identifier bon nombre de parents de jeunes pilotes. Concernant l’avenir, Yannis ne fait pas de plans sur la comète mais, lui aussi, est épris d’un rêve: réussir à vivre de sa passion et évoluer – un jour – au plus haut niveau.
“Pour moi, je pense que la route qui serait la plus atteignable, ce serait celle du Supercross. Parce qu’en Supercross, il y a plus de primes. On voit que ceux qui vont en Inde, par exemple, ils sont garantis de gagner 1.000 ou 2.000, voire 3.000 euros sur les épreuves. C’est énorme quand on compare à l’Europe où on ne gagne rien alors que c’est très loin, très cher. C’est sûr que l’Europe et le mondial, c’est une autre carrière. Ça me plairait beaucoup de faire du mondial, de voyager à l’étranger. Le rêve, c’est de devenir un pilote professionnel de Motocross, de parvenir à gagner ma vie; ce serait bien évidemment l’objectif premier. Après, et comme beaucoup, sur le long terme je te dirais devenir champion du monde de Motocross, ou champion de Supercross. Pour moi c’est ça, le rêve.”