En 2025, Tom Guyon sera de retour à temps plein sur le championnat du monde MX2. Cette saison, le pilote Français avait pris ses distances avec le mondial pour se relancer au niveau national avec la structure 737 Performance GasGas de Valentin Teillet. Désormais âgé de 22 ans, Tom a signé avec l’équipe Riley Racing Kawasaki pour effectuer son dernier mandat en MX2 la saison prochaine; une dernière saison pour aller cocher les objectifs dans la catégorie et prendre sa revanche sur quelques saison compliquées. Qu’on se le dise; la motivation est intacte, et le garçon en a encore sous le coude. Micro.
Tom, pour commencer, comment ça va depuis cette blessure aux vertèbres ?
Plutôt bien. J’ai fait un scanner la semaine dernière, et c’est vraiment en bonne voie. J’ai tout qui se remet correctement, je n’ai pas de déplacement et c’est quasiment consolidé à 100%, donc je vais pouvoir reprendre la moto vers le 8 novembre. J’ai hâte. J’ai eu de la “chance” dans mon malheur, car rien ne s’est déplacé. Je n’ai pas eu besoin d’opération et le chirurgien m’a dit que je n’ai pas été sujet à des risques de perte de sensation, des risques de devenir paraplégique compte tenu de la fracture. C’était rassurant car quand j’ai été à l’hôpital, sur le coup, ils m’ont fait très peur en me disant qu’il ne fallait surtout plus que je bouge. Au début, c’était très chiant avec le corset car je devais l’avoir 24/24, me faire laver par les infirmières, rester dans un lit médicalisé… Ce n’est jamais très sympa. Mais je devais faire les choses correctement pour éviter les séquelles.
Aujourd’hui, tu as pu reprendre le physique, ou ce n’est pas à l’ordre du jour ?
Si ! J’ai repris le physique désormais. Je fais du vélo de route, de la muscu. J’ai pu reprendre après un mois environ; j’avais encore mon corset à l’époque. J’ai quand même plus fait de la muscu au début, parce que faire du cardio avec un corset, c’est très compliqué. On ne s’en rend pas compte, mais ça tient chaud et c’est très désagréable. J’ai pu reprendre le sport et les activités physiques assez tôt donc physiquement, je ne serai pas en retard pour la préparation à 2025. C’est vraiment un bon point car je vais pouvoir faire un vrai hiver; ça fait quand même plusieurs années que je loupe mes hivers. Je vais avoir la chance de pouvoir faire une vrai intersaison, faire une préparation constructive.
En 2024, ton programme en France avait pour but de te relancer. Ton objectif premier était de revenir sur le mondial par la suite. C’est acté, puisque tu as un guidon pour 2025. Est-ce qu’on considère qu’on a réussi à se relancer comme espéré avec Valentin, cette année ?
En fait, la saison, elle n’est pas si dégueulasse que ça. J’ai connu quelques galères, avec mes bras notamment. Forcément, j’ai aussi repris la moto très tard dans l’intersaison à cause du genou, mais au final l’objectif premier a été de se relancer et de retrouver un bon guidon en Grand Prix, l’objectif est donc atteint.
Ça, c’est déjà une bonne chose que de pouvoir se projeter sur une saison de Grand Prix l’année prochaine. J’ai repris du rythme, j’ai fait une pôle aux US, j’étais devant en championnat de France et il y avait quand même du niveau en MX2. Je suis content, mais je sais que j’ai encore du boulot, beaucoup de boulot pour l’année prochaine. En Grand Prix ça roule très vite mais honnêtement, ça reste une saison productive.
Quand on fait l’annonce de ta présence sur l’Elite MX2, on se dit forcément qu’il y a des objectifs de podiums, de victoires, de titre. Tu as loupé une épreuve, c’était plié, mais en dehors de ça, est-ce que tu t’attendais à retrouver ce niveau sur l’Elite cette saison ?
Non, honnêtement, ça a quand même mis du gaz cette année, c’est vrai que ça roulait vite. Il y avait les deux Mathys / Mathis qui roulaient très fort. On a pu voir que Valin est devenu champion d’Europe. Il roulait avec nous sur l’Elite et je pense qu’il avait la vitesse pour jouer dans les 5 en grands prix. Ça a imposé un très bon rythme en championnat de France donc si on regarde, le niveau n’était pas mauvais du tout et je trouve que j’ai quand même fait de bonnes performances. J’aurais forcément aimé aller chercher un petit peu plus, mais c’est comme ça.
Valentin a essayé de faire le maximum pour moi, sans vraiment faire d’entraînement hivernal. On en a discuté ensemble: on est quand même satisfait de cette saison. L’objectif était de pouvoir revenir en GP, c’est fait. Valentin m’a vraiment permis de retrouver le plaisir sur la moto, de retrouver de la technique. C’était aussi ce qui était très important pour moi.
Quand tu étais chez Fantic, tu étais un peu livré à toi-même. Tu as intégré le team de Valentin cette saison. Une petite structure, mais il a l’air d’énormément s’investir en tant que coach; c’est un garçon visiblement très présent. Pour toi, passer de Fantic à 737, c’est le jour et la nuit ?
C’est vrai que chez Fantic, on était vraiment livré à nous-mêmes. Honnêtement, ce n’est pas la meilleure expérience que j’ai eue dans mes années de moto, d’autant plus que la moto n’a malheureusement pas été performante comme on l’aurait espéré. C’était le gros point négatif qui m’a malheureusement coûté la saison, c’est ce qui est vraiment dommage, parce que moi, je croyais vraiment au projet.
Avec Valentin, c’est une structure beaucoup plus petite, mais plus familiale. Il a essayé de s’investir au maximum pour moi, et j’ai vu tous les efforts qu’il a fait, c’est vachement satisfaisant et motivant. Valentin a pas mal de projets en parallèle, donc je savais très bien que ce n’était pas toujours simple pour lui, mais honnêtement je suis content de ce qu’il a mis en place pour moi.
Valentin m’a apporté des choses, il a un œil avisé et il arrive à me transmettre les choses, parce que j’ai une entière confiance en ce qu’il me dit. Franchement, c’est un coach que j’ai énormément apprécié et avec qui je suis vraiment à l’écoute, c’est aussi pour ça que j’avais fait ce choix cette année. Retravailler ces petits points techniques, retrouver cette motivation, c’est aussi ce que je recherchais.
Avec tes expériences passées et présentes, finalement, avoir un coach avec qui ça marche bien, c’est l’un des points les plus importants dans un programme ?
C’est très important. Après, je vais parler de mon point de vue, parce qu’on est tous différents mais pour moi, pour performer en grand prix, il faut un team vraiment solide et il faut tout un ensemble de choses.
Si la moto n’est pas adaptée pour les grands prix et qu’on a un moteur qui ne marche pas, c’est compliqué de performer, parce qu’aujourd’hui on voit que c’est de plus en plus pointilleux. Le coach joue aussi un rôle; il faut que tout l’environnement soit sain, que l’équipe soit motivée autour de toi.
Pour rouler en championnat de France, c’est un peu différent. On peut avoir une structure un peu plus familiale, comme on l’a fait cette année avec Valentin, mais pour rouler en grand prix honnêtement il ne faut rien laisser au hasard, et je pense que tout joue un rôle très important, que ce soit la moto, l’entraîneur, le manager, le coach physique et le pilote aussi bien sûr. Il faut que le pilote se sente bien dans l’équipe, pour rouler en grand prix. Il faut un ensemble de choses pour que ça fonctionne correctement.
Cette année on t’a vu faire une pige en mondial à Saint Jean. Lors des essais, tu t’en es mis une bonne. On peut revenir sur ce qu’il se passe, ce jour-là ?
Elle a été très courte, cette pige en GP. C’est dommage et frustrant, parce que c’est mon club et ça me tenait à cœur de bien rouler. J’avais plutôt bien commencé les essais en plus, ça se passait bien, j’étais à l’aise avec la piste. En fait, lors des essais, on fait un premier tour pour repérer la piste avant de se lancer dans un chrono.
Lors des essais libres, je sautais le “Pastrana leap” donc je me suis dit qu’aux chronos ça allait passer. Ils avaient refait la réception, ça avait l’air niquel. Le problème, c’est qu’ils ont pris la terre du bas pour la remonter sur la réception. Et sur un saut comme ça, c’était beaucoup trop mou. Ça tape tellement fort à la réception qu’il faut que le sol soit béton pour ne pas être surpris. On a pu voir Thibault tomber, et Vlaanderen se faire une grosse chaleur au même endroit. C’était un peu dangereux ce que les équipes d’Infront ont fait à cet endroit, car ce n’était pas le club qui gérait la piste. Je me suis lancé, j’ai sauté, j’ai planté à la réception et de là, trou noir.
Après quoi, tu as fait un détour par les USA pour deux épreuves. Tu dis que la moto est importante en GP. Je me souviens avoir discuté avec Romain Pape lors de ses courses sur l’outdoor US en 250. Il disait que si tu n’as pas une moto à 30.000$ ce n’est même pas la peine d’y penser parce que tout le monde roule sur des missiles. Tu as récupéré une moto de Wildcat Racing pour ces piges. Elle valait quoi, cette Gas Gas ?
Honnêtement, je suis d’accord avec le point de vue de Romain. J’ai eu la chance de faire deux outdoor avec Valentin et c’était génial. On a récupéré une moto au team Wildcat Racing de Lorenzo Locurcio. On a eu un premier moteur, c’était un moteur pour le Supercross. La moto marchait plutôt bien, mais ce n’était pas un avion de chasse non plus; ça faisait le boulot. Mon point de repère à moi, c’est la KTM de VRT lors des GP en 2022; c’était une machine de guerre. J’ai cette moto comme référence pour savoir si une moto fonctionne correctement ou non. Donc, je savais que la moto des US fonctionnait correctement, mais ce n’était pas non plus de la folie. D’autant plus qu’aux US, les normes sont différentes et les motos en général marchent vraiment fort par rapport à l’Europe, il y a un petit step en plus. Les pistes sont tellement griffées et hersées que c’est très mou, et il faut une moto qui marche. J’ai cassé le moteur en deuxième manche à Southwick, direct. Et après, j’ai roulé à Red Bud avec un moteur d’origine. La moto ne marchait pas le matin, j’ai fait un temps de m*rde aux chronos et je suis parti de très loin en manches. Avec un moteur d’origine, ce n’était pas simple.
À Southwick, tu as signé la pole en évoluant dans le groupe B. Ça a dû faire parler un peu de toi là-bas, car les autres devaient se demander qui était ce Tom Guyon en haut du tableau.
C’était super. J’étais aussi un peu surpris, mais on en avait parlé avec Valentin en amont. On avait vu que le groupe B commençait, et on s’est dit qu’il y avait peut-être un petit truc à faire. J’ai su saisir l’opportunité, et il y en a qui m’ont critiqué [rires].
C’est quoi l’histoire ? Dans les premiers tours, un tracé neuf, tu t’es dit bingo et tu as mis gaz en coin du début à la fin ?
En fait, je suis parti très loin dans le paquet lors de cette séance parce que les pilotes Américains sont arrivés très tôt en pré-grille pour partir en premier. J’étais dans le paquet complet, et c’était vraiment galère. J’ai sauvé un tour, mais ce n’était pas terrible car je m’étais raté dans quelques traces. Je savais qu’il fallait que je trouve un peu d’espace, car je n’arrivais pas à faire de tour comme je le souhaitais. J’ai quand même fait un bon tour par la suite, mais j’avais fait quelques petites erreurs. Je me suis dit que j’allais tout donner dans un dernier tour. Donc je mets du gaz, je suis le plus rapide dans les trois premiers secteurs. J’améliore mon chrono d’une seconde et quelques mais le truc, c’est qu’un pilote s’est mis une cabane devant moi à la fin du tour et je n’ai pas pu finir correctement car il m’a un peu bloqué; dommage. J’ai quand même signé la pole, mais j’aurais pu encore faire mieux. J’avais quand même amélioré mon temps d’une seconde et demi, donc c’était ouf ! Puis de là, certains mecs ont parlé, ils ont dit que j’avais eu un terrain plus plat. Oui, le terrain était un petit peu plus plat que pour le groupe A, mais je pense que n’importe qui à ma place aurait fait la même chose. Je ne vais pas freiner pour faire deuxième … Les règles sont comme ça, je ne suis pas maître de ces règles. Je fais mon boulot, j’ai pu partir en première position, c’est top.
La prochaine fois, mets un petit coup de frein pour contenter les réseaux sociaux.
Non mais, c’est clair [rires]. Il y a des mecs qui n’étaient pas spécialement contents parce que – soi disant – ça dénigre un gars comme Deegan, parce que certains ont l’impression que ça veut dire que ça roule moins vite aux USA qu’en Europe; je ne sais pas trop … Il faut savoir que ça roule super fort au US. J’ai saisi l’opportunité de faire un chrono dans ces conditions là, et je ne vais pas m’arrêter pour faire deuxième et laisser Deegan signer la pole.
Tu te place où sur la grille, en ayant signé la pole ? Tu as dû te retrouver aux côtés de gros bras, avec ta GasGas du team Wildcat Racing.
Je me suis placé à l’intérieur de la cabane. Deegan s’est mis de l’autre côté, et Levi Kitchen à ma droite. J’étais plutôt confiant parce que je suis un bon starter, c’est mon point fort. Je ne sais pas d’où ça vient, mais j’ai un très gros temps de réaction et j’ai un très bon feeling pour les départs. Je suis super bien sorti de la grille en première manche. On a regardé la vidéo au ralenti avec Valentin, je suis le premier à déclencher, à avancer quand la grille tombe. J’ai un peu glissé dans l’ornière, et au moment où j’ai passé la troisième, tout le monde m’a dit ciao et il n’y avait plus personne derrière moi [rires]. J’ai halluciné de la puissance des motos. C’est compliqué de partir devant avec une moto comme celle que j’avais, en réalité. Bon et puis de là, je suis tombé au départ, puis 3 autres fois dans la manche. C’était de ma faute, j’aurais dû me canaliser et remonter tranquillement. Les manches étaient longues et je me suis vraiment cramé physiquement.
Je suis plutôt bien parti en deuxième manche. En fait, il y a eu un drapeau rouge lors du second départ. J’étais parti 16/17 et j’étais remonté 9 ou 10 dans le premier tour avant que la manche ne soit stoppée. J’avais fait un gros premier tour, j’avais laissé beaucoup d’énergie et honnêtement, j’étais bien cuit quand on est reparti. J’ai pris cher physiquement dans cette manche, j’ai baissé le rythme et j’ai fini par casser le moteur.
De là, tu fais aussi Red Bud. 22-15, des points, du mieux. Ce Larocco’s Leap en 250, c’est si impressionnant que ça ?
Honnêtement, ça fait un beau saut quand même [rires]. Et puis, à la télé ça a tendance à écraser. Et parce que les pilotes roulent très bien et très vite, on ne se rend pas vraiment compte de comment les terrains sont défoncés. Les pistes là-bas sont bien différentes de l’Europe et au final, le pilotage doit être différent. C’est très mou, il faut beaucoup attaquer, on est dans des ornières très longues. C’est du Motocross, mais un pilotage très différent de l’Europe. L’exemple, c’est Tom Vialle. Il est très fin dans son pilotage, du moins en Europe. Là, on voit qu’il doit beaucoup plus attaquer. J’ai pu en parler un peu avec lui, et il m’a dit qu’il devait vachement adapter son pilotage pour les pistes américaines.
C’est vrai qu’en GP on a ce sentiment de voir beaucoup de “stop and go”, des grosses variations de vitesse et des virages bien plus lents. Sur l’outdoor, les mecs gardent de la vitesse partout.
C’est ça. Les pistes jouent beaucoup de ce côté-là. Si on met un Américain en Europe, il sera un peu perdu au début de la même façon qu’un Français se retrouvera un peu perdu quand il va aux US. C’est vraiment deux mondes différents. Mais après, pour avoir fait cette expérience, c’est génial, le rêve. Je suis content de pouvoir dire que j’ai fait ça dans ma vie, et je ne regrette rien du tout. Oui, j’aurais aimé plus performer, et pourquoi pas avoir une opportunité là-bas, mais ça n’a pas été le cas. Je suis quand même très content de revenir en grand prix, c’est ce qui est important aujourd’hui.
Tu as signé pour rejoindre Riley Racing Kawasaki en 2025. Comment ça s’est concrétisé, avec ce team ?
Olaf, le patron du team, m’a contacté peu de temps après les US pour savoir si ça m’intéressait de revenir en Grand Prix ? Je lui ai dit « Pourquoi pas, maintenant à voir dans quelles circonstances, quelles sont les conditions, etc. » Et au final ça s’est fait assez rapidement j’ai envie de dire. Il m’a expliqué le projet de rouler avec des Kawasaki, d’avoir Harry Nolte, un très bon motoriste, avec Jean-Jacques Luisetti aussi pour aider dans l’équipe … Ce sont des personnes qui ont beaucoup d’expérience, qui savent ce qu’ils font et je me suis dit “ça peut être une bonne opportunité, il faut la saisir”.
Du coup, tu signes sur une belle promesse, mais sans tester la moto ?
Je devais tester la moto peu de temps après la Rookie’s Cup, mais malheureusement je me suis blessé donc on a dû annuler cet essai. Honnêtement, ça ne me fait pas plus peur que ça. Beaucoup de gens me disent que la KX-F est facile; je me ferai mon propre avis quand je serais dessus, mais ça ne peut pas être une mauvaise moto. Dans tous les cas, il y aura du beau monde pour préparer cette Kawasaki, des gens d’expérience. Kawasaki, c’est une moto qui gagne et que je compte bien mettre aux avant-postes la saison prochaine, ce serait génial.
On sait comment va se dérouler ton programme l’an prochain ? De souvenir, tu vivais aux Sables d’Olonne avec VRT, puis en Italie avec Fantic. Finalement, tu vas aller faire une intersaison dans le nord en Belgique / Pays-Bas pour la première fois ?
C’est ça. Ils me mettent une maison à disposition à côté du team. Ce n’est pas trop loin d’Eindhoven. Je préfère être basé à côté de l’équipe, car je ne suis pas spécialement fan de devoir faire les choses dans mon coin. J’aime bien bosser avec l’équipe, et m’investir pleinement. L’entraîneur sera aussi basé là-bas, avec le coach physique, le mécanicien d’entraînement, celui de course, etc … Forcément, ce sera un peu plus simple
On discute depuis l’époque de l’Europe 125, et tu m’as toujours fait comprendre que ton truc, c’était le mondial. Tu dois bien voir que c’est de plus en plus dur pour tout le monde, les teams ferment, certains pilotes sont sur le carreau. Il doit bien y avoir des programmes différents qui te permettent de mener une vie de pilote sympa sans avoir à passer par le mondial, les galères et tous les sacrifices que ça inclut. Alors, c’est quoi qui t’attire tant sur ce mondial ?
Je ne roule pas en mondial pour des cacahuètes non plus. Ça reste un métier. J’arrive à gagner ma vie en tant que pilote. Moi, ce que j’ai du mal à comprendre, c’est que je vois beaucoup de pilotes qui payent pour rouler. Ça, ça casse vraiment le business du sport. Payer pour rouler, je ne comprends pas le principe. Si on jour on me propose de payer pour rouler, je vais simplement refuser car c’est un énorme investissement tout ça pour prendre des risques. Et si je dois payer, je préfère faire mon programme de mon côté, tout seul, avoir moins de contraintes de ce côté-là.
Moi, on m’a proposé un contrat plutôt bon pour revenir en GP. C’est vrai que cette année, on m’a proposé de faire pas mal de Supercross, en Allemagne notamment parce qu’il y a pas mal d’argent à prendre; ça, c’est clair. Maintenant, je pense que j’ai encore le temps, j’aimerais vraiment atteindre mes objectifs en grand prix parce que je me sens capable de les atteindre. Je serais vraiment fier d’atteindre ces objectifs-là, et je vais faire le maximum pour y arriver. Je vais être le plus rigoureux possible pour ma dernière saison en MX2, et on verra sur quoi ça débouchera. Pour l’heure, Riley Racing m’a proposé quelque chose de très correct, que ce soit financièrement parlant ou à côté. Je me suis dit “let’s go“. C’est encore ce qui m’anime.
Faire du Supercross en Allemagne, ce serait aussi une super opportunité. Je pense que j’aimerais beaucoup. Mais au fond, je me dis que je peux encore faire quelque chose en mondial. J’aurais le temps pour penser au reste. Je fais de la moto, je prends du plaisir, et je veux encore profiter de ces moments-là. On ne peut pas faire de la moto toute notre vie, mais je ne veux pas rouler pour ne rien gagner non plus; impossible.
Dans la vie active, on a des choses à payer, des projets; il faut être payé à sa juste valeur en tant que pilote. On ne peut pas demander un million d’euros quand on ne roule pas devant; c’est normal. Mais c’est vrai que ça devient de plus en plus dur quand on voit le nombre de teams qui arrêtent. Je m’estime chanceux d’avoir trouvé un deal comme celui-ci, avec Riley. C’est pour ça que je veux vraiment saisir ma chance et montrer de quoi je suis capable pour cette dernière saison en MX2. C’est dommage qu’Infront mette cette limite de 23 ans, je trouve ça un peu tôt mais ce n’est pas moi qui fait les règles.
Imaginons. Tu sors la saison de toute une vie l’an prochain. Tu roules dans le top 10, tu fais des top 5. Disons que tu finis la saison de mondial MX2 en 7ème ou 8ème place. Ce serait une saison très solide. Etant donné que ce serait ta dernière saison en MX2, tu seras ensuite obligé de monter en MXGP. Est-ce que tu penses que ce genre de saison te permettrait d’avoir des opportunités par la suite ? Est-ce que tu arrives à te projeter en mondial MXGP ?
Par la suite, je ne sais pas si ma carrière prendra la direction du mondial MXGP. Par contre, la 450, c’est vraiment une moto que j’adore. Si ça peut déboucher sur quelque chose d’intéressant, pourquoi pas. J’aimerais continuer, parce que c’est vraiment ma passion. Je vis pour la moto. Si je peux faire la saison de ma vie l’année prochaine, franchement, je signe tout de suite. Je ne sais pas de quoi l’avenir est fait, mais je vais essayer de mettre en place ce qu’il faut pour que ça se passe de la meilleure des façons, et que je fasse les meilleurs résultats possibles parce que je commence à avoir un peu d’expérience en MX2. Il faut travailler très dur, ça j’en suis conscient.
Maintenant, passer en MXGP l’année suivante, c’est vrai que c’est un gros step parce que là, on se bat vraiment contre des mecs qui ont beaucoup d’expérience. Mais les mecs qui ont beaucoup d’expérience, ils commencent à avoir un peu de bouteille aussi et je pense qu’ils vont bien finir par céder leur place à un moment [rires]. C’est vrai que ça roule de plus en plus vieux, mais il faut se démarquer, il faut être meilleur. De toute façon, dans le motocross, si tu es devant, tu as toujours de la place. Ça, ce n’est pas un problème, mais c’est que ça roule de plus en plus vite, et ça met vraiment du gaz. Oui, je me vois bien faire du MXGP, mais on verra.
Rouler aux US, ce serait aussi génial mais pour ça, il faut d’abord sortir une vraie saison en Europe; c’est indéniable. Et puis pour y avoir été cette année, je me suis rendu compte que la vie là-bas est dure parce qu’on se retrouve un peu tout seul en tant que français, et la vie est très chère aussi. Si c’est pour signer pour 30.000 dollars là-bas, tu vas bouffer de l’argent à rouler aux USA.
Mon sentiment, c’est que l’Europe 250 est devenu cette catégorie de transition que devait être le mondial MX2 à l’époque. Aujourd’hui, on a deux catégories à part entière et tu as des mecs qui pourraient faire une carrière en MX2 et qui se retrouvent sur la touche en MXGP parce que de toute façon, le marché est complètement bouché.
Je suis complètement d’accord avec toi. Comme tu le dis, c’est une catégorie à part entière. La catégorie de transition, c’est l’Europe 250. Prends un Christian Craig, ce mec là est très bon en 250 mais n’est pas exceptionnel en 450. À l’inverse, tu as un Clément Desalle. J’ai entendu qu’il n’avait jamais roulé en 250 parce que ce n’était pas franchement ce qu’il aimait le plus. Il y a des pilotes qui ont un profil 250, et d’autres un profil 450. C’est vraiment dommage qu’ils mettent une limite d’âge en MX2. L’enlever, je pense que ça pourrait relancer le motocross, vraiment. Il faut arrêter de ne vouloir voir que par le MXGP, à tout prix le MXGP, MXGP, MXGP …
Ça redonnerait de la valeur à tout le championnat, on aurait des gros noms en MX2, des gars avec beaucoup d’expérience. Ils ne gagneraient pas forcément parce que la jeunesse évolue et arrive aussi chaque saison. Je pense que certains teams seraient aussi intéressés parce qu’un jeune pilote 250 coûte moins cher qu’un pilote MXGP pour rouler devant, et ça aurait probablement des retombées et une publicité similaire pour la marque en retour.
Ce n’est que mon avis, mais selon moi, c’est une erreur de leur part de faire ce système de règle d’âge. On considère que le MX2 est une antichambre du MXGP. Le système aux USA n’est pas dégueulasse du tout, et ce serait top de penser à faire un système similaire. Tu as deux titres en MX2, tu es obligé de passer en MXGP, ça c’est intéressant. Selon moi, il y aurait bien plus de pilotes sur le marché et derrière la grille s’ils supprimaient cette règle d’âge en MX2.