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Adrien Malaval “Cette première semaine aux USA, c’est une aventure”

Image: Josh Davey

Le championnat d’Outdoor US a attiré bon nombre de pilotes Européens cette année et parmi ces derniers, quelques Français dont le Gersois Adrien Malaval. Pilote TMX Compétition bien connu des championnats de France, Adrien est parti à l’aventure avec un grand A en s’engageant – à la dernière minute – sur le championnat de Motocross Américain; un défi de taille. Parti seul, aidé sur place par un passionné de longue date, Adrien Malaval a déjà pris part à l’épreuve d’Unadilla ce samedi et sera de nouveau présent derrière les grilles de départ de Budds Creek le week-end prochain. Le garçon nous en dit plus sur le périple qu’il découvre au jour le jour. Micro.

Adrien, ce départ aux USA a l’air d’avoir été quelque chose d’organisé à la dernière minute. On a appris que tu partais que tu étais pratiquement déjà sur place. Comment ça s’est fait ?

Ça faisait un petit moment que j’avais les USA en tête. Motocross, Supercross ? Je ne savais pas trop. J’avais déjà fait un voyage de deux semaines aux USA pour rouler un petit peu pour le plaisir. L’histoire, c’est que 3 ou 4 semaines avant le départ, on était à l’entraînement en Supercross avec des copains pour préparer le SX Tour et j’ai parlé de mon envie d’aller aux US. Un pote à moi m’a dit “attends, je connais quelqu’un, il a peut-être une moto pour toi”. J’ai envoyé un message de suite à cette personne – Jacinto Silva – qui m’a répondu en me disant que si j’arrivais à prendre ma licence et à m’inscrire, il me mettrait une moto à disposition sans problème.

Ça m’a chauffé, mais j’avais un peu la pendule qui jouait en ma défaveur. J’ai dû prendre ma licence, faire les recherches pour savoir si j’étais assuré avec, régler tous les papiers et ensuite il fallait s’inscrire pour l’épreuve d’Unadilla. En gros, on était à 15 jours du voyage et impossible de m’inscrire, c’était complet et il n’y avait plus de place. Je n’avais même pas pensé à ça car pour moi il y avait des qualifications le matin, je pensais qu’ils acceptaient tout le monde. En fait, ils prennent 90 mecs par épreuve. De ce que j’ai entendu, ils en ont refusé 40 à Unadilla, c’est abusé le nombre de mecs qui voulaient s’inscrire. On m’a filé un coup de main, j’ai relancé les mecs de l’AMA et les personnes en charge de l’outdoor US, je faisais le mec chiant mais je voulais vraiment y aller et ça s’est fait. J’attendais d’être inscrit pour prendre mon billet d’avion. J’ai eu la confirmation de mon inscription 4 jours avant de partir. J’ai pris mon billet d’avion et trois jours après, je partais.

Tu es aidé par Tech Service Racing Team et un certain Jacinto Silva. C’est qui, et comment t’aide-t-il ?

Jacinto est un Portugais qui vit aux USA depuis 40 ans, il doit avoir dans les 60 ans. C’est un passionné de Motocross. Il a une entreprise, un gros camion, et il adore aider des pilotes. Du coup je l’ai contacté depuis la France et il m’a mis à disposition une moto, le camion avec la tonnelle. Ce n’est pas trop un team, je le vois plus comme un membre d’une famille qui veut vraiment aider, qui a les moyens et qui met des choses à disposition pour certains pilotes. Il n’y a pas de mécanicien par exemple, c’est juste un mec très passionné. Il amène le camion, la moto, une caisse à outil et on roule. C’est déjà énorme car quand tu arrives aux US, tu n’as même pas un trépied pour mettre une moto dessus !

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Adrien Malaval dispose d’une structure mise à disposition par Jacinto Silva, qui aide également James Harrington cette saison @Billy Clark

Tu récupères quelle moto sur place ?

À la base, je devais rouler sur une Kawasaki. J’ai envoyé un message à mon préparateur de suspensions en France, Peter de chez 4.42 qui a vraiment joué le jeu, qui a été super cool. Il m’a fait un jeu de suspensions pour une Kawasaki. De là, et trois jours avant de partir, j’ai reçu un appel pour me dire qu’il y avait finalement une Yamaha de dispo. Vu que je roule Yamaha en France, j’ai dit nickel. C’est une 450 YZ-F de 2022 qui était quasi neuve selon Yacinto. Je ne voulais pas acheter de moto sur place, c’est un budget de malade donc j’ai fait ce choix. Je connais bien cette moto donc je n’étais pas trop perdu.

On part avec quoi dans ses valises, concrètement ?

Alors déjà, on paie un surplus valises [rires]. On met toutes les affaires de moto, casque, bottes, tout ce qui va bien. J’ai pris mes suspensions, mon guidon, toute la paperasse et les trucs de la vie courante. Il faut aussi essayer de penser à tout, comme à des trucs cons comme des Dolipranes et des trucs du genre car tu ne sais jamais ce que tu vas retrouver et si tu vas galérer sur place. Tu pars avec deux beaux sacs de 23kilos. J’ai un frein avant que j’adore à la maison, mais je ne pouvais pas le prendre car j’étais au-dessus du poids autorisé.

Et tu es parti avec qui ?

Le collègue avec qui je devais partir avait besoin de poser une semaine de plus de congés et son patron n’a pas accepté. C’était un peu à l’arrache, à la dernière minute. Ma copine travaillait. Elle m’a amené à l’aéroport, elle m’a dit au revoir et je suis parti tout seul, comme un grand [rires]. Quand je te dis que c’est l’aventure, c’est vraiment l’aventure !

Tu fais ta mécanique entre deux manches de l’outdoor US ?

Non, Jacinto m’aide; il a quelques notions de mécanique et c’est un passionné, il adore ça. Il me lave la moto, il fait deux ou trois conneries, de la mécanique de base. Si je casse un moteur où si je plie un arrière de cadre je ne sais pas comment on fera [rires]. Sur l’Elite, c’est mon père qui fait la mécanique et il a une formation dans le domaine, je lui fais confiance à 100% et il est capable de tout faire. S’il faut changer un moteur, il le fera. Jacinto ? Je ne sais pas. Pour la petite histoire, il m’a dit que la moto avait 5 heures et dans la semaine, je me suis connecté au boîtier pour changer une map et j’ai vu qu’elle avait 82 heures [rires]. Après, la moto est saine donc ça va ! La 2022 est plus explosive au niveau du moteur que la 2023 à mon sens. J’ai aussi appris que Jacinto avait acheté cette moto à un type qui faisait du cross bitume avec, donc elle n’a jamais vu la terre je crois [rires].

Adrien retrouve la 450 YZ-F 2022, avec laquelle il évoluait déjà l’an passé @Josh Davey

Tu es arrivé sur le tard. Tu t’es entraîné une fois, deux fois avec cette moto avant d’attaquer l’outdoor ?

Je suis arrivé 5 jours avant Unadilla et je me suis entraîné un après-midi pour régler un peu mes suspensions par rapport à la 2022 car les miennes sont préparées pour une 2023. J’ai essayé de m’acclimater sur place aussi. Je suis arrivé lundi, j’ai roulé le mercredi, et on est partis le jeudi soir pour Unadilla. Je suis descendu de l’avion, j’ai fait quatre tours de moto et on est partis pour Unadilla [rires]. Tout s’est passé très vite. On m’a déposé à la maison, il y avait une voiture à disposition; il fallait que je sorte pour faire les courses et moi j’étais là, posé en plein milieu de nulle part un peu paumé, à la découverte !

Tu fais 20ème des essais chronos ce samedi, un 2:15 ce qui n’est pas mal du tout quand tu sais qu’un Ferrandis roulait en 2:12. Est-ce que le premier constat que tu fais à Unadilla c’est de te rendre compte que tu n’as qu’un tour au ralenti pour apprendre la piste avant de devoir complètement débrancher et t’accrocher au guidon pour jouer la qualif’ ?

C’est carrément le constat que j’ai fait. Comme tu dis, il y a le drapeau blanc à croix rouge dans le premier tour des essais et tu as interdiction de décoller les roues sur les sauts. Tu as deux essais pour te qualifier, mais tu ne sais jamais lequel va être le plus rapide en fonction de l’état de la piste. Tu es obligé de performer dans les deux essais au cas où. Les deux séances font 15 minutes et dans le premier essai tu dois tout enrouler dans le premier tour. Vu que les pistes sont longues, il ne te reste plus que 11 ou 12 minutes à la fin de ce tour. De là, tu n’as pas sauté un seul saut, tu n’as rien fait, et il faut signer un chrono [rires]. C’est vraiment quelque chose de complètement différent.

En Europe, on a plus de temps et moi, je suis quelqu’un qui a généralement besoin d’un peu de temps pour me mettre dedans. Là, j’ai dû me mettre un bon coup de pied au cul dès le matin. Tu ne peux pas réfléchir, une fois que tu as fait le premier tour, tu passes tous les sauts dans le second tour et après il te reste 8 minutes et si tu es bon, il te reste 3 tours chrono. Moi, j’en ai fait 2. En gros, tu n’as pas le droit à l’erreur.

Il suffit que tu te mettes court sur un saut un tour, puis long sur un autre le tour d’après et c’est presque déjà terminé, en fait.

C’est ça. En fait, moi j’ai fait le tour au ralenti, j’ai tout sauté le tour suivant, et je suis parti pour mon chrono dans le troisième tour mais je me suis fait gêner. Je fais un 2:19. De là, tu sais que le temps passe et que tu n’as plus le droit à l’erreur. Je suis directement reparti pour un tour chrono en suivant Harri Kullas, j’ai pris un lièvre. Tu serres les fesses parce que tu sais qu’avec ce système, tu ne peux pas te permettre de faire de conneries sinon tu peux passer au travers en ayant loupé un petit truc.

Tu en as pensé quoi du tracé d’Unadilla ?

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Tout le site, les abords, c’est aéré, vert partout, super propre, magnifique. Le terrain était très rapide et les Américains avaient l’air de dire que c’était plus rapide que d’habitude. C’était assez mou en matinée mais après, c’était un kiff total. Il y avait le Sky Jump en plein milieu, ça doit faire un bon 35 mètres avec un appel super haut, linéaire, bien fait. Rien n’est dangereux, c’est vraiment un grand plaisir. Oui, il y a plein d’ornières partout mais j’aime ça donc ça ne me dérange pas. Tu sens qu’au niveau de la préparation de la piste, il y a une qualité; les mecs savent vraiment y faire.

Le panneauteur d’Adrien Malaval n’est autre que Jacinto Silva – en arrière plan. Deux inconnus jusqu’alors, animés par une seule et même passion @Josh Davey

38-28 lors des manches. Qu’est-ce qu’il se passe pour toi à Unadilla ?

Je crois qu’il y a deux résultats pour moi en première manche, un 38ème et un 34ème. J’ai perdu mon transpondeur dans les derniers tours et ça ne m’a plus compté au passage sous la cellule [rires]. J’étais là pourtant ! Cette première semaine aux USA, c’est une aventure du lundi au dimanche.

En première manche, je ne suis pas très bien parti. Je me trouve 16e au deuxième tour et je n’étais pas mal. Je mets l’avant dans une ornière, l’arrière dans l’autre et je me mets la gueule par terre. Un mec me tombe dessus et je suis reparti avec l’avant complètement tordu avant de m’arrêter pour essayer de tout redresser. J’étais vraiment super loin. J’étais au fond du pack et je me suis amusé un peu, la chute m’avait un peu coupé les jambes donc je n’ai pas fait du grand Mendès lors de cette manche. Je suis 33 ou 34 avant de perdre mon transpondeur. Une première manche qui n’était pas terrible. Le souci, c’est que le résultat de la première manche te sert pour rentrer sur la grille en deuxième manche. Inutile de te dire que j’étais en face d’une cabane à frites et d’un tunnel [rires]. Je ne voyais même pas le point de corde à l’intérieur.

Il y avait 800 mètres jusqu’au premier virage ?

C’est ça. En sortie de grille, il fallait faire un virage à droite après 5 mètres pour retrouver la piste [rires]. Donc je pars super loin en seconde manche; je me retourne au début et il n’y avait qu’un seul mec derrière moi. De là, je commence à mieux rouler et je fais 28ème. J’ai fait ce que j’ai pu mais je n’ai pas roulé à mon niveau. Je pense qu’en arrivant 5 jours avant et en ayant fait 4 tours de moto, ça peut peut-être l’expliquer. J’ai fait au mieux avec ce que j’avais sur l’instant.

Je pensais que ça allait passer car je m’étais bien entraîné les 2/3 dernières semaines avant de partir de France. Je me rends compte aujourd’hui que si tu veux vraiment faire du bon résultat ici, il faut changer l’approche et faire comme Romain Pape. Arriver un mois en avance pour rouler sur les pistes américaines, t’habituer à la météo, à l’humidité et te mettre dans de bonnes conditions.

En France, comme tu ne sais pas trop à quoi t’attendre tu essaies de te trouver des points de repère et je m’étais basé sur Romain. Je me suis rendu compte qu’on n’était pas du tout au même point. Romain est dans son championnat annuel, donc il n’est pas investi de la même façon qu’un mec qui arrive juste pour faire deux épreuves, comme moi.

Tu t’étais fixé quels objectifs finalement ? Marquer des points ?

Romain faisant régulièrement entre 12 & 20 en étant habitué au championnat, je me suis dit que marquer des points était jouable, que ce ne serait pas un résultat irréaliste. Ce n’était pas au-dessus de mes moyens, ni en dessous. Il faut que j’améliore mes départs car j’ai du mal à bien partir. J’aimerais avoir le temps de tester deux ou trois trucs sur la moto, et rouler un peu plus avec pour m’améliorer. Partir 38ème, ce n’est vraiment pas une solution.

Pourquoi Unadilla et Budds Creek et pas Ironman pour finir l’outdoor ? Tu as un impératif ?

Normalement, il y a un SX Tour le jour de l’épreuve d’Ironman donc je dois rentrer pour y participer. Je crois aussi que Jacinto n’est pas disponible pour la dernière épreuve de ce qu’il m’a dit. On a prévu ces deux courses mais on ne sait jamais, peut-être que dans 4 jours tout peut changer au vu de la tournure des choses ici [rires]. En réalité, il faut que je rentre. Le team TMX Compétition a été vraiment cool avec moi, et je veux être correct avec eux en leur rendant la monnaie de leur pièce en faisant le SX Tour une fois rentré.

Adrien n’a pas évolué à son juste niveau à Unadilla; il reste Budds Creek pour aller chercher les points qui sont à portée du pilote Français @Josh Davey

J’ai un peu de mal à suivre ta saison 2023. Tu as fait l’Elite et de là, c’est dur de suivre ton programme. Tu n’as pas fait l’ouverture du SX Tour ?

J’ai roulé à Saint-Thibéry mais je n’ai pas fait Clermont-Ferrand. Un mois avant Clermont, j’ai fait pas mal de cross inter’ à l’est, j’ai beaucoup pris l’avion, etc, et je n’ai pas vraiment pu me préparer pour le Supercross. Je n’étais pas du tout prêt avant Clermont et j’ai préféré faire l’impasse pour avoir un peu plus d’entraînement et revenir à Saint-Thibéry. Sachant que je ne joue pas le titre pour l’instant en Supercross, j’ai préféré jouer la sécurité.

D’ici la fin de l’année, on fait le SX Tour et ensuite quoi, l’ADAC ?

Quand je rentre, il reste deux épreuves SX Tour en été pour lesquelles je n’aurais pas forcément plus d’entraînement. Ensuite, il y aura une coupure pendant laquelle j’aimerais vraiment mieux m’entraîner pour préparer les Supercross en salle et après, faire le Supercross en Allemagne. De là, la saison sera terminée et l’an prochain, rebelote: SX Tour, Elite et on continue.

Tu as fait une pige sur le mondial MXGP, une première. Tu as mis des points à Villars. C’était comment cette expérience ?

C’est quand même cool de faire un grand prix. J’ai vraiment aimé la préparation du terrain. Venir sur une épreuve comme ça, ça te sort de ta zone de confort. Tu dois choper le rythme des mecs qui roulent en GP, ça te tire vers le haut et ça te fait du bien quand tu retournes sur l’Elite. Ce week-end là, je m’étais régalé, j’avais donné tout ce que j’avais et j’avais mis des points donc c’était un week-end positif. J’ai bien aimé le terrain, défoncé, costaud, technique et plus lent. Je préfère ça à l’autoroute du bonheur, quand tu peux rouler à fond, debout ou assis, sans que ça ne change rien !

J’aimerais remonter dans le temps avec toi. En 2017, tu fais de l’Europe 250 avec Diga Procross. Tu fais de belles perfs’ avec des tops 10. En général, quand on commence à faire des top 10 sur l’Europe, il y a de bonnes chances pour que ça décolle par la suite. Ça n’a pas été le cas pour toi. Que s’est-il passé, à cette période ?

En 2018, j’étais reparti avec Diga Procross pour refaire l’Europe 250. J’étais basé en Allemagne. En début de championnat cette année-là, le team Ottobiano Racing – qui était en mondial MX2 – avait le support Factory Husqvarna. Ce team-là a fermé et pour que Diga puisse récupérer le budget Husqvarna, ils ont dû mettre leurs deux pilotes à la porte pour prendre les deux pilotes de chez Ottobiano. Je me suis retrouvé à pied début 2018.

Cette année-là, je suis revenu en France. Mon père m’a acheté une moto et j’ai dû faire un ou deux EMX250. Je faisais un peu d’Elite, les courses du coin, c’était un peu à la carte pour tenter de gagner trois francs six sous. En fin d’année, j’ai fait un mondial MX2 en Suisse avec le team VHR, j’ai fait une manche 15ème de souvenir.

Début 2018, Adrien Malaval stoppera sa collaboration avec Diga Procross. Il signera avec TMX Compétition pour la saison suivante, et évolue toujours pour la structure Française depuis @Niek Kamper

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