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Tim Gajser “J’ai besoin de reprendre confiance en moi”

Illustration: Niek Kamper

Tim Gajser est sans conteste l’un des meilleurs pilotes MXGP de cette dernière décennie. Ceci dit, le pilote Slovène se retrouve dans une situation bien inhabituelle cette saison, à batailler pour tenter de retrouver le chemin du podium. Pour le quadruple champion du monde MXGP, la saison 2023 n’est plus qu’une année de reconstruction.

Lorsque Tim Gajser a chuté et s’est fracturé le fémur à Trentino à quelques semaines de l’ouverture de la saison 2023, le garçon a vu tout le travail effectué en amont partir en fumée. De par son expérience, Tim Gajser ne connaît que trop bien les blessures et les périodes de rééducation; par le passé, l’officiel Honda HRC s’est déjà retrouvé bloqué sur son canapé, prenant son mal en patience tout en manquant une poignée de grands prix. Cette fois-ci cependant, la blessure de Tim Gajser n’a pas guéri aussi vite qu’espéré. Revenu en piste depuis la mi-juillet, le pilote Slovène n’a pas pu ramener mieux qu’une 5ème place aux Pays-Bas le week-end dernier, en cinq tentatives.

Tim Gajser est de retour, à son rythme @Honda Racing

Bien conscient qu’il n’y a plus rien à gagner cette saison, la situation dans laquelle se retrouve Tim Gajser est pour le moins déconcertante pour l’officiel Honda HRC qui ne connaît plus que les avant-postes depuis sa première victoire de GP décrochée en 2015. Tim Gajser a été le premier pilote à remporter – consécutivement – les titres de champion du monde MX2 et MXGP (2015 & 2016) mais le garçon devenait aussi le troisième pilote de ce siècle à décrocher le titre en catégorie reine dès sa première tentative. Tim n’avait que 20 ans lorsqu’il soulevait sa première couronne de champion du monde MXGP, palmarès qu’il viendra étoffer avec trois autres couronnes en 2019, 2020 et 2022.

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Dans le paddock, Tim Gajser semble en forme et plutôt insouciant, mais cette facette de garçon invincible et plein d’assurance qu’il a façonnée au cours de ses sept derniers mandats en MXGP semble un peu moins prédominante; le pilote Slovène fait même preuve d’une modestie rafraîchissante. Le monstre de la catégorie revient en terres connues, mais avec certaines appréhensions. Si les pilotes ont souvent tendance à minimiser leurs blessures, Tim Gajser est pleinement conscient que sa chute en Italie aurait pu être fatale à sa carrière.

“Ça revient… doucement”, déclare Tim Gajser. “Physiquement, je vais bien, mais mentalement, je ne suis pas encore là où je devrais être. J’ai besoin de reprendre confiance en moi. Je dois me prouver que je peux le faire à nouveau. Je sais que je peux encore être rapide, mais je dois aussi décrocher des résultats qui le confirment. Je n’ai aucun problème avec ma jambe, mais elle est parfois douloureuse. Si je compare les deux jambes, elles ne sont pas les mêmes, mais petit à petit, ça revient. C’était une blessure difficile et j’ai été longtemps éloigné de la moto comme des courses. Je savais que lorsque je reviendrais, je ne serais pas au top de ma forme ni à la lutte pour le podium, mais il n’y a pas non plus beaucoup de pression sur mes épaules: on prend cette saison comme une grosse période d’entraînement. Je fais également du testing pendant les courses, ce que je n’ai jamais eu l’occasion de faire parce que j’étais toujours dans la course au titre et quand tu es dans cette position, tu ne veux pas prendre de risques. C’est une saison différente, comme je n’en avais jamais connue auparavant.”

En course pour le titre toutes ces années, Tim Gajser se retrouve dans une position inhabituelle en 2023 @Honda Racing

Qu’est-ce que ça te fait d’être de retour en piste sans avoir le titre en ligne de mire ? C’est plutôt … inhabituel.

C’est bizarre ! Même le fait de venir sur les courses et de ne pas penser aux points… depuis que je suis en MXGP, et même en MX2, j’ai toujours eu le titre en tête. Il y avait toujours un titre à tenter d’aller décrocher. C’est une année différente. J’avais l’habitude que ce soit ma routine d’une saison à l’autre, et pendant la période Covid, les calendriers ont changé et il y a eu une période où il n’y a pas eu beaucoup de repos. Il était difficile de récupérer vu l’intensité des courses, et de recharger les batteries. D’un côté, j’ai manqué beaucoup de courses pendant que j’étais blessé cette année et évidemment, j’aurais préféré être présent plutôt que d’attendre chez moi sur le canapé. Mais d’un autre côté, mon corps s’est reposé et j’ai pu goûter à une vie un peu plus “normale”. Je n’avais jamais vraiment connu ça. J’étais heureux de revenir en piste en République tchèque. Être avec l’équipe et les supporters , ça m’avait manqué.

Ce manque de confiance actuellement, ça influence ta façon de piloter ou d’attaquer ?

La confiance, c’est quelque chose de difficile à décrire. C’est juste ce petit “plus” dont tu as besoin pour être au top ou pour gagner des courses. Je dirais que la confiance, c’est tout simplement croire en soi. Croire que tu peux gagner. C’est quand tu te vois gagner avant même d’y arriver. Je ne sais pas comment l’expliquer, mais lorsque tu prends part à certaines épreuves, tu sais d’avance si tu vas gagner ! C’est comme ça ! Tu as ce feeling. La vie est belle, tout va bien. C’est étrange d’en parler… mais tu as l’impression que chaque course, ce sera TA course.

Tim Gajser n’a plus roulé aux Nations depuis 2019. Il sera présent à Ernée cette année avec Jan Pancar. Reste à trouver le troisième garçon @Honda HRC

Tu es plus mature, plus expérimenté maintenant. En 2018, tu étais également revenu d’une blessure à l’intersaison et il t’a fallu du temps pour reprendre confiance. C’est comparable ?

Les deux blessures étaient différentes. Celle de 2018 était flippante [mâchoire fracturée et traumatisme crânien], mais je n’ai pas été éloigné de la moto très longtemps. Quelques semaines tout au plus. J’ai loupé la première épreuve puis j’ai pu reprendre la compétition. La blessure cette année a été bien plus brutale. Je ne m’attendais pas à ce que la convalescence soit si difficile. Je pensais que j’allais devoir attendre deux mois avant de remonter sur la moto, et que je pourrais revenir en compétition au bout de trois mois mais tout ne s’est pas passé comme prévu et l’os n’a pas calcifié comme on l’espérait. Il a fallu plus de temps. Je n’ai pas roulé pendant quatre mois et finalement, cinq mois après l’accident, j’ai repris les courses. Je ne savais pas vraiment à quel point la blessure était grave au début… mais le fémur est le plus gros os du corps humain et en motocross, les jambes sont comme des suspensions supplémentaires. On s’en sert beaucoup. Ce n’était pas facile de revenir de cette blessure, et de reprendre de la masse musculaire.

Donc on peut dire que tu es le meilleur “testeur” du paddock, celui qui a le plus de chances de gagner un grand prix !

Haha ! En réalité, on ne teste pas non plus tant de choses que ça. On essaie juste différents settings pendant les courses. On peut par exemple jouer un peu avec les suspensions. Les années précédentes, on définissait notre base pendant l’hiver et lorsque je me sentais à l’aise, on s’en tenait à ça, on ne changeait rien, quelques clics ici et là et c’était tout. Aujourd’hui, on prend des directions différentes et on essaie d’être toujours plus à l’aise sur la moto; ça me plaît bien ! Je sais que nous avons beaucoup de marge pour améliorer la moto. La puissance de la Honda est excellente, mais si on améliore encore plus l’assiette et les suspensions, on pourrait rentrer encore plus fort dans les trous sans que la moto ne bouge trop; le genre de choses qu’on ne pouvait pas faire par le passé.

Via Adam Wheeler (adapté).

Tim Gajser “J’ai besoin de reprendre confiance en moi”
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