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Josse Sallefranque “C’est bon de voir qu’Infront retravaille un petit peu sa copie”

Illustration: Mediacross / P.H

À la tête de l’équipe Honda SR Motoblouz, on ne présente plus Josse Sallefranque qui dirige de main de maître une véritable flotte de pilotes. Engagés sur le mondial MXGP, l’Elite, le SX Tour, Le Pro Hexis ou encore le championnat de France des sables, les effectifs de la structure Française soutenue par Honda France & Europe ne ménagent pas leurs efforts pour performer à tous les niveaux, et sur tous les continents. Entre les coups de fils, les poignées de main et l’organisation d’une séance de dédicaces pour les pilotes du Pro Hexis de Lunel, Josse Sallefranque a pris le temps de répondre à nos questions pour faire un point sur cette saison 2023. Micro.

Josse, Valentin Guillod est de retour chez vous cette année. Il fait une très grosse saison. Qu’est-ce qui a changé selon toi chez Valentin qui explique cette différence entre 2020 & 2023 ?

C’est très simple, il y a son expérience. Quand il est arrivé chez nous en 2020 il était dans une phase compliquée. Il n’avait toujours pas accepté que d’avoir arrêté de travailler avec Yves Demaria l’ai fait se retrouver dans une situation difficile. Il s’est remis en question depuis, et il retravaille avec Yves. Depuis, tout se repasse bien pour lui, il est reparti dans une bonne direction et derrière ça amène à une très belle saison. On est très contents. Avec Valentin, on est champion de France Elite, 9ème du MXGP, il a fait de très beaux grands prix. Le fait de retravailler avec Yves Demaria lui a permis de se remettre d’autant plus en question et c’était la clef du renouveau de Valentin Guillod.

Avec Honda SR, on adopte quelle philosophie ? On se dit qu’on est un potentiel tremplin vers une équipe Factory pour un pilote comme Valentin ou on se dit plus qu’on aimerait pouvoir se développer en le gardant à ses côtés ?

Le tremplin, on le voit plus pour les jeunes. Si demain, Emil Weckman termine dans un team Factory, ce sera super pour lui. En catégorie MXGP, le but serait de pouvoir garder nos pilotes car on a des objectifs qui sont de terminer entre 8 & 12 sur le mondial MXGP. Un pilote comme Valentin Guillod, qui performe maintenant et avec qui on a construit de belles choses cette année, on a pour but de le garder. Bien sûr, si un team usine lui propose un bon guidon, ça restera la loi du plus fort et il faudra l’accepter car ces teams ont d’autres moyens financiers et matériels mais le but du team, c’est de se battre pour garder ses pilotes.

Valentin Guillod a enchaîné les top 10 cette saison, avant une petite blessure à l’omoplate contractée à l’entraînement

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Est-ce qu’on peut s’attendre à des aides supplémentaires de la part de Honda pour la saison 2024 au vu des performances décrochées par Emil et Valentin cette saison ?

C’est encore un peu trop tôt pour le dire. Ce que je peux dire par contre c’est que du côté d’Honda France, c’est oui. Avec l’aide de Bruno Skotnicki & Honda France, on peut faire évoluer la structure, ils nous soutiennent à 2 000% et c’est vraiment top. Sans oublier nos autres sponsors extra-sportifs aussi. Par contre pour Honda Europe, c’est encore un peu trop tôt pour savoir; les budgets sont encore en train d’être votés et il n’y a pas de réelle évolution pour le moment. On l’espère mais ce n’est pas chose facile et rien n’est sûr pour l’heure.

Ça fait deux ans qu’Emil Weckman est chez vous. Un pilote qu’on ne connaît pas tant que ça en France si ce n’est au travers de ta structure. Qu’est-ce qui fait qu’avec Emil, ça match aussi bien ?

Franchement, Emil est un super pilote. Son seul petit bémol, c’est qu’il chute beaucoup et ça l’empêche vraiment de performer au championnat. Il fait de superbes coups d’éclats, c’est un pilote avec lequel il est très facile de travailler. On bosse avec lui car déjà, c’est une très bonne personne mais aussi car il s’entraîne avec Yves Demaria, qui travaille aussi avec le team. Du coup, ça colle super bien avec Yves aussi de son côté. Emil écoute vraiment Yves à la perfection et c’est quelqu’un qui veut progresser. Le fait que ça se passe aussi bien avec Yves, qu’il se donne pour progresser et qu’il soit à l’écoute fait que derrière, ça nous donne encore plus envie de continuer avec lui. La régularité, c’est la seule chose qui lui manque car Emil est capable de faire top 7 ou 8 régulièrement, mais on le voit parfois 15 ou 16 parce qu’il tombe assez souvent. On espère trouver des solutions.

Emil Weckman fait le job sur le mondial MX2 et compte une poignée de top 10 de manche cette saison

Qu’est-ce qui a décidé à l’intégration de Charles Lefrançois au programme de Honda SR Motoblouz pour disputer le Supercross en 250 ?

C’est vrai que le team a vraiment pris la direction du championnat de France des sables / Touquet parce que c’est la plus grosse course de l’année en France et en Europe. Médiatiquement parlant, notre objectif Touquet a vraiment grandi cette année car la cote de popularité de cette course est énorme et l’impact y est grand pour les sponsors extra-portifs comme Motoblouz, Hexis, mais aussi pour Honda France. Ça, c’est notre objectif numéro 1. Ensuite, on a l’objectif MXGP, et puis l’objectif en championnat de France de Motocross qui est aussi un bel objectif avec de bonnes retombées. De là, il y a le Supercross qui est un super championnat, tout est top mais à l’heure où je parle, on est dans une période où c’est le championnat qui intéresse le moins nos sponsors. Du coup, on ne peut pas avoir plusieurs pilotes en Supercross, on ne pouvait en prendre qu’un seul et on a misé sur Charles Lefrançois pour une descente en SX2 car la catégorie 450 est assez dominée par le duo Soubeyras/Aranda en SX1 et on voulait jouer le top 3 voir le titre. Pour nous, Charles était l’homme parfait pour tenter d’aller chercher ça en catégorie SX2; c’était la meilleure combinaison.

On entendait parler d’un potentiel changement de marque pour ton équipe en début d’année. Un commentaire à ce sujet ?

Oui. On est arrivé au moment où on a été approchés par d’autres marques. Pour nous c’est cool, c’est valorisant. Notre but ultime est de continuer avec Honda car pour nous c’est le top mais maintenant, on se retrouve un peu bloqué car Honda Europe ne nous apporte pas le soutien qu’on souhaiterait; chose qui aurait pu être possible avec d’autres marques. Avec le temps mais aussi la motivation d’Honda France, on a fait le choix, le bon choix; rester avec eux.

Changer de marque, ça voulait dire délaisser ce programme sable important pour toi ?

Par exemple. Il y aurait eu des choix à faire. En soit, on pouvait pratiquement garder le même programme mais il y a tout de même une histoire entre l’équipe et Honda. Comme Honda France a fait le nécessaire pour qu’on reste avec eux, tout s’est mis en place et c’est devenu très logique pour nous de continuer avec eux pour la suite.

Pas de changement de couleurs en vue pour 2024 ! @DR

Cette année, on a vu qu’Infront avait fait des changements en instaurant notamment des aides pour les déplacements oversea aux équipes qui ne sont pas factory. Est-ce que Honda SR bénéficie de ces aides, et est-ce que ça retire réellement une épine du pied pour une équipe comme la tienne ?

Oui bien sûr, c’est un budget conséquent. Sur notre budget annuel, ça nous a bien fait gagner 20 000€ et ce n’est pas une petite somme. C’est bon de voir qu’Infront retravaille un petit peu sa copie, surtout pour les équipes privées. Au niveau des teams usines, c’est vraiment la guerre de savoir qui aura le plus beau camion, et puis on ne parle pas d’un camion, pas de deux, pas de trois, on est déjà à quatre camions maintenant ! C’est même d’ailleurs un sujet qu’on commence à mettre sur la table car pour les équipes privées comme nous, ça devient compliqué dans les paddocks: il n’y a presque plus de place, on se retrouve tout au bout des allées et c’est une réalité à laquelle on est confrontée. On voit qu’Infront se penche là-dessus car à un moment donné, je me demande si on ne devrait pas instaurer un fair-play financier comme dans certains sports. Un championnat, ça se fait avec tous types de pilotes, de niveaux, de budgets et de teams. Il y a des gens qui misent gros pour gagner, c’est normal, je suis en accord avec ça mais à un moment donné, il faut se rendre compte qu’il manque des pilotes derrière la grille. Par exemple, ces gros teams là prennent deux pilotes, pas plus, et amènent 3 ou 4 camions ? S’ils ne veulent pas qu’on se retrouve avec un championnat du monde avec 8 pilotes, il faut faire attention.

Il pourrait potentiellement y avoir un GP en Australie l’an prochain, réaction ?

Petite goutte de sueur car ca fait des longs voyages. On sait qu’Infront est intéressé par l’organisation de GP oversea pour que le championnat soit mondialement connu et reconnu. Honnêtement, de ce que je commence à voir c’est qu’Infront a un réel intérêt financier sur les GP oversea donc ça paraît être la suite logique pour eux. On verra bien, tant que je n’ai pas vu la date sur le calendrier, je me dis que ce n’est pas fait !

Avec Honda SR tu fais le sable, l’Elite, le SX Tour, le mondial, tu aimes jouer sur tous les tableaux. As-tu fais partie de ces équipes qui ont fait une demande de licence pour le World Supercross ?

Au niveau du World Supercross, c’est vrai que je regrette un petit peu. En fait, on a rencontré le promoteur très tôt, c’était il y a deux ans de ça. C’était trop tôt. Quand j’ai demandé conseil à des gens du milieu à l’époque, on m’a dit que ça n’allait pas se faire, que c’était trop gros pour être vrai. Pour une structure comme nous, participer au World Supercross veut dire faire rentrer de l’argent en ayant un team de moto, ce qui est difficile à croire car nous, on est plus à se dire qu’on a fait un bon bilan quand la saison se termine sans avoir bouffé trop d’argent. S’il reste un petit peu dans les caisses, c’est même super. Avec le World Supercross, on se mettrait à gagner de l’argent en ayant un team de moto. Bizarrement, ça fait même un peu peur, on se demande où va être l’embrouille, où on se fait arnaquer. On m’a conseillé de ne pas le faire et comme j’avais été approché très tôt, j’étais assez perplexe. Quand je me suis décidé, après avoir vu que plusieurs teams signaient et que c’était du sérieux, c’était trop tard pour nous. Je suis vraiment passé à côté d’une opportunité et je regrette, mais c’est comme ça. On en apprend tous les jours, et à chaque saison.

De l’eau a coulé sous les ponts depuis les débuts de l’équipe Honda SR en mondial MXGP avec Van Horebeek, en 2019 @MX July

Josse Sallefranque “C’est bon de voir qu’Infront retravaille un petit peu sa copie”
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