Interviews

Brian Hsu “Quand tu ne roules pas pendant un an, tout le monde t’oublie”


Double champion du monde Junior (85 & 125), champion d’Europe 65, 85 & 125cc, la carrière de Brian Hsu a été bien difficile à suivre ces dernières années. On a profité de la présence du pilote Germano/Taiwanais à Grenoble pour prendre des nouvelles et tenter de comprendre la trajectoire suivie par le garçon depuis sa fin de collaboration avec Factory Suzuki, en 2016. Promesses, désillusions, malchances, Covid, blessures … Brian Hsu est toujours présent en piste, ici où là, avec ce même coup de gâchette qu’on lui connaît. Il court toujours après son rêve de Supercross US, rêve qui lui avait filé des doigts à quelques semaines de l’ouverture de la saison 2022 … Micro.

Brian. Comment ça se fait qu’on te retrouve sur le SX Français ce week-end, et plus particulièrement cette année ?

J’ai toujours voulu me concentrer sur le Supercross, c’est toujours ce que j’ai aimé faire. L’an dernier, j’ai contracté une blessure qui m’aura handicapé très longtemps. Pendant près d’un an et demi, je n’ai pas pu m’entraîner, faire de physique, c’était très difficile. En Europe, la meilleure scène SX, c’est le SX Tour. Je voulais faire toute la saison mais je n’ai pas roulé lors des premières épreuves car physiquement, je n’étais pas prêt. J’ai commencé par faire Saint George de Montaigu puis j’ai fait Brienon. Je fais ces courses pour retrouver le rythme, me remettre dans le bain des compétitions mais je fais attention car je rencontre encore des problèmes avec ma jambe. Après deux ou trois minutes de course, j’ai des douleurs.

On parle de la blessure qui t’aura empêchée de faire la saison de SX US en 2022 avec Rides Unlimited ?

Oui. On avait enfin réussi à tout mettre en place là-bas. On avait un team, on avait les motos, tout était prêt. Je me suis entraîné sur place et tout se passait bien, je faisais de bons progrès et deux semaines avant l’ouverture de la côte Est sur laquelle je devais rouler, j’ai fait une petite chute dans les whoops et malheureusement, le guidon est venu me comprimer l’aine et je me suis blessé au niveau de l’artère fémorale. On est allés voir 9 docteurs, on ne comprenait pas ce qu’il se passait. Cette blessure a empêché le sang de bien circuler dans la jambe et j’ai eu beaucoup de chance parce que mon corps aura finalement fait le nécessaire pour assurer un minimum d’afflux sanguin vers ma jambe. On a attendu, un mois, deux mois, puis trois, mais ça empirait. C’était un coup dur car à l’époque, le team et toutes les personnes qui m’entouraient étaient vraiment positifs à propos de mes débuts en SX US, j’avais fait de beaux progrès. Cette blessure a tout stoppé pour moi. Finalement, on a trouvé d’où venait le problème, on est rentrés à Taiwan pour que je me fasse opérer – deux fois. L’artère fémorale était bouchée car elle n’avait pas été irriguée pendant longtemps, ils ont dû la nettoyer et la refaire en quelque sorte … Ça me fait toujours mal car même si – comme le dit mon docteur – mes veines sont aussi bonnes à gauche qu’à droite aujourd’hui, le problème vient du fait que mes muscles ont manqué d’irrigation sanguine pendant plus d’un an. Donc aujourd’hui, ce sont des problèmes au niveau des muscles que je rencontre.

Brian Hsu avait pris ses quartiers aux USA fin 2021 @DR

Pssst ! l'article continue ci-dessous :)

Qui t’aide aujourd’hui ? Je te vois sur une Fantic, pourquoi ?

Cette année, et pour la toute première fois, on a décidé de tout faire de nos propres moyens. Quand tu ne roules pas pendant un an, tout le monde t’oublie. On essaye de trouver des sponsors ici et là mais c’est vraiment dur. On fait la saison nous-mêmes cette année, pour se reconstruire. Pourquoi Fantic ? Parce que c’est le moins cher [rires]. KTM, c’est trop cher pour nous. Je voulais rouler sur une Suzuki mais sur les RM-Z il faut aussi préparer les moteurs et c’est encore trop d’argent. On a essayé l’an dernier, je ne pouvais pas envoyer de triples en sortie de virage avec la Suzuki d’origine.

Tu as encore des ambitions sur le mondial ? Je sais que tu n’es plus éligible à la catégorie MX2 mais un programme en MXGP est-il envisageable à l’avenir ? Tu avais fait des belles piges en 2021; en MX2.

Mon objectif, c’est vraiment le Supercross car c’est là que je prends le plus de plaisir. Pour les courses du mondial de 2021, ce n’était même pas prévu au programme initial. Mon sponsor Italien me poussait vraiment à faire du MX2 pour avoir de l’exposition. Je ne roulais qu’en Supercross et il me disait “vient faire du MX2” alors que moi, je n’étais pas du tout prêt à faire du Motocross, de longues manches. Mais on l’a quand même fait, je m’améliorais course après course, et j’ai terminé 12ème trois fois mais à l’heure d’aujourd’hui, j’ai toujours envie d’aller aux USA pour tenter ma chance.

Leader du championnat de Supercross Italien, Brian Hsu se reconstruit également en participant au SX Tour cette année

Tu as encore des gens qui t’attendent là-bas où tu devrais tout reprendre à zéro ?

Le team (Rides Unlimited) m’attend toujours. Ils m’ont attendu toute la saison 2023 mais je ne pouvais pas y retourner à cause de ma blessure. Heureusement, ils m’attendent toujours et ils essayent de me faire revenir. Le propriétaire de l’équipe m’a dit qu’après m’avoir vu rouler à l’entraînement, il me voudrait aussi pour l’année suivante. Au moins, j’ai un team sur place mais il faut trouver le budget pour pouvoir vivre sur place désormais. Mon but, à l’heure actuelle, c’est de rouler sur la côte Est l’an prochain.

En 2021, tu dis que tu n’avais pas de préparation particulière en MX mais tu as quand même fait de belles courses en MX2. Ça ne t’a pas ouvert la moindre porte par la suite ?

Difficile à dire. C’est sûr que les gens ont vu mais étant donné que mon but était d’aller aux USA … Une fois qu’ils savent ça, ils ne s’intéressent plus à toi. Si je décroche des sponsors Italiens, ils veulent me voir rouler en Italie. Si je décroche des sponsors Allemands, ils veulent me voir rouler en Allemagne. Je ne peux pas tout faire.

J’entends dire que tu irais rouler au Japon en fin de mois.

[rires]. Oui, c’est vrai. Je suis originaire de Taiwan et depuis que je roule en 65cc, j’ai toujours rêvé d’aller faire un tour au Japon pour rouler. Quand j’ai gagné le Supercross de Paris en 2019, j’ai rencontré Kehoe Abe, un Japonais. De là, j’ai eu un contact et cette année, j’ai eu l’opportunité de rouler pour le team de Kei Yamamoto sur la Honda. Ce sera vraiment une belle expérience car si j’ai roulé à Taiwan, ce n’est pas la même chose qu’au Japon. Qui sait, peut-être que de nouvelles portes s’ouvriront pour moi en Asie ?

Donc tu ne te concentres pas seulement sur les USA ? Si tu as des offres tu les considéreras ?

Oui. Ce sera aussi une belle expérience et ça me permettra de rencontrer de nouvelles personnes, découvrir de nouvelles pistes. Je pars la semaine prochaine pour le Japon. C’est pourquoi mes parents me demandent d’y aller tranquillement ce week-end; tout est déjà booké pour le Japon ! Je voyage encore beaucoup [rires].

Brian Hsu aspire encore à son rêve Américain

Le step entre le SX Tour et le SX US est assez gros. Quand tu es parti là-bas fin 2021, tu n’as pas eu de mal à t’adapter aux pistes ?

En Europe, les terrains sont plus petits, les enchaînements moins gros, les tours plus rapides, oui. Là-bas, c’est plus gros, plus grand, tu sautes plus haut, plus loin; on va dire qu’il faut respirer un peu plus en l’air [rires]. Là-bas, je m’entraînais avec des pilotes amateurs, mais ils étaient loin d’être lents. En deux semaines, j’ai été en mesure d’en faire plus que eux n’avaient fait en une année complète. Je savais que m’adapter aux terrains n’était pas un problème; il me fallait juste un peu de temps pour m’adapter aux enchaînements. Les courses, ça aurait peut-être été différent, ça aurait demandé un nouvel ajustement car je n’ai jamais expérimenté une course de Supercross aux USA.

Qu’est-ce que tu te souviens de ta période avec les Everts, chez Suzuki ?

Oh [rires]. C’était il y a bien longtemps. J’ai débuté chez Suzuki avec Geboers. J’ai roulé en 85cc, en 125cc et j’ai fait les débuts en 250. On avait toujours la même équipe et ça marchait vraiment très bien à l’époque. La dernière année, quand Stefan Everts est arrivé, il a tout changé au sein de l’équipe. Dans les détails, je ne saurais pas dire exactement ce qu’il s’est passé derrière les portes fermées. J’étais là pour rouler, le business, ça ne me regardait pas. Je travaillais plus avec Harri qu’avec Stefan, car Harri était présent à l’entraînement la plupart du temps, avec son chrono en main …

La pub' permet de rester indépendant, et gratuit !

(Zoltan, le père de Brian intervient): Dis lui la vérité, que la moto était inroulable.

Brian: Oui. Le problème principal, c’était la moto. On était obligés d’utiliser des suspensions à air à l’époque, et je ne pouvais tout simplement pas rouler avec ces suspensions. Dans les teams usines, on est obligé d’utiliser les équipements qu’ils veulent qu’on utilise. Je suis un pilote qui ne roule pas en force, je dois être en mesure de ne faire qu’un avec la moto, il faut que je travaille avec la moto, et que la moto travaille avec moi. Sur cette moto, je ne pouvais pas à cause des suspensions et c’était un problème pour moi. Ça pouvait marcher pour d’autres pilotes, mais pas pour moi.

En 2016, Brian Hsu était la star montante du paddock de l’Europe 250 @Suzuki Racing

Zoltan: Avec Sylvain Geboers, j’étais mécanicien de Brian. La moto ne brillait pas seulement, mais elle correspondait à Brian. Après, la moto brillait seulement, il ne pouvait plus rouler deux tours. Dans le contrat de Brian, il y avait une clause pour le transférer dans le team Suzuki US en 2017. C’était le plan. De là, on a rencontré de nouveaux problèmes aux USA car il n’y a avait pas de team à proprement parler, et ils voulaient monter une équipe 450 en premier. Jimmy Albertson devait reprendre le team Suzuki mais il vivait en plein milieu des Etats Unis et il ne voulait pas déménager en Californie. Nous, on y est allé mais ils ne savaient pas quelle direction prendre, ils savaient juste qu’ils voulaient commencer par faire du 450 alors que Brian était en 250. On a roulé une fois en 250 avec une RM-Z toute neuve, montée avec une couronne en 49 dents … c’était impossible pour Brian de rouler en SX avec ça. On est rentré à l’hôtel, on a attendu une semaine, rien ne se passait … On dépensait beaucoup d’argent sur place, 1.000€ par semaine. C’était énorme pour nous. On leur a dit de régler leurs problèmes, et qu’on reviendrait quand tout serait prêt. Quelques semaines plus tard, et alors qu’on était de retour en Europe, Chris Wheeler – de Suzuki – nous a rappelé pour nous dire qu’ils avaient trouvé une solution et que ce serait avec JGR Suzuki. On était de retour en Europe, tout avait pris du retard, on était en février 2017 et c’était trop tard pour nous. Peut-être qu’on a fait une erreur … On a décidé de rester une année de plus pour se préparer en Europe et on leur a proposé de revenir en 2018 pour rouler chez Suzuki; on ne pouvait pas aller de gauche, à droite, comme ça, et Brian a finalement roulé pour une équipe privée Husqvarna en 2017.

Brian: Et puis il y a eu 2019. J’ai gagné tous les SX Tour. J’ai gagné chaque course de l’Arenacross en Angleterre en battant Thomas Ramette, Cedric Soubeyras. J’ai battu tout le monde, j’ai même gagné au Supercross de Paris. Là encore, le plan était de partir aux USA mais le Covid est arrivé et tous les plans sont tombés à l’eau !

Finalement, tu essayes de partir aux USA depuis des années ?

Depuis 2016, on essaye de partir aux USA ! Et quand j’y suis enfin, que tout se passe bien, je fais une chute de m*rde à l’entraînement …

Une chute le vendredi, une chute le samedi, Brian a été chahuté à Grenoble; il signe un 6-7 ce week-end en SX2. La vitesse pour jouer le podium était largement là.

Brian Hsu “Quand tu ne roules pas pendant un an, tout le monde t’oublie”
Retour