Louper la moitié du championnat outdoor sur une blessure au pouce ne semble pas avoir trop impacté Jett Lawrence. À peine de retour en piste à Charlotte, l’officiel Honda HRC s’est adjugé la victoire lors de la première épreuve des playoff du championnat SMX après un beau duel face à Eli Tomac. L’intéressé ne pouvait pas espérer beaucoup mieux pour son retour aux actions. Réactions, après une énième victoire.
Jett. À peine de retour, et déjà une victoire. J’imagine que c’était l’objectif, mais est-ce que tu pensais réellement pouvoir gagner d’entrée de jeu ?
C’est vrai que c’était un peu un point d’interrogation. Pendant la semaine, je me faisais déposer par Hunter à l’entraînement, donc je me disais que cette épreuve de Charlotte allait être un peu difficile pour moi. Finalement, les essais se sont bien déroulés, les chronos aussi, mais je savais qu’il est bien plus simple de faire un tour rapide, qu’une manche de 20 minutes. Puis, j’ai pris un bon départ en première manche, je me suis un peu déverrouillé. Eli avait ses traces, il n’a pas fait d’erreurs pendant les premières minutes de course et il a creusé un bel écart. Quand j’ai pu doubler Hunter, il était trop tard pour reprendre Eli, on n’a jamais réussi à le recoller.
En seconde manche, je savais qu’il fallait que j’essaie de battre Eli. J’étais devant lui dans les premiers virages et il m’a finalement passé. Je savais que ça allait être compliqué de là, mais j’ai gagné quand même. Je suis super content d’être de retour, et super content du résultat aussi. J’espère pouvoir continuer sur cette lancée et continuer à m’améliorer parce que je ne suis toujours pas parfait ! L’intensité lors des courses, c’est très différent de l’intensité lors des entraînements. Moi, je suis juste content d’être de retour.
C’est la première fois qu’on te voit réellement te battre avec Eli en piste, finalement. Vous avez deux styles très différents. Qu’est-ce que tu as pu apprendre de lui à Charlotte ?
Le plus important, c’est que j’ai vu qu’il utilisait un pneu sable, donc je me disais que si j’arrivais à rester près de lui dans le sable, je pouvais probablement gagner un peu de temps sur lui dans les portions plus dures parce que j’avais un pneu terre. Je faisais en sorte d’être le plus proche possible, et de lui mettre la pression là où c’était plus béton, pour me donner les meilleures chances. Pour le reste, j’ai roulé contre Eli en Supercross plus tôt dans la saison. J’ai fait deux manches derrière lui ce samedi, j’ai appris certaines choses. Je n’ai pas pu voir grand-chose en première manche car il était loin, mais j’ai pu le suivre et observer ce qu’il faisait en seconde manche.
À Phoenix, tu avais commenté la forme d’Eli Tomac, et les gens n’avaient pas vraiment compris dans quel contexte tu le faisais. Ce samedi à Charlotte, tu as eu le “vrai” Tomac, le genre de moment où tu roules avec lui et tu n’arrives même pas à entendre ta propre moto tellement le style de pilotage diffère. C’était comment, cette expérience du “vrai” Eli Tomac ?
C’est vrai que je n’ai pas été très bon avec les mots utilisés à l’époque. D’ailleurs, je ne le suis toujours pas; mais j’avais tort. En première manche, j’ai surtout fait en sorte de trouver le rythme et j’ai perdu du terrain sur Eli en début de course, donc je me suis concentré sur ma manche. La seconde manche était vraiment fun, on attaquait fort et c’est clair que cette Yamaha est vraiment bruyante; nos Honda sont vraiment différentes, très peu bruyantes. Quand je l’ai doublé, je n’arrivais toujours pas à entendre ma moto … Le moteur est différent, la prise d’air est différente, c’est pourquoi nos CRF sont moins bruyantes. C’était cool d’expérimenter une course avec cet Eli là. J’espère qu’il va continuer à rouler encore quelque temps parce que c’est bon de pouvoir rouler contre quelqu’un d’aussi expérimenté et rapide que lui.
Te battre contre Eli Tomac, tu avais dit que c’était l’un de tes rêves. Est-ce que c’est ce que tu avais imaginé, devoir le contenir jusqu’au dernier tour de la deuxième manche pour l’emporter ?
C’est ça. Évidemment, c’était vraiment cool de me battre avec lui. Pour remettre en perspective pour Eli, c’est comme s’il avait roulé contre Ricky Carmichael à son époque, où l’un de ces mecs-là. Tu veux toujours rouler contre les meilleurs pilotes de ton époque, tu veux pouvoir te battre avec eux. Pour l’heure, Eli reste le plus gros nom du sport et il est aussi celui qui détient le plus de titres en 450 donc c’était vraiment génial de rouler avec lui comme ça. Ce qui est vraiment top quand tu roules contre l’un des meilleurs pilotes, un champion, c’est qu’il ne lâche jamais, il se bat jusqu’à la ligne d’arrivée. Me battre avec lui, c’était sur ma to-do list. Je voulais me battre avec Eli, que je gagne ou que je perde. C’était vraiment cool, et c’est un honneur pour moi.
En première manche, tu semblais un peu hésitant dans les premiers tours et Hunter a été en mesure de te doubler. Sur le moment, tu attendais que la course vienne à toi ?
J’adore me faire doubler dans les premiers tours [rires]. Non, je donnais ce que j’avais mais c’était ma toute première course donc l’approche était aussi un peu différente pour moi. Par le passé, je n’ai jamais vraiment passé autant de temps sans rouler, donc c’est une nouvelle expérience et un nouvel apprentissage. Dans les premiers tours, il fallait surtout que je retrouve le rythme en course et que je m’y habitue de nouveau, car ça faisait un bail.
Qu’est-ce que tu penses de cette saison qui dure désormais, et s’allonge sur 31 rounds ?
Disputer 31 épreuves par saison, c’est stupide. D’un autre côté, c’est cool car quand tu te blesses comme moi, tu peux revenir. Mais si tu prends n’importe quel autre sport à haut niveau, personne ne fait autant de courses. La raison pour laquelle on revient tous à chaque fois, c’est pour le gros chèque. S’il n’y avait pas de gros chèque, beaucoup de pilotes ne se pointeraient pas sur les courses. J’espère qu’à l’avenir, on fera moins de courses, qu’il y aura un peu plus de sentiment de rareté. On ne voit pas les pilotes de Formule 1 ou de MotoGP faire 31 courses par an. J’espère qu’on finira par faire moins de courses, que ce soit une occasion un peu plus rare, que ça ait un cachet un peu plus spécial.
Chase [Sexton] a participé à toutes les épreuves cette année. Là, on se pointe sur un tracé super rapide. Okay, ils essaient d’assurer notre sécurité et ils font un bon boulot de ce côté-là, mais on est censé régler une moto qui peut encaisser de grosses compressions dans les enchaînements, tout en étant assez souple pour les portions plus rapides … C’est la recette pour se faire des frayeurs en roulant avec des réglages trop durs, ou trop mous, ou pas adaptés et tout ça, en fin de saison ! Pour un mec comme moi ou comme Eli, ça va car on a été blessé et on a pu avoir une pause, un break. Mais un gars comme Chase a fait toutes les épreuves et il est forcément fatigué en fin d’année. Il faudrait diminuer le nombre d’épreuves pour que ce soit moins dangereux pour les pilotes, qu’on puisse arriver sur les dernières épreuves avec de l’énergie car tu en auras encore en fin d’année si tu ne disputes plus autant d’épreuves.
On fait 17 Supercross. Ça a toujours été au calendrier, mais on n’a pas vraiment besoin de faire 17 épreuves, surtout quand un mec prend l’ascendant et gagne un paquet de courses; ça devient vite inutile et monotone. Il faudrait peut-être redescendre à 14 ou 15 Supercross, ça rendrait le championnat encore plus excitant car ce serait plus serré aux points. Les championnats 250 sont excitants car il n’y a pas beaucoup d’épreuves, et il faut être présent à chaque round. En 450, il y a tellement d’épreuves que tu peux te permettre de faire une mauvaise course, tout en restant dans la course au titre. J’espère qu’ils vont réduire le nombre de courses, ce serait plus excitant pour les pilotes. Ça leur permettrait aussi de durer plus longtemps car ils ne se défonceront pas – et ne s’useront pas – physiquement toute l’année en ayant une intersaison aussi courte. En mondial MXGP, ils peuvent se reposer durant une vraie période d’intersaison. Je crois qu’ils font une vingtaine de courses par an. En fait, c’est une question de sécurité. On essaie de flirter avec la limite et ça devient dangereux pour nous. On veut pouvoir faire ce sport le plus longtemps possible, durer, parce que c’est ce qu’on aime faire !