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Stéphane Dassé “Aux USA, ils mettent le paquet pour faire la guerre au World Supercross”

Image: Mediacross

Stéphane Dassé était tout sourire ce dimanche alors que son poulain Quentin Prugnières décrochait son second podium d’épreuve de saison à domicile. Le boss du team 9MM Bud Racing Kawasaki termine la saison d’Europe 250 sur une bonne note malgré la blessure de son second pilote, Eddie Jay Wade. La page de l’EMX tournée, le staff de la structure Française se tourne désormais vers le championnat du monde de Supercross, championnat sur lequel Bud Racing s’engage cette année avec Cedric Soubeyras, Gregory Aranda, Matt Moss & Chris Blose. Bilan, motivation, ambition, on fait le point. Micro.

Stéphane, avant de rentrer dans le vif du sujet, est-ce qu’on peut avoir des nouvelles d’Eddie ?

Eddie a été emmené à l’hôpital de Saint-Jean d’Angely mais ils ne pouvaient rien faire là-bas, donc ils l’ont transféré à Poitiers. Il a une vertèbre cassée après sa mauvaise chute de samedi. [NDLR: Eddie Jay Wade à lourdement chuté sur le saut d’arrivée le samedi]

Concernant Quentin, un premier podium en Suède, un second podium en France; enfin ?

Exactement. Je savais que ça pouvait arriver, ça devait arriver même, et depuis la mi-saison il a pris confiance et il a commencé à signer ses premiers podiums. Pouvoir concrétiser en France avec un second podium d’épreuve, forcément, on est super contents. Surtout que vu son mauvais départ en seconde manche, ce n’était pas gagné. Je pense que Quentin a passé un cap, que ce soit dans le sable comme sur le dur. Il a bien progressé cette année; il est sérieux, travailleur et c’est de bon augure pour continuer à évoluer pour l’an prochain.

Est-ce que ça veut dire que Quentin continue avec Bud Racing l’an prochain ?

Oui. Quentin va continuer avec nous la saison prochaine avec l’Europe 250 en plat principal, le championnat de France et quelques grands prix pour commencer à se mettre dans le bain et prendre le rythme du mondial MX2. On va continuer à essayer de faire en sorte qu’il s’ouvre au monde, en faisant un peu de Supercross, afin de s’ouvrir des portes pour l’avenir parce qu’après, ce sera à Quentin de voler de ses propres ailes.

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En début de saison, les résultats de Quentin n’étaient pas ceux attendus, le bilan de la seconde moitié de saison est différent.

Tout à fait. Aujourd’hui, Quentin est présent dans les objectifs qu’on s’est fixé en début d’année. On savait qu’à l’Europe, on allait retrouver de la grosse concurrence, que ce serait difficile. L’objectif est de rouler devant, d’être sur le podium, mais déjà si on peut être dans le top 5 en roulant bien, on est content car il n’y a pas que le résultat qui compte. On a fait une belle fin de saison, elle se termine vraiment comme on l’espérait, comme on le voulait même, donc pour moi, le bilan est bon.

Quentin Prugnières signe une belle seconde moitié de saison avec 2 podiums d’épreuve

Bud Racing Kawasaki fait partie des équipes engagées sur le World Supercross cette année. Qu’est-ce qui t’a séduit dans ce nouveau championnat ?

On aime le Supercross. À chaque fois que je vais voir un Supercross et quelque soit le niveau de ce Supercross – que ce soit le SX US ou le SX Tour – je prends toujours beaucoup de plaisir. En Supercross, on est proche du public et pour le sport, c’est vraiment top. Le motocross, sur deux jours, ça nécessite d’être un grand passionné pour rester sur place tout le week-end en tant que spectateur.

Dans ma famille, il y a des gens qui ne sont pas spécialement passionnés par le sport moto. Je les emmène sans problème sur un Supercross, ils se régalent et rentrent chez eux avec la banane, ils parlent de notre sport positivement. Par contre si je les emmène sur un grand prix, parfois ils viennent pour me faire plaisir et ils se font chier, il faut le dire.

Le Supercross, j’adore ça, pour notre sport, c’est le top et en plus de ça, le promoteur du championnat a fait en sorte d’aider les pilotes et les structures à lancer le championnat avec une bonne motivation financière, et les finances, c’est ce qu’il manque un peu partout en motocross. Nous, en ne faisant que le championnat d’Europe, ça nous laisse un peu de temps pour le World Supercross et on a sauté sur l’opportunité.

Le staff de SX Global me plaît, ils sont beaucoup critiqués de partout mais moi ce que je vois, c’est que je travaille avec des gens qui sont passionnés, qui sont là pour faire évoluer le sport. Les gens se focalisent sur l’argent, le business, mais à la base l’objectif est quand même de créer des évènements sympas, faire des courses et ramener un maximum de monde vers le sport moto et cet aspect-là m’a vraiment motivé.

On entend dire que l’argent qui finance tout ça vient du Qatar, mais honnêtement moi, ça m’est égal. Les gens disent que ce championnat du monde de Supercross, ce n’est qu’une question d’argent, mais tant mieux pour le sport, pour les pilotes, pour la moto en général; c’est exactement ce dont le sport à besoin, de l’argent. Il ne faut pas se voiler la face. Ce que je vois, c’est que les gens qui sont au coeur de ce projet sont des passionnés, ce sont des gens qui organisent de beaux Supercross en Australie, des gens qui prennent soin de nous. C’est plutôt encourageant.

Bud Racing a roulé en mondial, vous êtes désormais engagés sur l’Europe. Le promoteur ne vous aide pas outre mesure ici, vous vous débrouillez pour faire l’Europe. SX Global – avec le World SX – à l’air de faire en sorte que ce soit rentable aussi pour les équipes, de faire ce championnat.

Exactement. Aujourd’hui, on a des partenaires et des sponsors, mais il faut savoir qu’il est très difficile de trouver des partenaires extrasportifs dans la moto. Nos sponsors nous servent à payer notre staff, les frais de déplacement, la logistique, l’essence pour le camion et compagnie mais on arrive à un moment où on ne peut presque plus payer les pilotes et les gens qui travaillent; c’est compliqué.

Avec SX Global, il y a des primes aux résultats, donc une grosse partie des primes des pilotes est payée par SX Global. Ensuite, ils vont nous aider à nous défrayer lors des déplacements donc les budgets de nos sponsors vont nous permettre de payer notre staff, de travailler dans de bonnes conditions, d’améliorer les motos, d’être encore plus compétitif, de relever le niveau global. Je trouve que c’est une bonne chose.

Avec cette nouvelle implication sur le World Supercross, est-ce qu’on aura autant de temps pour s’investir sur l’Europe, mais également de budget pour soutenir le programme féminin d’Amandine Verstappen ?

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Pour l’an prochain, oui. On repartira avec le même programme avec le championnat d’Europe 250 avec deux pilotes. On sera également présent avec Amandine sur le WMX. Il faut savoir que le programme d’Amandine est très facile à gérer car elle est très autonome même si elle fait partie de notre team. Elle se gère depuis la Belgique avec sa structure familiale.

Le Supercross mondial va commencer fin juin, début juillet à partir de l’an prochain. À cette période, nous, on aura quasiment terminé avec le championnat d’Europe de Motocross. On a entre 8 et 10 épreuves en Europe donc il faudra forcément augmenter un poil notre staff, mais ça reste jouable.

Sur le mondial de Supercross, tous les voyages se feront en avion et on aura une structure sur place fournie par le promoteur, tout est déjà très bien calibré.

Bud Racing Kawasaki s’engagera de nouveau sur l’Europe 250 avec deux pilotes l’an prochain, donc Quentin Prugnières @Kawasaki France

Un mot sur le choix des pilotes. Tu as été chercher un Américain – Chris Blose – et un Australien – Matt Moss – pour le 250 et deux Français – Soub & Aranda. Comment on fait son choix quand vient l’heure de signer des pilotes sur le World Supercross ?

À la base, pour la première année je voulais signer des pilotes expérimentés. C’est une saison sur trois courses cette année, on va découvrir le championnat et je ne voulais pas partir avec des pilotes qui n’ont pas d’expérience en Supercross. Pour décrocher des résultats, il faut en avoir fait quand même un peu.

J’ai pris Matt Moss car il m’a appelé, et je n’ai jamais eu quelqu’un d’aussi motivé au bout du fil. Il a les dents qui traînent par terre; il voulait absolument rouler. Chaque fois que je suis allé aux USA pendant l’hiver, j’ai vu des Australiens performer en Supercross. Parfois, lors des entraînements on voyait des gars qu’on ne connaissait pas qui roulaient vachement bien et la plupart du temps, c’était des Australiens. Ils ont un très bon niveau et la motivation de Matt a fait que j’ai craqué; j’ai dit OK, et je lui ai donné sa chance.

Chris Blose est une valeur sûre Américaine. Je discutais avec Tony Alessi qui me disait qu’il avait ses pilotes de signé, mais qu’il avait Chris Blose dans sa liste qui n’avait pas de guidon et donc ça s’est fait très naturellement avec lui.

Soubeyras, c’est la référence en France aujourd’hui, le pilote le plus régulier et le plus titré. Avec Cédric, on a fait un deal pour cette saison mais pour l’an prochain également, il va intégrer notre équipe à 100% à partir de l’an prochain.

Pour le 4ème pilote 450 on a attendu pas mal de temps car on était en discussion avec de gros poissons aux USA: Anderson, Savatgy, McElrath. Le souci c’est que depuis les Etats-Unis, ils essayent de mettre pas mal de bâtons dans les roues car les Américains ont peur du World Supercross par rapport à leur championnat Outdoor. En gros, ils ont peur de perdre du budget car si le World SX se développe et que l’outdoor disparaît, aux USA, ça va perdre du budget. Aux USA, ils mettent le paquet pour faire la guerre au World Supercross même si 95% des pilotes sont hyper motivés pour ce championnat, mais ils n’ont pas eu trop le choix pour cette saison car ils sont encore sous contrat. Il y a eu pas mal de freins; Shane McElrath voulait venir rouler mais on n’a pas eu le support nécessaire des USA pour que ça puisse se faire.

On a vu que c’était compliqué et dans le même temps, je voyais que Greg évoluait bien tout au long des épreuves en France. Le point faible de Gregory, c’était le physique et ça me faisait un peu peur mais après, niveau technique et vitesse en SX, c’est le top. J’ai recontacté Greg, avec qui j’avais été en contact dès le début mais ça ne s’était pas concrétisé. Voilà comment ça s’est fait; je suis content de bosser avec ces 4 pilotes car ce sont des gars avec qui il sera facile de travailler, ils savent où ils vont, ce qu’ils font et ils ont de l’expérience. Au bout d’un moment, je me suis quand même dit que je ne pouvais pas prendre un pilote étranger alors qu’il y avait des pilotes Français plus rapides de disponibles. J’espère qu’on va faire un beau championnat et qu’on pourra faire quelque chose de sympa.

Soubeyras, Aranda, Moss & Blose représenteront Bud Racing Kawasaki sur le World SX cette année

Tous les effectifs n’ont pas encore été dévoilés. On sait qu’il y aura de la grosse pointure en 450. Avec Blose et Moss, on vise un titre ou un podium final en 250 ? Je ne sais pas si l’objectif est le même en 450 avec les Roczen, Tomac, Brayton & compagnie qui seront en face.

On espère jouer devant en 250 mais on ne connaît pas trop les pilotes non plus, donc ce sera une découverte sur trois courses. Ils ont le potentiel pour répondre présents et nous, on va se battre à fond pour être compétitif et viser les podiums.

On vient de voir le format des courses, et il est totalement différent de ce qui se fait un peu partout donc les pilotes doivent maintenant travailler pour un format très spécifique. Quand je vois le niveau de Greg et de Soub aujourd’hui, ils peuvent se battre même si je ne parle pas d’aller chercher Roczen. On va voir comment seront les pistes, typées US ou non… Sur une piste Européenne, un Greg ou un Soub’ peuvent aller chercher du Brayton ou du Wilson, j’ai confiance. Après, encore une fois, on ne parle pas d’aller chercher un Eli Tomac ou un Ken Roczen.

Est-ce qu’il y aura de gros whoops à l’Américaine ? Est-ce que ce sera une terre type béton ou plus meuble avec du grip et des ornières ? On ne sait pas encore. On part confiant avec nos pilotes et on va essayer de se montrer au maximum.

Finalement, c’est dans un mois et demi, et j’ai l’impression qu’on ne sait pas trop ce qui nous attend. Vous avez une idée du programme et du format des courses ?

On a récupéré les programmes pour les pilotes pour pouvoir adapter les entraînements au format des courses. C’était important. Aujourd’hui tout est presque bouclé, les envois en caisse, les trajets, etc. Ces deux dernières semaines, beaucoup d’informations sont arrivées.

Beaucoup de mauvaises langues nous disent que l’on n’aura pas ce qu’ils nous ont promis, au final, pour le moment, tout va dans le bon sens. Bien sûr, ce sera une découverte pour nous comme pour eux. Ce sera un nouveau championnat, une nouvelle organisation, il y aura forcément des choses à peaufiner lors des premières courses mais pour l’heure, ça prend une bonne tournure.

On aura également des facilités pour travailler. On arrivera en avion, la structure sera déjà prête, sur place le promoteur a prévu un stand pour chaque team en plus d’un énorme atelier commun à tous les teams. Il y aura tout ce qu’il faut pour travailler; c’est bien pensé. Ils travaillent avec les teams et les pilotes, ils ont un esprit sportif auquel j’adhère.

Stéphane Dassé “Aux USA, ils mettent le paquet pour faire la guerre au World Supercross”
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