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Thomas Ramette “J’avais besoin d’un nouveau challenge”


Entre chutes et pépins physiques, la saison 2023 de Thomas Ramette s’est avérée compliquée bien que clairsemée de quelques podiums en championnat de France. Au terme de la saison, et après 4 ans de collaboration avec l’équipe GSM Yamaha, ce dernier a annoncé son départ de la structure managée par Serge Guidetty. Dans la foulée, Thomas Ramette a révélé faire un retour sur Suzuki en 2024, au sein du team Britannique de Geoff Walker – SR75 Suzuki. Une équipe avec laquelle il avait notamment brillé en championnat d’Arenacross Britannique par le passé. Un retour aux sources qu’il nous explique, entre autres. Micro, avec Kickstart Tommy.

Thomas, tu viens d’annoncer ton départ de l’équipe GSM Yamaha après 4 ans mais aussi un retour aux sources avec le team SR75 Suzuki de Geoff Walker. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

J’ai connu une saison 2023 un peu compliquée, avec des chutes. Je me suis mis un K.O à Châteauneuf, je me suis fait une petite blessure au poignet à Saint Thibery. En fin d’été je suis revenu en forme avec plusieurs podiums et une seconde place à Brienon, ça revenait bien. J’ai fait une bonne préparation pour les indoor et à Grenoble, j’ai pris une grosse chute quand Soub’ est tombé devant moi. Je ne l’ai pas trop ébruité mais dans cette chute, je me suis pincé un nerf de l’épaule et ça m’a enlevé beaucoup de force au niveau du bras. Par la suite, j’ai galéré pendant l’hiver.

Mentalement, c’était compliqué; il n’y avait plus trop de plaisir sur la moto et forcément, les résultats sont quand même liés au plaisir. J’avais besoin d’un nouveau challenge, de me refaire plaisir, de relever un nouveau défi. Je suis toujours resté en contact avec Geoff tout au long de ces années. Il y a de ça deux mois, il m’avait fait une proposition pour 2024. À l’époque, j’avais pour but de rester avec Serge mais au final, tout s’est fait assez rapidement. Quand je l’ai recontacté dernièrement pour savoir s’il était toujours motivé, il était à bloc, et voilà comment c’est reparti sur Suzuki ! C’est la machine avec laquelle j’ai connu les meilleures années de ma carrière quand je regarde en arrière; c’était naturel de repartir sur quelque chose que je connaissais.

L’idée, c’était de continuer avec GSM Yamaha à la base ?

L’idée de base, c’était de continuer avec Serge, oui. En octobre, on s’était plus ou moins mis d’accord mais après la fin de saison compliquée … Je ne prenais plus de plaisir et j’avais besoin de renouveau; c’était pareil du côté de Serge. Il n’était pas vraiment satisfait de mes résultats, ce qui était tout à fait logique. On a toujours eu une bonne entente avec Serge, il n’y a eu aucun souci de ce côté-là. Niveau communication, c’était assez clair, tout s’est fait assez naturellement. J’avais envie de continuer, il n’était forcément pas trop rassuré suite à ma fin de saison et c’était compréhensible. Voilà comment ça s’est fait, naturellement, mais assez rapidement. Je quitte donc GSM Yamaha, avec qui j’ai passé quatre superbes saisons, et créé de supers souvenirs.

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Comment on explique cette saison 2023. Ces chutes, ces résultats, ce n’était pas ce qu’on avait l’habitude de voir venant de  ta part. Qu’est-ce qui est l’élément déclencheur de ce scénario ?

C’est une accumulation de plein de petites choses. J’ai enchaîné plein de petites blessures, ce KO à Châteauneuf, ce poignet, l’épaule … En début de saison, le fait de ne pas faire de Motocross et d’Elite fait que je manque un peu de rythme et je pêche un peu même si je m’entraîne bien; rien ne remplace les courses. Je me sentais bien à Saint Thibery, j’étais deuxième de la séance chrono et je m’en suis mis une en repartant pour un dernier tour; je me suis fait une entorse au poignet et je me suis retrouvé sur la touche 2 semaines. Après les podiums à Saint-George de Montaigu et Brienon, je me sentais bien mais il y a eu cette chute dès le premier soir à Grenoble et ce problème d’épaule. Certains soirs, ça allait; je pouvais rouler sans douleur, j’avais de la force dans le bras et certains soirs, c’était impossible de tenir le guidon. C’était frustrant, j’ai gardé ça pour moi. Il y a eu un mélange de tout, la confiance en a pris un petit coup et on rentre dans un cercle vicieux assez négatif. Je voulais casser cette dynamique, c’est aussi le pourquoi de ce changement.

Il y a eu des photos de ton retour sur la 450 RM-Z. Tu as eu l’occasion de rouler dessus … J’imagine qu’elle n’a pas beaucoup changé depuis celle de 2019.

C’est ça. C’est la même qu’il y a 4 ans, on le sait. La Suzuki, c’est quand même une superbe moto. Certes, il manque le démarreur électrique mais mis à part ça, elle n’a rien à envier aux autres motos. Le nouveau modèle était sorti en 2018, ça fait quelques années que c’est la même mais il y a un super châssis, c’est bien équilibré, le moteur est complet. Tout de suite, j’étais à l’aise, surtout dans les whoops. Sur les sauts, il y a une géométrie de cadre un peu différente donc il a fallu se régler un peu, modifier sa position. En une journée, c’était réglé et je me sentais très bien sur la moto.

Est-ce qu’on peut parler du programme ? Le communiqué de presse qui est sorti parle de tout et de rien. Arenacross, SX Tour, SX US ? C’est quoi, le calendrier 2024 ?

Figure toi que l’Arenacross n’est pas encore acté car il y a toujours ce souci d’éligibilité. Ils ont mis une règle pour ne prendre que les pilotes Britanniques mais les règles changent un peu au jour le jour. Pour Justin Bogle ou même Thomas Do, c’était OK parce que c’était une moto électrique. Harri Kullas est Finlandais/Estonien et va pouvoir rouler aussi … Je devrais avoir une confirmation cette semaine, mais on a bon espoir de pouvoir disputer l’intégralité du championnat car c’est important pour le team qui est anglais, et pour Suzuki UK qui nous soutient.

Après ça, j’aimerais aller faire quelques Supercross aux US en fin de saison. Je ne fais plus trop de motocross à cause d’un genou qui est bien en mauvais état – ce pourquoi j’ai privilégié le Supercross ces dernières années – et l’idée serait de faire deux ou trois courses en fin d’année aux US pour reprendre du rythme en vue de préparer le SX Tour. Ça m’a toujours un petit peu manqué par rapport aux autres pilotes qui sortaient de l’Elite, et qui débarquaient avec un rythme de course. Même si c’est une autre discipline, ils arrivent avec du rythme, des départs, ce qu’il me manque en début de championnat donc l’idée, ce serait de pouvoir aller faire quelques SX US afin de me préparer.

On va faire Dortmund en Janvier ?

Ouai. C’est au programme et sur Suzuki. Je roule pour Twenty Suspensions là-bas. C’est un concessionnaire Suzuki, Husqvarna et GasGas et pourtant dans le team, aucun pilote ne roule avec ces marques [rires]. Le boss était donc super content que je passe sur Suzuki, ça l’arrangeait et c’était plus facile. Je vais amener un guidon, mes suspensions, ma ligne d’échappement pour Dortmund et voilà. Ma dernière course sur la Suzuki, c’était à Dortmund en 2020 avant d’attaquer le championnat Anglais avec la Yam. Retour aux sources !

Ça m’a l’air très récent ce changement. Tu as une moto en ce moment pour te préparer ?

Oui. Ça s’est super bien goupillé car Geoff a deux pilotes amateurs dans le team qui vont rouler sur l’Arenacross, et ils avaient prévu de descendre dans le sud de la France pour faire quelques jours en Supercross. Du coup ils ont pu me descendre ma moto rapidement avec des pièces et tout ce qu’il faut pour m’entraîner à la maison. C’était le timing parfait.

Le team SR75 n’est pas un team engagé sur le World Supercross mais j’imagine qu’une wildcard sur les épreuves britanniques pourrait être au programme par la suite ?

C’est vrai que le WSX est forcément un championnat important pour nous. Après, je verrai les opportunités qui peuvent se présenter. Mon but est de reprendre du plaisir, remonter régulièrement sur le podium et refaire des résultats; pouvoir jouer la gagne sur les courses Françaises. De là, on verra les opportunités qu’il peut y avoir et s’il n’y en a pas, on verra pour rouler en tant que Wildcard sur le World Supercross.

On ne ferme pas la porte aux autres teams pour rouler sur le WSX ?

Non, on ne peut pas se fermer à ce genre de chose. Évidemment, le but serait de rester sur Suzuki pour toute la saison, à voir. Il va falloir se faire remarquer, et ça marchera peut-être en roulant devant sur les championnats Français.

Combien de temps avant que tu n’envoies un mail à Dustin Pipes ?

[rires]. Je vais attendre un peu ! On va déjà faire Dortmund, le championnat Anglais et éventuellement les quelques Supercross US qu’on pourrait faire avec Geoff. On verra ! Après c’est compliqué, HEP a déjà Kyle Chisholm qui est pilote test depuis quelques années et évidemment, Ken Roczen est là. À voir, je ne me prends pas trop la tête par rapport à ça pour l’instant. Du plaisir, et les résultats viendront par la suite.

Thomas Ramette a participé aux deux premières saison du WSX @WSX Media

Tu as participé au WSX en 2022 mais aussi en 2023. Est-ce qu’on était dans la continuité de ce qu’il s’était fait l’an dernier, est-ce qu’on en dresse le même bilan ? C’était mieux, moins bien ?

Honnêtement, tout le monde a quand même été assez déçu de la première épreuve à Birmingham. Le stade n’était pas top, la piste était assez lente avec beaucoup de virages qui cassaient le rythme, il n’y avait pas vraiment de possibilités de dépassement. Le public n’avait pas vraiment répondu présent non plus. Après, il y a eu les annulations, ils ont rajouté Abu Dhabi pour remplacer le Supercross de Lyon. À Abu Dhabi, c’est sûr qu’on était sur une piste du SX Tour, ce n’était pas ce qu’on attendait d’un championnat du monde mais c’était plutôt réussi au niveau de l’ambiance. Le public qui était là n’avait jamais vu de Supercross avant, ils étaient comme des fous. Ensuite, il y a eu Melbourne, chez eux. La finale à Melbourne a été mieux réussie en 2023 qu’en 2022 selon moi. Meilleure piste, meilleure ambiance, plus de public; il y avait vraiment beaucoup de monde le samedi lors du mondial de Supercross. La piste était aussi dans les standards US, c’était cool. En début de saison, on a quand même été un peu déçu, mais on a fini 2023 sur une bonne note avec Melbourne. Il faut aussi prendre en compte qu’il y a eu ce changement d’investisseur et je pense que les choses vont bouger dans le bon sens pour 2024.

La suite de ce championnat, tu l’envisages toujours aussi positivement ?

Ils ont eu de gros soucis d’entrée avec Tony Cochran qui est arrivé aux US en leur disant qu’ils allaient les écraser. De suite, la communication a été coupée, les promoteurs se sont mis de mèche pour tout bloquer et forcément, ça a été plus compliqué que ce qu’ils imaginaient. Après, je pense qu’il y a la place pour ce championnat, mais il ne faut pas qu’il empiète sur l’outdoor où sur les GP. Il faut que ce soit un championnat sur 7 épreuves en entre septembre et début décembre. Je pense que c’est leur idée à présent. Le championnat Américain restera le championnat Américain. Quand on me parle du WSX, je prends souvent l’exemple du MotoGP et du Superbike, ce sont deux championnats du Monde, le MotoGP est supérieur, mais le Superbike existe depuis des dizaines d’années et il y a la place pour tout le monde. Je pense qu’ils vont aussi chercher des destinations un peu plus “oversea” comme ils le font en grand prix, avec des organisateurs qui payent. Aujourd’hui, quand on voit ce que coûte une épreuve de WSX, ils ne peuvent pas compter que sur la billetterie pour avoir un retour sur investissement. Ceci-dit, ça peut être cool quand même, il n’y avait pas 20.000 personnes à Abu Dhabi; il devait y avoir 6.000 ou 7.000 spectateurs mais le retour était top, les gens étaient à fond. Si on retourne là-bas, il y aura plus de monde et ce championnat peut trouver toute sa place. Il n’y aura certainement jamais les 10-12 meilleurs pilotes usines des US sur ce championnat mais c’est comme ça; il faut du temps, ce n’est pas simple pour eux non plus.

On va remonter dans le temps et parler de cette petite pige que tu avais fait en tant que remplaçant de Dylan chez Yamaha US en 2018. Qu’est-ce que tu gardes de cette expérience, aujourd’hui ?

Ça a été l’un des meilleurs moments de ma carrière, clairement. C’était fou. J’ai été appelé du jour au lendemain. J’étais en vacances après l’Arenacross UK et je suis parti aux US comme ça à 3h du matin, sans avoir le temps de dire au revoir à mes parents, ni rien [rires]. Je suis parti pour deux mois, ça a été une aventure exceptionnelle. À l’époque, c’était déjà Geoff Walker qui m’avait eu ce deal via Gareth Swanepoel qui me faisait mes programmes d’entraînement; ils sont amis depuis de nombreuses années.

Quand ils m’ont appelé, j’ai dit oui, forcément. Mais la réalité te rattrape aussi; je suis parti tout seul, je n’avais jamais roulé en 250, je n’avais jamais roulé sur une Yamaha… Tu arrives là-bas, le terrain est tout sec et pourri de vieilles ornières séchées, personne n’est là pour te montrer les enchaînements… Dans l’avion, je regardais les vidéos du test track de Yamaha, pour voir ce que les pilotes faisaient. Sur place, tu te retrouves avec 10 personnes: le manager, le motoriste, le préparateur suspensions, l’entraîneur, le mécanicien et compagnie. C’était dingue, l’expérience d’une vie.

Je sais que je n’ai jamais eu le niveau en GP ou aux US pour prétendre à un guidon officiel mais de pouvoir faire cette pige en tant que pilote remplaçant, c’était quelque chose d’énorme même si ça s’est mal fini et que je me suis blessé au genou. Si c’était à refaire, je le referais sans hésiter.

L’épopée US, en 2018 @MXA

Tu as fait 4 épreuves et tu accrochais le top 10 à Saint Louis, Minneapolis & Foxborough. Tu débarques, personne ne te connait, tu ne connais rien ni personne non plus… Ce genre de résultats, ça n’ouvre pas de porte aux US à l’époque ?

Si, j’avais eu une proposition de Rock River à l’époque, c’était le team satellite de Yamaha et pour finir l’outdoor 250 avec eux. J’étais déjà engagé pour faire le SX Tour à mon retour, Geoff avait déjà été super sympa de me trouver le deal et de me laisser y aller. J’avais aussi 27 ou 28 ans à l’époque et à cet âge là, on est vieux aux US. Mis à part ce guidon, je n’avais pas eu plus de propositions. Après, on sait qu’ils ont un réservoir de pilotes qui est énorme et qu’ils n’attendent pas après un Français pour aller jouer autour du top 5.

On va terminer par ce voyage dont tu reviens avec quelques pilotes Français, au Zimbabwe. J’ai suivi ça, ça avait l’air d’être de la folie. Supercross, safari, Motocross … Il va falloir que tu m’expliques comment on fait pour se faire inviter ! C’est quoi, l’histoire ?

C’est vrai qu’on a parfois la chance d’avoir des opportunités vraiment sympas comme ça. On peut par exemple aller rouler en Guadeloupe ou à la Réunion, on est invité, ça nous fait des vacances et on passe un bon moment en roulant. Là, personne n’était allé rouler au Zimbabwe avant donc c’était de la pure découverte. Ça s’est fait via Joe Travares qui est préparateur de moteur EHR en France; il est Sud-Africain d’origine et il a des connexions là-bas.

Ils organisent un mini-championnat sur trois journées, avec des pilotes Sud-Africains, et ils invitent des pilotes. On ne savait pas trop à quoi s’attendre et finalement, ça a été une superbe expérience. Il y avait 4/5 pilotes Français, une bonne équipe ! Dès notre arrivée à l’aéroport, on a compris que ça ne rigolait pas; on n’avait pas encore passé la douane qu’on était escortés pour aller tamponner les visas.

C’était un truc énorme. En fait, le mec à l’origine de tout ça est un homme politique qui est propriétaire de mines d’or; il a une grosse entreprise. Il a invité 25 pilotes internationaux, du 65cc, au 85cc, au 125cc, etc. Il y avait des Australiens, des Français, des Américains, des Sud-Africains. Il n’a pas rigolé. On était 27 et il a acheté 27 motos. On a été super bien reçu, tout a été organisé à la perfection. On a fait des safari, des balades, des barbecues dans des endroits magnifiques; c’était un régal. Les gens étaient vraiment accueillants, et c’était le top de découvrir une autre culture.

Il y a un peu un choc des cultures entre ce qu’on voit dans la rue avec des gens qui galèrent, qui vendent de tout et n’importe quoi sous leurs petites paillotes et de l’autre côté, nous qui vivons la grande vie. Ça fait toujours bizarre, mais c’était quand même une très belle expérience.

Il y avait quelques Français au Zimbabwe début décembre

Thomas Ramette “J’avais besoin d’un nouveau challenge”
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