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Thomas Do “je savais très bien qu’on ne pourrait pas débarquer et tout exploser tout de suite”


Après quelques mois de collaboration, Stark Future et Thomas Do ont décidé de prendre des chemins différents. Multiple champion de France, Thomas aura été le premier pilote officiel du constructeur Stark Future en France, s’engageant sur le championnat de France SX2 aux côtés des motos thermiques. Si l’association devait perdurer en 2024, les deux parties ne parviendront pas à trouver un accord pour la prochaine saison et Thomas ne participera donc pas à l’Arenacross Britannique, comme initialement prévu. On a passé un coup de fil au garçon afin d’en savoir plus sur ses projets, sur sa saison, mais aussi sur cette fameuse Varg. Micro.

Thomas. Tu expliquais avoir cessé la collaboration avec Stark car, et donc pas d’Arenacross Britannique pour toi. On peut en savoir plus sur ce qui a filament mené à cette fin de collaboration ?

J’ai cessé ma collaboration avec Stark parce que j’ai voulu renégocier le contrat. En fin d’année, il était question qu’on en rediscute pour la suite. Ils m’ont fait une première proposition, qui était déjà beaucoup mieux que celle de cette année mais qui n’était pas assez conséquente par rapport à leurs objectifs de l’année prochaine, avec les ambitions de résultats. Pour moi, c’est une usine, ils ont quand même des moyens, on le sait très bien et ils ne se le cachent pas. Du coup, avec l’aide de mon agent – Gerard Valat – on leur a fait une proposition pour 2024, qu’ils n’ont tout simplement pas acceptée. C’est vraiment ce qui a fait qu’on a cessé notre collaboration, il n’y a aucune autre raison, aucun autre sous-entendu.

Tu avais signé chez Stark après avoir signé un premier podium en SX1 à Saint Thibery. Avec le recul, pas de regret d’avoir tenté l’aventure alors qu’une belle saison SX1 se présentait ?

C’est vrai que c’est arrivé au moment où j’étais peut-être au mieux sur la 450 Yamaha. D’ailleurs je remercie encore Philippe de New Bike de m’avoir laissé l’opportunité de rouler pour Stark. On sait bien de nos jours que le nerf de la guerre, c’est le budget. C’est vrai que Stark m’avait fait une belle proposition; c’était aussi un nouveau challenge que de développer quelque chose de nouveau. C’était vraiment un défi. Avec le recul, je me dis que j’aurais fait la même chose. J’aurais peut-être pu tenter d’avoir des conditions un peu plus élevées avec Stark dès le départ, ils auraient peut-être plus facilement accepté au début alors que maintenant ce n’est pas forcément vrai, car tout le monde veut rouler avec leur moto. Sinon, pas de regrets d’avoir coupé ma saison pour ce projet.

Thomas avait effectué sa dernière sortie sur la 450 YZ-F de New Bike Sète au Pro Hexis de Lunel

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Tu détiens plusieurs titres en SX2 et ces dernières saisons, tu jouais toujours les victoires et les podiums dans la catégorie. Avant même d’entrer dans le vif du sujet Stark, est-ce qu’on a le sentiment d’avoir pu s’exprimer à sa juste valeur sur cette Varg, cette saison ?

C’est clair que c’est difficile de faire entre 4 et 6 en championnat de France 250 quand on a été deux fois champion de France SX2. Je ne pense pas que je suis plus mauvais qu’avant, je ne pense pas que la moto soit une mauvaise moto mais je pense juste qu’elle a besoin d’améliorations et c’est ce que Stark voulait de base, pouvoir faire progresser la moto. Je pense qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour avoir quelque chose d’équivalent aux autres motos. Ça fait un peu mal au derrière de faire des places comme ça, mais c’était le deal et je l’avais accepté, je savais très bien qu’on ne pourrait pas débarquer et tout exploser tout de suite.

Ça fait déjà quelques années que je te vois rouler. J’étais à Grenoble, Paris et Lyon cette saison et j’ai passé pas mal de temps à t’observer rouler, à regarder la Stark et surtout son comportement dans les whoops. Niveau ressenti, et côté technique, qu’est-ce qu’il se passe dedans, avec cette Stark ?

C’est la grande question, que tout le monde se pose, les whoops. J’ai fait de très bons passages dans les whoops, la moto va plutôt bien dedans. On sait tous que la Varg est un peu plus lourde qu’une moto thermique actuelle et malheureusement, le poids y est pour beaucoup. L’inertie que ce poids donne, avec une puissance limitée à 48CV – qui est l’équivalent d’une 250 d’origine … Ce n’est pas parce qu’on fait le holeshot sur une ligne droite, sans rapports à passer, qu’on a une moto qui est plus puissante que les autres, bien au contraire. La fédération a pris du recul, ils nous ont limité à 48CVs, ce qui équivaut à peine à une 250 d’origine et ça, il fallait vraiment le compenser. Dans les whoops, je pense qu’il me manquait vraiment un peu de puissance parce que quand je m’entraînais en version 450 avec 60CV, je passais déjà beaucoup mieux dedans.

J’imagine qu’on a fait pas mal de testing et d’évolution en ces quelques mois sur le SX Tour. Est-ce qu’on peut savoir ce qui a changé entre le premier jour et la finale de Lyon sur la Stark, mais aussi parler de la charge de travail qu’à représenté le développement d’une nouvelle moto de ce type pour toi. Tu as roulé sur de nombreuses machines jusqu’ici mais là, c’était plus un prototype à développer en condition de courses.

Des gros changements, il n’y en a pas eu tant que ça. À Paris et Lyon, lors des deux dernières courses, j’avais une batterie plus légère, tout simplement. Après, on a modifié la hauteur des cale-pieds à mes souhaits. Les autres pilotes n’aimaient pas forcément ça, mais moi j’ai eu cette modification. Il n’y a pas eu beaucoup de changements de fait, on a raccourci un petit peu l’amortisseur par rapport à la version d’origine mais on est resté sur une moto telle quelle. Pour la petite anecdote, je suis allé une fois en Espagne faire des tests et ils sont venus à deux reprises en France. La période a finalement été très courte, j’ai roulé avec Stark pendant 4 mois maximum. On a fait un petit peu de développement mais c’était surtout au niveau des suspensions car la moto est assez lourde et du coup, il faut compenser au niveau des suspensions. Le souci, c’est que si les suspensions sont trop dures elles ne sont pas agréables en sortie de virage et au niveau du grip. C’était un équilibre à trouver, c’est surtout au niveau des suspensions qu’on a bossé avec Peter de 4.42. Au niveau du moteur, mis à part changer la couronne pour avoir un peu plus de bas régime, rien de particulier n’a été fait. On était bloqué à 48CV et ça, ça n’a pas trop changé. On n’a pas fait plus de testing que ça, on n’a pas changé la physionomie du cadre ou quoi que ce soit. Ce sera peut-être fait dans le futur.

Thomas Do a été le premier pilote officiel Stark Future en France @Benjamin Ricard

J’ai fait un rapide calcul, tu aurais dû marquer 81 points cette saison en SX2. Avec une moyenne de 10 points par épreuve sur la saison. Le top 5 fictif du championnat est là. Une nouvelle aventure, un nouveau challenge, de nouvelles problématiques … Satisfait du parcours en 2023?

En début de saison, je n’aurais pas pensé pouvoir rouler avec une moto électrique au milieu des thermiques et encore moins en SX2. C’est vrai que je suis assez opportuniste. Ces dernières années, il y a des gens qui voient Thomas Do comme la personne qui change de team, qui va aux USA, qui fait le championnat du monde, puis qui roule en moto électrique… Il faut savoir une chose, c’est que je bosse tous les jours de 6h du matin à 18h. On a une centrale à béton, une entreprise familiale. Je roule un peu plus pour le plaisir aujourd’hui et j’accepte tous ces nouveaux challenges du fait de mon expérience acquise lors des années précédentes. Ce sont de bons challenges, j’arrive un peu à me libérer du temps pour pouvoir faire les épreuves et m’entraîner de temps en temps quand je peux le soir, surtout en été. Si je dois tirer un bilan de cette année 2023, je dirais que c’était une nouvelle année d’aventure. L’année dernière, j’ai fait du 250 sur Honda, j’ai gagné à Brienon avant d’aller en mondial WXS avec le team Gariboldi pour faire les deux premières épreuves du championnat, c’était un peu de la nouveauté. Faire l’ouverture du mondial, c’est top ! Là, j’ai testé la nouveauté électrique cette année. De quoi sera fait 2024 ? Je ne sais pas encore. J’aime bien tous ces challenges. Ça fait parler, en bien ou en mal. Ça ne m’empêche pas de dormir le soir, et je me fous un peu des gens qui critiquent. Moi, je me suis bien régalé à rouler avec cette Stark.

Qu’est-ce qui a été le plus gros challenge rencontré avec la cette Stark, cette saison ?

Le plus gros challenge avec la Stark, c’était déjà d’essayer de me concentrer sur mon pilotage. C’est une habitude à prendre. Tu sais, ça fait peut-être plus de 15 ans que je roule en moto sur une thermique et d’un coup, je saute sur une moto électrique. Forcément, ça fait bizarre. Il faut être fin au niveau de la poignée de gaz car on n’a pas l’embrayage. Techniquement, c’est quand même relativement différent. Après, j’essayais surtout de faire attention aux autres pilotes du championnat de France car je savais qu’ils ne m’entendaient pas forcément quand j’étais là. J’essayais de me faire entendre, ou de montrer ma roue, mais pas d’être agressif avec les autres pilotes pour éviter les accrochages et éviter qu’ils puissent dire “la moto électrique ci, la moto électrique ça”. Le but, c’était de faire rouler la moto et de se faire plaisir. Il n’y a eu aucun incident avec moi cette saison et de ce côté-là, je suis content.

Avec ce genre de technologie, on remplacerait presque le mécanicien par un ingénieur informatique. Est-ce qu’il t’était facile d’expliquer ce que tu ressentais sur la moto, ce que tu attendais, et est-ce qu’il était facile pour le staff de Stark d’identifier comment répondre à tes besoins afin de t’aider à régler cette moto ?

C’est vrai qu’à régler, c’est différent. Quand on bossait sur les whoops, on a essayé de faire plusieurs choses pour faire évoluer la moto mais c’est tellement fin … Il y a des paramétrages électroniques à faire pour tenter d’avoir comme des micro-coupures pour éviter que la roue arrière ne s’emballe entre les whoops tout en s’assurant que la traction soit bonne dès qu’on touche chaque crête. Les ingénieurs font des choses, oui. Je leur ai demandé une moto plus légère; c’était facile. Ils démontent la batterie, ils enlèvent quelques pilotes, ils remettent, ils calculent l’assiette de la moto pour éviter le déséquilibre et basta. Nous, on n’a pas eu la possibilité de régler le bas-régime, le mi-régime et le haut-régime mais c’est quelque chose qui était potentiellement dans les tuyaux et je pense que ce sera une bonne chose de pouvoir régler sa moto où on le souhaite dans la courbe de puissance.

Thomas Do saisit les opportunités qui se présentent à lui à bras ouverts

Finalement, et avec ton expérience de cette moto, à qui se destine-t-elle ? Et pour continuer sur ce même sujet, tu te verrais enquiller 2*30 minutes sur un Elite, par exemple, ou la Stark n’est pas encore prête à franchir ce cap ?

Je pense que la moto est parfaite pour tous les pilotes amateurs. Elle est nickel. On prend la moto, on la met en route, on va rouler. Si tu veux aller faire de l’enduro, tu pourras en faire pendant 3 heures sans avoir de souci de batterie. Si tu roules en Motocross comme un amateur, tu vas faire tes 35 minutes. C’est sûr que tu ne vas pas faire 4 manches de 40 minutes à Glen Helen en 3 heures de temps. J’ai fait le test avec un pote à moi, qui a roulé avec la Stark. Quand tu vas à l’entraînement, tu te rends compte que tu passes plus de temps arrêté qu’à rouler donc au final, le temps de charge est largement suffisant pour répondre à l’entraînement classique d’un pilote amateur sur une piste de motocross normale: pas de boue, pas de sable.

Après, me sentir faire deux manches de 30 minutes sur un Elite, pas de problème pour moi ! La moto, sur un Supercross en 250, il faut pouvoir l’emporter sur 25 tours car elle est plus lourde que les autres. En Motocross, attention ! Je regrette juste une chose, c’est de ne pas avoir pu faire de course de motocross, réellement. Que ce soit en 250 ou en 450 je pense que la moto est sur efficace sur ces terrains. Elle est peut-être plus optimisée en Motocross même si on peut toujours avoir ce souci de la batterie. Stark n’a pas décidé de faire le Touquet, et de mettre une batterie de 500kg dans sa moto pour y parvenir. Je pense que les 35 minutes, on ne doit pas être loin de les faire.

Tu seras présent à Dortmund, retour sur une thermique. Pendant ces quelques mois de collaboration avec Stark, tu as eu l’occasion de rouler sur autre chose que de l’électrique ? Tu ne disposes que de quelques semaines pour refaire la transition au thermique !

Alors ça, c’est vraiment mon petit challenge du moment. Je serais bien présent à Dortmund. J’ai eu pas mal de propositions dès lors que j’ai annoncé ma séparation avec Stark sur les réseaux. J’ai pas moins de 4 teams Allemands qui m’ont envoyé un message. Forcément, ce sera sur une thermique et je pense même que ce sera sur une Kawasaki car la proposition est bonne. Je n’ai pas encore la moto pour pouvoir m’entraîner, ils sont en train de tout mettre en œuvre pour que je l’aie rapidement. Si je la reçois dans une semaine ou dix jours, il ne me restera pas beaucoup de temps pour rouler avec. Pendant ma période avec Stark, c’est-à-dire depuis début août, je n’ai plus touché à une moto thermique, je n’ai plus passé une vitesse. Sebastien Tortelli me disait que ça faisait très drôle quand on remontait sur une thermique mais je pense que ce sera l’histoire d’un ou deux entraînements, et que ça reviendra vite. J’ai hâte d’être à Dortmund en tout cas, j’ai hâte de voir ce que ça va donner car je serais en 250 face aux mêmes pilotes qu’en France, je suis motivé et on se donne rendez-vous là-bas !

C’est quoi, la suite pour Thomas Do ?

La suite, je ne vais pas essayer de m’inventer des plans. À l’heure actuelle, je ne sais pas du tout ce que je vais faire l’année prochaine. J’ai quand même pas mal de projets personnels qui me prennent beaucoup de temps, entre le travail, le projet de maison, etc. Pour le moment, pas grand-chose. Si c’est pour rouler et faire de la figuration, ou rouler pour des clopinettes … J’ai déjà fait pas mal d’années, je pense qu’il est temps de passer mon tour. Si de bonnes opportunités se présentent, je roulerai et sinon, je me régalerai à avoir une moto dans le garage pour aller rouler avec mes collègues de temps en temps.

Thomas Do “je savais très bien qu’on ne pourrait pas débarquer et tout exploser tout de suite”
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