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Xavier Boog “Il y a toujours l’envie de performer”

Images: MX July / Kevin François

Lui aussi, a décidé de repousser son départ à la retraite. Ex vainqueur de grands prix et cinq fois champion de France Elite MX1, Xavier Boog avait pris la décision de raccrocher les gants au terme de la saison 2018 et depuis, c’est pour le plaisir qu’il s’offrait quelques piges, ici et là. Coach chez GSM Yamaha, entraîneur, manager de la structure XB 121 Kids Connection mais surtout père de famille, Xavier Boog n’a jamais cessé de s’impliquer dans le sport. Du haut de ses 35 ans et suite à la blessure de Maxime Desprey, l’intéressé a fait un retour pour le moins inattendu en championnat de France. Quand une simple plaisanterie se transforme en une réelle opportunité, l’histoire se remet en marche, et elle est d’autant plus belle. Micro.

Xavier, tu n’avais jamais vraiment arrêté de rouler mais pour cette saison – et suite à la blessure de Maxime Desprey – tu as fait ton retour sur l’Elite à temps plein, 5 ans plus tard; c’est fou. Comment ça s’est fait, ce deal ?

Comme tu l’as dit, je n’ai jamais complètement arrêté la moto. Je faisais toujours deux ou trois courses dans la saison et pour tout t’avouer, je passais plus de temps à faire de la moto sur les courses qu’à l’entraînement. J’y allais un peu à l’arrache, pour me faire plaisir.

L’an dernier, avec ma femme, on a fait construire et on était pas mal occupé. Cet hiver, j’ai décidé d’arrêter d’entraîner les pilotes de Serge Guidetty car tous les week-end pendant l’hiver j’étais en stage et pendant la semaine, je devais être avec les pilotes de l’équipe. Ça me faisait trop souvent partir de chez moi et c’est la raison de mon arrêt de ce côté-là. À partir de décembre, mon nouveau planning s’est mis en place et j’avais plus de temps pendant la semaine. De là, je me suis dit que je pouvais peut-être faire une ou deux épreuves de l’Elite, pour moi avec ma propre structure.

Quand Maxime Desprey s’est blessé, j’ai discuté avec Serge et sur le coup de la plaisanterie je lui ai demandé s’il cherchait un pilote. Il m’a dit qu’il essayait mais qu’il ne trouvait pas. Je lui ai dit de regarder du côté des retraités, au début c’était sur le ton de la plaisanterie et c’est devenu sérieux. Six semaines avant l’ouverture de l’Elite, ça s’est concrétisé et j’ai attaqué.

Donc une préparation assez courte pour toi, même si avec ton expérience j’imagine que tu n’avais pas non plus besoin de plusieurs mois ?

En fait, je ne m’entrainais presque pas. Avant de faire une course, j’allais rouler deux fois. Sinon, je sors la moto pour les stages pour faire quelques tours de piste, voir ce qu’on va travailler, ressentir un peu la piste mais dans le week-end, je roule 30 minutes et plus souvent pour me déplacer qu’autre chose.

Du coup, je partais presque de zéro car je ne faisais même plus de physique, plus rien. J’avais toujours mes stages de programmés pendant les week-ends, donc ça m’enlevait deux jours par semaine pour me préparer à l’Elite. J’ai eu six semaines, mais pas des vraies semaines d’entraînement. C’était court.

Xavier Boog a pris ses marques à Sommières avant d’attaquer la saison d’Elite 2023 !

Tu démarres ta saison à Lacapelle avec une cinquième place en présence de beau monde, Herlings, Aranda, Guillod & Co. Des garçons qui ont un mode de vie bien différent du tien à l’heure actuelle. J’imagine que tu t’étais fixé des objectifs, mais est-ce que tu t’attendais à être autant dans le coup d’entrée de jeu ?

Non, honnêtement je ne pensais pas. J’espérais que ça allait venir au fur et à mesure mais j’ai été surpris. Le gros avantage que j’ai eu, c’est que j’avais mis les choses au clair directement avec Serge [Guidetty]. Je lui avais dit “Par contre si on fait le deal, ne vient pas m’embêter avec des victoires et compagnie. Je donne mon maximum mais je n’ai plus le mode de vie des autres gars qui ne font que ça”. J’ai mes stages à côté, j’ai ma famille, des enfants, ma femme a sa propre boîte et je mets pas mal la main à la pâte à la maison et tout ne tourne pas autour de mon entraînement.

Je ne pensais pas être aussi bien à Lacapelle, mais vu que mon seul objectif était de rouler à mon niveau, j’étais détendu. Je n’ai pas eu mal aux avant-bras de la saison. Souvent, tu entends les mecs se plaindre de mal aux bras lors des premières courses car ils sont tendus. Moi, j’ai roulé libéré et je pense que ça m’a permis de faire un aussi bon résultat dès la première car les autres pilotes n’étaient pas dans le même cas que moi.

Le fait de rouler sans pression, ça te permet de prendre encore plus de plaisir que lors de tes dernières années de compétition quand tu devais te battre pour les victoires et les titres ?

Je pense que je suis plus heureux avant une course, oui. Après, je ne fais que l’Elite. Je n’ai pas fait de cross inter’ hormis Sommières pour me mettre un peu dans le bain. C’est vrai que je suis content d’aller sur une course et faire de la moto. Après, je me mets quand même la pression avant une course, je n’arrive pas la fleur au fusil. Il y a toujours l’envie de performer surtout que la première course s’était bien passée. Il fallait faire attention à ne pas trop se prendre au jeu et se dire qu’il y avait quelque chose à jouer. Même maintenant, je suis bien placé au championnat mais j’essaye de faire attention, de me concentrer sur moi et sur ce que je sais faire tout en optimisant au maximum. Je ne me focalise pas sur un quelconque résultat car je ne maitrise pas ce que les autres pilotes font, comment ils s’entraînent et je ne sais pas à quel point ils seront performants. Je sais juste ce que je suis capable de faire et j’essaye de mettre ça à profit du mieux que je peux.

Un premier podium de manche à Castelnau, une victoire de manche à Vesoul, et comme tu dis tu es bien placé au championnat, en lice pour le titre avant le report de points de Valentin. Dans un coin de ta tête, on y pense, à ce potentiel titre en fin de saison ? On regarde le classement ?

Pour le titre ce sera compliqué car comme tu l’as dit, Valentin Guillod va avoir un report de points et si on fait les calculs, il est largement devant, surtout après Bitche. Après, honnêtement, oui je jette un coup d’œil sur le classement et je me dis “Punaise, ce serait cool de finir sur le podium final”. Avec Greg, Stephen et moi il n’y a pas beaucoup d’écart mais après, je suis conscient qu’ils sont plus performants que moi. Moi, je la joue à la régularité.

En tout, il y aura six semaines entre Bitche et Rauville, donc ça va me permettre de bien retravailler, d’essayer de m’améliorer pour augmenter mon niveau et essayer de me battre avec eux pour le podium, ce serait vraiment top. Maintenant, si ça ne se fait pas, je serais un peu déçu sur le moment mais le but c’est de me faire plaisir tout en roulant à mon niveau. Pour l’heure, je suis content, et fier de moi car j’ai réussi à chaque course à rouler à mon meilleur niveau hormis certaines fins de manche où je peinais un petit peu, mais sinon j’étais vraiment bien.

Après 5 ans d’inactivité en championnats, Xavier a vite retrouvé les avant-postes, remportant une manche à Vesoul @MX July / Kevin François

Ce report de points sur l’Elite, c’est toujours pertinent à ce jour selon toi ? C’est la question qui revient chaque année …

Pour un team comme Honda SR, c’est utile car Josse a beaucoup de sponsors nationaux, il a Honda France qui – je pense – est son principal sponsor qui doit exiger qu’ils se battent pour le titre. Pour Josse, c’est important, et surement aussi pour Bud Racing avec l’Europe. Après, que Valentin soit devant grâce au report de points ou non, j’ai envie de dire que le résultat serait le même pour l’instant car même s’il n’a pas été le plus régulier, c’est le plus rapide. Si à la fin du championnat, il gagne, ce ne sera pas volé même avec ce report de points. La logique aura été respectée.

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Après, c’est sur qu’à Bitche, le fait qu’il y ait pas mal d’invités nous a mis un peu dedans. Valentin a une bonne moyenne, il va la garder, alors que nous sur place on a marqué un peu moins de points à Bitche mais pas d’excuses, c’était aussi à nous d’être meilleurs. Valentin fera six courses sur huit, donc pour le report de points il y a une forme de logique. Ce n’est pas comme lors des années Covid où il n’y avait que trois courses, et qu’un mec pouvait louper une course et être titré. Là, Valentin sera présent sur 6 épreuves, il est le plus rapide, il n’y a rien d’anormal à le voir en tête après le report de points.

5 ans après, comment le niveau de l’Elite se porte-t-il par rapport à tes dernières années dans la catégorie ?

J’espère qu’on n’était pas moins bons il y a six ans [rires]. Pour moi, la principale différence, c’est que le niveau est devenu vachement homogène. Quand je suis revenu sur l’Elite de 2015 à 2018, on était deux ou trois à se battre; on retrouvait les mêmes sur le podium.

Cette année, je crois qu’il y a déjà eu 6 ou 7 vainqueurs de manche différents, c’est beaucoup plus homogène et c’est ce qui rend les choses plus difficiles. Il y a quelques années, avec mon niveau j’aurais fait troisième tranquillement. Cette année, je gagne une manche à Vesoul et la seconde, je termine cinquième. Romagné, je fais 6-6 en roulant bien. Ça peut aller vite dans un sens comme dans l’autre et ça rend le championnat intéressant.

Tu prends du plaisir, ça se passe bien… On va forcément te demander si au fond de toi, il germe une petite envie de revenir en 2024 ?

Alors là, je vais répondre la même chose qu’à tout le monde, c’est Joker [rires]. Je vais déjà finir cette année et je verrais par la suite. Je ne suis plus tout seul à prendre des décisions, j’ai ma petite famille et j’ai envie de passer du temps avec eux.

Si je m’engage de nouveau pour un championnat, ça ne sera plus pareil. La préparation ne commencera pas en Janvier mais bien plus tôt dans l’hiver et là, on aura des objectifs. Ce ne sera plus la même musique.

Je ne dis jamais “jamais”, on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait. Je ne pensais jamais refaire une saison d’Elite et tu vois, en l’espace de trois ou quatre coups de fil c’était reparti. On replonge vite dedans. On met du temps à en sortir mais on replonge vite [rires].

Et 2024 ? Xavier se penchera sur la question le moment venu @MX July / Kevin François

J’imagine que ce n’est pas au programme, mais est-ce qu’il y a eu petite envie de participer au GP de France ?

On m’a posé la question, surtout que ce n’est pas loin de chez moi. Je serais mieux en tant que spectateur ! C’est un autre niveau, une autre préparation, c’est sur deux jours et c’est les meilleurs mondiaux. C’est fini les retours à l’improviste maintenant. Après, c’est encore la même chose, il ne faut jamais dire jamais. On a vu Arnaud Tonus revenir en Suisse et il a super bien roulé mais ça fait bien moins longtemps que moi qu’il a arrêté. J’étais au GP de Suisse en spectateur, ça me fait toujours autant vibrer, quand il y a le départ et tout … Mais c’est très bien d’être de l’autre côté de la barrière aussi.

Même si tu as fait du Supercross, tu as toujours été plus actif en Motocross. Si le World Supercross avait vu le jour 10 ans plus tôt, ça aurait changé la direction de ta carrière selon toi ?

Je pense. C’est quand même une superbe opportunité pour les pilotes Français. Je pense que j’aurais fait en sorte de me trouver une équipe qui y participait à mon retour sur les championnats Français.

C’est un championnat assez critiqué. C’est quelque chose que tu comprends ?

En fait, il est critiqué parce qu’ils voient que c’est quelque chose de sérieux, et quand je dis ils, je parle des gens de l’industrie. L’AMA et les constructeurs aux USA voient que c’est du sérieux et ils ont peur pour leurs propres championnats. Au niveau des fans, il ne me semble pas qu’il soit trop critiqué.

Pendant une période, on voyait les pilotes quitter le sport très tôt et ces dernières années, on voit que passé la trentaine, on est encore en mesure d’être très compétitif. Il y a ton exemple sur l’Elite aujourd’hui, celui d’un gars comme Cairoli sur le mondial, de Reed ou Brayton qui ont performé jusqu’à tard aux USA, de Dungey qui revenait l’an dernier … Le sport est de plus en plus pro, la concurrence de plus en plus rude et pourtant, on arrive à rallonger sa compétitivité après la trentaine. C’est dû à quoi selon toi ?

C’est difficile à dire. Pour moi ce n’est pas le problème de l’âge, mais une question d’envie. Moi, je n’ai pas arrêté à cause de l’âge ou des blessures, c’est juste que je n’avais plus envie de m’entraîner comme il le fallait pour espérer être devant. Du coup, je ne voulais pas faire les choses à moitié et m’arrêter en étant aux oubliettes donc je me suis arrêté plus tôt. Je pense que c’est propre à chacun, certains saturent plus vite que d’autres mais c’est vrai qu’en ce moment, la mode est de faire durer !

Au Canada, le championnat se dispute sur une dizaine d’épreuves qui se déroulent aussi bien en Motocross qu’en Supercross. Tu penses que ce serait quelque chose d’intéressant à mettre en place en France pour que les pilotes se diversifient au maximum ?

Je trouve qu’au niveau Français, hormis nos pilotes de GP qui se consacrent à 100% au mondial et donc au Motocross, nos pilotes se diversifient bien. Pratiquement tous ceux qui font du Motocross font également du Supercross, et il y a ceux qui bifurquent dans le sable. Quand on va en Supercross en Allemagne, il n’y a que des Français. En Angleterre, c’était pareil même s’ils n’ont pas pris de Français cette année. Dès qu’on va faire un Supercross en Europe, on retrouve des Français devant donc je trouve qu’on se diversifie bien en France.

Du haut de ses 35 ans et de ses 6 titres de champion de France, Xavier Boog est en lice pour un podium final sur l’Elite 2023 ! @MX July / Kevin François

Au plus grand des hasards, tu n’as pas prévu de faire du SX Tour ou du Pro Hexis cette année ?

… Pas pour le moment [rires]. Mais c’est pareil. L’an dernier, je me suis motivé pour faire Fresnes-saint-Mames 10 jours avant l’épreuve. C’est à côté de la maison, je savais que le terrain n’était pas très difficile et j’y suis allé. Tout est encore possible !

Un mot sur ta structure XB121 Kids Connection, que tu as débuté en 2022. Qu’est-ce qui t’a motivé à ouvrir cette structure en parallèle pour aider les jeunes. De tes dires, ton emploi du temps est tout de même assez chargé.

On avait un bon petit groupe à l’entraînement. Pour commencer, j’ai Leo Diss-Fenard à l’entraînement depuis 3 ou 4 ans, il est champion Minivert 2022. Il avait eu quelques propositions pour intégrer des structures et avec un de mes anciens amis/partenaires qui a un fiston qui roule aussi, on s’est dit qu’on pouvait monter notre structure pour le suivre. Cette année, ça a pris un peu d’ampleur. On a pris d’autres pilotes, et c’est parti de là. Il y a des petits jeunes qui valent le coup dans la région donc on s’est lancé. Cette année, il y a Leo Diss-Fenard, Ryan Lustenberger et Louis Boutet au sein de l’équipe.

Qu’est ce que tu leur apporte ?

De l’expérience. On essaye de leur éviter de faire certaines conneries qu’on a pu faire quand on était plus jeune. On bosse beaucoup sur la technique, on essaye de leur apporter la base du pilotage. L’objectif premier, c’est de leur apprendre à faire de la moto correctement. S’ils peuvent gagner, tant mieux. On veut qu’ils apprennent à faire un stoppie, un départ, un wheeling, qu’ils apprennent à prendre une ornière, un saut, la base. On veut qu’ils aient tous les outils en main pour le futur.

Cette année, on a l’aide de Yamaha France directement. On s’est lancé dans le challenge Yamaha car on ne voulait pas faire comme les autres avec des KTM, des Husqvarna ou des GasGas [rires]. L’an dernier, on a pris une moto, on a fait une préparation pour l’essayer avant de se lancer à corps perdu dans l’aventure et ça s’est avéré positif. Yamaha était tout de suite partant pour nous aider et je pense que c’est important d’avoir le soutien d’un constructeur derrière nous. Yamaha est motivé et à fond derrière nous, et c’est très appréciable.

Depuis 2022, et via sa structure XB121 Kids Connection, Xavier Boog transmet son expérience aux jeunes sur les championnats de France @DR

Toi, tu aurais aimé qu’on te dise de faire attention à quelle erreur, à l’époque ?

Il y en a quelques-unes [rires]. Plus jeune, J’aurais bien aimé que quelqu’un me dise que l’objectif n’était pas de gagner mais d’apprendre à faire de la moto correctement. Beaucoup de jeunes veulent aller vite avant de savoir faire de la moto. C’est pour ça qu’on voit plein de champions de France Minivert ne plus rien faire derrière; être champion Minivert n’est pas un gage de réussite. Ce n’est pas parce que tu gagnes le Minivert que tu y arriveras, et ce n’est pas parce que tu ne gagnes pas le Minivert que tu n’y arriveras pas. Tu prends un Frossard, il n’a jamais gagné un Minivert. Moi non plus. Il y a plein de bons pilotes qui n’ont pas gagné tout de suite et pourtant, ça ne les a pas empêché de faire de belles carrières derrière.

On voit qu’il y a de plus en plus de structures qui se forment pour aider les plus jeunes. Tu as la tienne, on sait que Valentin Teillet est aussi très investi avec les petits. C’est nouveau ?

Ça se professionnalise beaucoup plus. Quand on avait leur âge et qu’on était sur le Minivert, il n’y avait pas d’entraîneurs. Il y avait les papas qui venaient avec leurs enfants. Maintenant, il y a beaucoup d’entraîneurs, pas tant sur le Minivert mais surtout sur l’Espoirs et le Junior. On croise Seb Pourcel, Loic Rombault, Valentin Teillet, Theo Roptin, Freddy Blanc, et j’en oublie 36 autres ! C’est cool car on se retrouve tous entre anciens pilotes. Avant, il n’y avait pas tout ça. Désormais, les petits deviennent meilleurs encore plus vite.

Xavier Boog “Il y a toujours l’envie de performer”
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