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Jean Luc Fouchet “C’est difficile d’organiser une épreuve, il n’y a pas de pitié dans les critiques”

Images: SX Tour / MX July

En plus de 3 décennies à la tête du championnat de France de Supercross, Jean Luc Fouchet a vu le sport évoluer à travers les époques. Grand patron du SX Tour, à la tête de la société JLFO Event, Jean Luc Fouchet déploie ses équipes à travers la France pour organiser l’un des championnats de Supercross les plus réputés. Au terme de la finale du championnat, 17 pilotes ont participé à notre enquête (ici & ) sur les championnats de France. Après avoir recueilli diverses réactions, on a proposé à Jean Luc Fouchet de revenir sur certains points soulevés par les pilotes, mais aussi de nous faire plonger dans les coulisses du SX Tour; un savoir-faire rare, un métier sous tension… Micro.

Jean Luc. J’imagine que tu n’as pas été surpris par les sujets abordés par les pilotes dans les articles. Comment les interprètes tu, cependant ?

Ça part un peu dans tous les sens selon le niveau du pilote, et c’est normal. Quand on demande à des pilotes qui ne sont venus qu’une poignée de fois sur le SX Tour où à des pilotes comme Charles Lefrançois ou Maxime Desprey qui sont là depuis pas mal de temps, les discours sont différents; ils occupent aussi des places différentes dans le classement.

Je suis surpris quand même. Aujourd’hui, que dire ? Les pilotes parlent des pistes, la paye revient beaucoup sur le tapis. Quand Aranda gagne deux soirs au SX Tour, il repart avec 5.200€. Si tu fais 5ème au SX US tu fais 4.000€. On n’est pas si mal logés que ça, ce n’est pas catastrophique. Effectivement, quand tu descends dans le classement ça baisse, c’est normal. Une épreuve Indoor – sur deux soirs – coûte autour de 40.000€ en primes. J’aimerais qu’on puisse prendre du recul par rapport à tout ça.

Le championnat propose certes différents formats de piste. Le sujet a été fait à Lyon, qui était la plus petite piste du championnat mais ce dernier ne tourne pas que sur des petites pistes. On a la chance d’avoir fait la plus belle ouverture de notre histoire à Clermont Ferrand; c’était l’un de nos rêves de gosse. Tu vois, je parle déjà de rêve. Fred Sandouly nous a fait un truc de dingue cette année et c’est dommage que ça ne ressorte pas. Le plus gros chiffre d’entrée spectateur de l’histoire du championnat – en 35 ans – a été fait à Clermont cette année. On était autour de 15.000 spectateurs; c’est un gros travail de la part de l’organisateur et ça ne se fait pas en claquant des doigts.

Il ne faut pas oublier que ce championnat existe pour venir chercher de la notoriété, pour pouvoir ensuite monnayer son niveau afin d’aller en Allemagne, aux US, en Inde ou sur le World Supercross par exemple. À aucun moment, il n’a été dit que le championnat de France existait pour gagner de l’argent. Que les pilotes soient défrayés à juste titre, c’est normal, mais il faut garder à l’esprit que s’il n’y a pas ce championnat de France, il n’y a pas de niveau en France. Quand on regarde sur le mondial de Supercross, aux US ou même en Allemagne, il n’y a pas d’Italiens, de Belges, d’Espagnols … Un organisateur de Supercross en Europe va essayer d’attirer des Américains mais ça coûte tellement cher qu’il va vite se rabattre sur le savoir-faire des pilotes Français et bien sûr de là, il regardera les classements, et donc le SX Tour.

Côté organisation et pour nous, 2023 est une très bonne année. Si on comptabilise l’ensemble des spectateurs sur les 7 épreuves – Paris compris – on est autour de 100.000 spectateurs qui ont vu nos pilotes SX Tour évoluer cette année, malgré l’absence de Genève qui scorait fort, ou même de Barcelone. Il faut savoir qu’on revient de très loin, il y a deux ans, il n’y avait rien car le Covid était passé par là. JLFO avait fait l’effort; je m’étais mouillé pour relancer la machine et faire au moins une épreuve dans l’année à Agen. Ça avait critiqué Paris sans whoops, sans américains, tout ça … C’est difficile d’organiser une épreuve, et il n’y a pas de pitié dans les critiques.

Image: SX Tour / MX July

Tu me dis que c’est une année record pour vous avec 100.000 spectateurs sur l’ensemble du championnat. J’ai la certitude que des pilotes vont lire ça et se dire “Et nous, pourquoi on n’en profiterait pas, de cette année record ?”

Le problème n’est pas là. Par exemple, Fred Sandouly a fait un record à Clermont-Ferrand mais il ne peut même pas remettre le couvert l’année prochaine car la Coupe du monde de rugby passe par là. Clermont ne lui propose qu’une date en Juillet et il ne veut pas prendre de risque car tout le monde sera en vacances à cette période-là. Les années record sont faites pour remettre le couvert par la suite. Quand un club peut faire rentrer un peu de trésorerie, on se dit OUF car on peut refaire une année de plus. On est sur le fil du rasoir; il ne faut pas croire. Si être organisateur était un moyen de gagner de l’argent, il y aurait la queue.

Surtout, je ne vois jamais – au grand jamais – aucun pilote se jeter dans l’aventure d’organisateur. Moi, je serai demandeur. Je discute souvent avec Ramette ou Soubeyras de ça. C’est le même problème que le recrutement des jeunes pilotes. On ne peut pas tout supporter. C’est l’affaire de tous.

Qu’on soit d’accord. Il est impératif que le Supercross de Lyon fasse 5.000 spectateurs par soir pour repartir l’année suivante. Si Lyon fait 3.000 le vendredi et 3.000 le samedi, c’est plié, terminé, et on passe à autre chose. L’organisateur du SX de Grenoble – Guy Chanal – a 77 ans et après 8 ans d’absence, il remet le couvert l’an prochain, mais c’était ric-rac. Il va lui rester une bricole, assez pour repartir en 2024 à la condition qu’il ait la finale du SX Tour car il lui faut plus de monde. Voilà pourquoi on a mis Grenoble vers le 15 décembre l’an prochain.

Proposer un calendrier aussi riche dans la période qu’on traverse, c’est déjà incroyable. On parle de Lyon Grenoble, Paris, où on a un toit au-dessus de la tête, mais qui va aller miser autant d’argent sur une épreuve outdoor ? s’il pleut deux jours au mois de Juin, c’est terminé pour de bon; tout le monde rentre à la maison et l’organisateur se retrouve seul au monde à payer ses créances. On parle des pilotes qui vont partir dans les prochaines années et du manque de relève, mais côté organisateur c’est exactement le même scénario. Regarde Brienon, quel âge à Yannick Ongaro ? Du côté de Saint Thibery, ce sont des retraités qui gèrent tout. Guy Chanal, je t’ai donné son âge… C’est un sujet très délicat aussi.

Il n’y a pas plus de relève côté pilote que côté organisateur ?

Un jeune pilote qui arrive sur le SX Tour va avoir besoin de travailler pour arriver au haut niveau, ça a toujours été. Quand un garçon comme Aranda est arrivé avec les frères Pourcel, il ne se qualifiait pas en finale. C’est la même chose pour les organisateurs. Avant de devenir organisateur d’un gros Supercross Indoor, il faut déjà commencer petit mais c’est encore pire car il n’y a rien qui se fait, zéro. On a répertorié 5 Supercross hors championnat. Dans tous les pilotes qui ont de l’expérience, aucun n’a envie d’organiser un petit Supercross clean, propre. Il faudrait que tout le monde soit réglo avec soi-même.

Image: SX Tour / MX July

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Que fait la fédération ? Est-ce qu’elle s’investit pour aider JLFO dans l’organisation du championnat de France de Supercross ? J’entends le discours, mais j’ai du mal à croire qu’on puisse attendre que certains pilotes organisent des épreuves.

Non, JLFO est seul au monde. La fédération a un barème pour les inscriptions, on passe par le même circuit qu’un Elite. Il n’y a pas d’aide de la fédération; c’est même très difficile pour nous. Pour mettre Agen au calendrier 2024, ça a été l’enfer. Le plus gros problème pour nous, c’est de réussir à nous imposer auprès de la fédération dans le calendrier Motocross. Là, il a fallu faire un gros tour de table à Paris avec la FFM pour trouver une date en Juin pour Agen. Ernée a bien voulu bouger, deux trois autres clubs aussi, mais c’était lourd et il a fallu taper du poing sur la table.

Bien entendu, ce n’est pas aux pilotes d’organiser les Supercross, c’est plus par rapport aux critiques qui sont parfois faites. Du côté des anciens pilotes, personne ne s’est rapproché de nous pour savoir comment ça marchait, combien ça coutait et pourtant, ça aurait été avec plaisir. Avant que Cédric [Lucas] ne travaille avec nous, il a organisé un Supercross à Agen et un à Montpellier. Malheureusement pour lui, il va mettre des années à payer ce qu’il a perdu en organisant Montpellier et inévitablement, personne n’a envie de prendre ce risque. Il ne faut pas oublier ce facteur-là.

Il faut aussi prendre en compte qu’il y a des éducateurs de la fédération dans beaucoup de clubs en France, mais ils ne s’occupent pas du Supercross. Tout le monde prône le Motocross ou le sable car c’est à la mode, ça génère aussi beaucoup d’argent car de nombreux pilotes s’inscrivent. Si demain, le Supercross générait 300 inscriptions à 120€, ça changerait la musique; on n’en est pas là. Le Supercross est là pour faire ressortir l’Elite de la discipline, contrairement au sable sur lequel on peut s’inscrire pour faire deux tours au Touquet, tout en se disant qu’on essaiera d’en faire trois l’année d’après.

Dans un premier temps et avant de parler du côté JLFO, qu’est-ce que les pilotes peuvent faire pour s’aider eux-mêmes ?

Peut-être que les pilotes pourraient – et chose qu’ils ne font pas beaucoup – trouver des partenaires de leur côté aussi. Si les pilotes du SX Tour amènent leurs partenaires dans le stade de Clermont Ferrand, les gars seront séduits. Ce travail n’est peut-être pas fait, ou pas très bien fait. Calvin Fonvieille – qui est le seul pilote à m’avoir appelé pour me remercier de cette saison – reconnaît que la saison 2023 était top, mais aussi qu’il n’est pas très bon quand vient le moment de chercher des partenaires.

Nous, aujourd’hui, on met en place une scène pour les pilotes. Clermont, Paris mais pas que. Il y a Saint Thibery qui a fait d’énormes travaux pour accueillir les spectateurs dans de bonnes conditions; ils ont fait quelque chose de très bien. Brienon est une valeur sûre grâce aux spectateurs, et il peut s’améliorer un peu chaque année car il y a du monde qui vient, on est sur du 8.000 ou 10.000 entrées sur un soir. Il a les petits nouveaux avec Saint Georges de Montaigu, ils font aussi du monde, on parle de 4.000 ou 5.000 spectateurs, c’est excellent.

Là, on était à Grenoble après 8 ans d’arrêt et on fait 8.000 spectateurs sur les deux soirs. Si on prend un Supercross comme Lyon, ça représente des petits coûts de location par rapport à l’Arena de Paris. Pourtant, on parle de budget aux alentours des 400.000€. Lyon, c’est 5.000 spectateurs par soir donc on table sur 10.000 spectateurs avec un guichet fermé le samedi. Paris a bien scoré aussi; on ne peut pas se plaindre. Le côté positif est là.

Côté négatif, c’est plutôt le manque de pilotes. Tous les ans, on perd ce que j’appelle les vieux rhinocéros. On a perdu les Izoird, les Coulon, les Teillet, Aubin, un paquet de pilotes sont partis et on a du mal à renouveler. Pourquoi ? Dans les années folles, les années 90′, il y avait 45 épreuves estivales et 200 pilotes. Aujourd’hui, on compte seulement 4 ou 5 Supercross estivaux et 40 pilotes. Le SX Tour supporte tout le Supercross Français.

Ce qui me gêne dans le discours des pilotes, c’est que tout est raccroché au championnat. Est-ce qu’ils ont le plaisir de rouler ? Est-ce qu’ils s’entraînent ? Ils ne parlent pas de leur terrain d’entraînement. Si c’est pour venir sur le championnat de France pour gagner de l’argent, ce n’est pas la bonne solution. On peut gagner un peu d’argent, mais il faut arriver avec un bon bagage technique.

Image: SX Tour / MX July

Voilà 35 ans que tu t’occupes du SX Tour. Comment ton travail a-t-il évolué ces dernières années et quels sont les nouveaux défis ?

Le nouveau défi, c’est de trouver les salles. C’est purement technique. On ne peut pas attirer autant de monde dans les salles sans Freestyle et ça a tout chamboulé. Il n’y a pas beaucoup de salles en France avec un plafond à plus de 14m de haut. Par exemple, à Amneville, Pages n’avait pas osé faire le double backflip parce que le plafond était à 13m. De fait, ça minimise sérieusement le nombre de salles.

Dans les années folles du Supercross en France, on pouvait rouler dans les parc-expo avec des hauteurs sous plafond de 9, 12 mètres. On montait des tribunes, on avait de gros partenaires aussi, 8 fois plus que maintenant. Voilà pourquoi on se retrouve dans des salles comme Lyon ou Grenoble aujourd’hui, où les tribunes sont déjà montées et avec des hauteurs de plafond qui acceptent le Freestyle.

Il a également fallu concevoir une grosse réception pour le Freestyle, il n’était plus question de rentrer autant de terre dans les salles et il a fallu s’organiser. Ça nous a chamboulés, mais ça nous a aussi arrangés. Ça nous coûte finalement moins cher de louer un palais des sports que ça nous coûtait d’organiser une épreuve dans un parc-expo dans lequel il fallait monter des tribunes. Finalement, on a plus de monde aujourd’hui dans les salles, que dans les années où il y avait un plateau de malade avec des Pichon, Demaria … On faisait péniblement 1.500 à 2.000 entrées sur l’ensemble des hall, avec des samedi plein, mais on ramait quand même il ne faut pas l’oublier. Je me dois de reconnaître qu’en règle générale, les stades font le plein sur le SX Tour de nos jours.

Les problématiques soulevées par les pilotes dans les années 90 étaient elles les mêmes qu’aujourd’hui ?

Non, parce qu’il y avait la reconnaissance de l’existence de ce championnat, qui était unique. Il y avait le SX US, et le championnat Français.

Je vais répondre à certaines remarques. On entend “les pilotes 125 n’ont que 4 épreuves au calendrier”. À l’époque, les Pichon, Demaria, Bolley, Vialle et consorts n’avaient que 4 épreuves aussi, c’était pendant l’hiver, il n’y avait pas d’épreuves estivales. La différence, c’est qu’il y avait 12 grands prix à l’époque et aujourd’hui, il y en a 20. Les intersaisons étaient longues et du coup pour eux, le Supercross était bienvenu. Il y avait aussi un peu plus de complicité, les primes étaient tout à fait convenables pour l’époque aussi. Les pilotes n’avaient pas vraiment l’habitude de gagner autant d’argent sur les courses dans le temps.

La plupart des pilotes interrogés me disent qu’ils peuvent discuter avec vous, mais qu’on leur explique à chaque fois pourquoi c’est comme ça, pourquoi ça ne peut pas changer. On n’a pourtant pas les mains liées chez JLFO ? On parle des primes, du format, des règlements, de l’écoute … Ces sujets là doivent remonter auprès de l’organisateur.

Qu’est-ce qu’ils veulent changer ? On n’a pas de propositions des pilotes. Je n’ai pas vu d’améliorations proposées si ce n’est le nerf de la guerre qui reste la paie.

Les règlements sportifs ne nous regardent pas, on garde une oreille attentive tout de même, mais c’est à la Fédération de faire appliquer les règlements. Un drapeau jaune agité ou pas assez agité, un gars qui saute ou pas … Ça prend beaucoup de temps lors des briefings et de ce côté-là, ce serait bien que la Fédération accélère la cadence et prenne des décisions immédiates car on a notre lot de polémiques dans ce domaine.

Améliorer les pistes ? Les salles font les dimensions qu’elles font et les pistes sont ce qu’elles sont. J’ai vu le mondial de Supercross à Abu Dhabi, je n’ai pas envie de faire ce genre de piste. C’est toujours mieux ailleurs … Il y avait des barrières heras métalliques dans les extérieurs de virage et personne n’a râlé. Si je fais ça en France, je me fais pourrir. On accepte probablement plus de choses à l’extérieur que chez nous; mais c’est normal.

Image: SX Tour / MX July

Sur les championnats de France, il y a des subventions des collectivités, des départements, des territoires, de la Fédération, et tout ce qu’on veut. Pas sur le SX Tour ?

Les collectivités aident les clubs. On n’est pas un club et toute la différence est là. Quand Ernée organise le mondial, les Nations ou l’Elite, ils ont une subvention car c’est un motoclub, une association à but non lucratif. Nous, on est une société et on fait appel a un club car on a besoin d’eux pour fournir les commissaires et organiser l’accueil des pilotes.

Tu sais et on le voit bien, aucun club en France ne voudrait investir autant d’argent sur un produit éphémère. Lyon, Grenoble, zéro subventions. Ce sont des villes écolos en plus. Grenoble avait le droit d’organiser s’il y avait une moto électrique en piste, c’était le deal.

Effectivement, le Supercross, ça brille un peu plus du point de vue des spectateurs qu’une course de sable car on est dans une salle; c’est un spectacle à l’origine. Mais quand tu vas sur le sable, ce sont les pilotes qui paient les épreuves. Un engagement au Touquet, c’est du 300€ ? Pour ça, on a des pilotes qui s’entraînent à gogo et certains ne feront qu’un tour avant de s’arrêter après avoir ruiné leur moto. Vraiment, on marche sur la tête.

Tu pointais du doigt qu’on était passé de 45 Supercross par an à 5 – hors championnat – en quelques dizaines d’années. C’est dû à quoi ? 

À l’engouement général. Si on veut pointer du doigt la fédération – sans parler d’argent – on pourrait demander pourquoi on n’a pas un ou deux éducateurs branchés Supercross ?

Dans ton enquête, as-tu appelé notre ancien champion Junior, Mathis Valin ? Il y a 4 épreuves pour les Juniors, c’est déjà pas mal. On peut en faire 6 ou 8, ce n’est pas pour ça qu’on aura plus de pilotes; il ne faut pas rêver. Mathis Valin, personne ne savait qui c’était il y a quelque temps … Il est venu sur le SX Tour avec Teillet, il a été champion Junior avant de faire un hiver extraordinaire et de connaître une évolution incroyable. Il a eu la saison qu’on lui connaît en Europe et mondial 125 avant de rejoindre Bud Racing Kawasaki qui est un team Français quand même branché Supercross. Pourquoi on ne l’a pas vu cet hiver ? J’ai demandé à Stéphane [Dassé], mais Mathis ne peut pas … Mathis doit faire du chrono pendant 6 mois, tester ci, tester ça …

On parlait de plaisir, de rêve. Tu peux demander à Méo, à Nambotin, à Renet qui ont fait beaucoup de Supercross et qui ont été champions d’Enduro. Ils se défoulaient en Supercross, ils s’éclataient, il faisaient autre chose que rouler 45 minutes dans la boue. Les Demaria, Pichon, ils leur tannaient d’arriver sur le Supercross, de mettre la moto de cross au fond du garage et de passer à quelque chose de novateur qui leur permettait de se perfectionner.

S’il y a si peu d’épreuves, et tu vas probablement me dire d’aller demander à Josse … Pourquoi ne pas avoir fait une association entre le SX Tour et le Pro Hexis ?

Nous, on est là. Josse, je lui ai proposé. Ça ferait des épreuves en plus. Avec Cédric, on comptait les Supercross prévus en 2024. Le Pro Hexis prévoit une épreuve. Pourquoi une ? Il faut demander à Josse mais j’ai envie de te dire qu’il a été au bout aussi, il a tout tenté; les pilotes étaient pourtant payés correctement.

Regarde le championnat du monde, c’est bidon. Ken Roczen ne vient pas chercher un titre, il vient chercher de l’argent. Sur le championnat Américain, il n’y a pas de primes de départ et tout le monde est présent quand même. Appeler ça un championnat du monde, c’est bien beau car même si tu es bon, si tu n’es pas dans un team, tu restes chez toi. Beaucoup de choses sont faussées et les jeunes pilotes ne comprennent plus. Je comprends ce type de réactions quand je vois le sommes distribuées sur le championnat WSX mais ça ne pourra pas durer, je n’y crois pas. Ils annonçaient 8 épreuves, puis 5, et on a terminé à 3. Ils vont proposer quoi l’an prochain ? Ce n’est pas rentable.

Rappelle-toi ce Supercross en Allemagne dans le sable, avec un plateau de folie. Il y avait Febvre, Herlings, Dungey & compagnie. Il y a eu 5.000 spectateurs, plié, terminé, retour à la maison. Luongo pourrait t’en parler. Aujourd’hui on dit “quand les salles font de l’argent, il faut redistribuer”. Il ne faut pas regarder que la colonne des recettes. Tu fais de l’argent pour boucher la colonne dépenses, et si tu y arrives, tu fais un gros ouf.

Image: SX Tour / MX July

La nouvelle génération se spécialise, finalement. On choisit un cursus Motocross avec l’Europe et éventuellement le mondial ou sinon, on part sur le SX assez tôt mais on se dit qu’on restera probablement sur un programme national.

On a devant nous le Peterhansel de l’époque, il score en ce moment, il contredit toutes les données. Anthony Bourdon. Il fait de l’Enduro, du sable, du Motocross, du Supercross, 250 et 450. C’est un extra-terrestre Anthony ? Non. Il double Vialle dans les whoops à Paris, il score un podium … Je ne suis pas bien placé car j’ai 63 balais et à mon époque, j’envoyais balader les vieux qui me donnaient des leçons. Ceci dit, et à un moment donné, il faut dire les choses.

Aujourd’hui, le terrain de jeu existe. Changer, mais changer quoi ? Quand on loue le Palais des sports de Lyon, qu’on fait complet, qu’on connaît cette finale de dingue avec Aranda. M*rde, c’est quand même pas mal, non … ? La liste des primes ? Oui, on peut toujours faire mieux mais ça changerait quoi ? Le budget pour les organisateurs sera encore plus élevé et ça mettra un coup de frein car ces frais seront d’autant plus difficiles à couvrir, comme tous les autres frais qui augmentent. La mouvance aujourd’hui, c’est que tout a augmenté et on y est passés aussi; on parle de 20 à 25% de plus pour organiser un Supercross éphémère. Les Motocross s’en sortent car la tour de contrôle, les barrières et tout ce qui va bien est là depuis 10 ans. En Supercross, il faut tout construire.

Ce discours, il te laisse à penser qu’on en sera où dans 5 ans, dans 10 ans ?

Ça, on y travaille. Une petite lumière s’allume quand même car au bout d’un moment, qui pourra se payer un aller/retour en Suède où en Finlande face à la conjoncture ? Il va bien falloir qu’il y ait un retour aux sources.

En France, le haut niveau a toujours existé et ce qui a changé, c’est le niveau moyen. Le bas niveau est équivalent à ce qu’il se faisait avant, le haut niveau est relativement similaire à ce qu’on avait par le passé, même s’il nous manque deux ou trois acteurs mais le niveau moyen a fortement baissé. Aujourd’hui, on fait de la moto comme on descend une piste de ski avec les copains, puis on s’arrête boire un coup.

J’ouvre le circuit de Reygades à l’entraînement. Tu as des pilotes qui font 2 tours, qui s’arrêtent discuter, qui refont 3 tours. C’est différent. À l’époque, le mec qui faisait la ligue allait s’enquiller 15 minutes à fond, il faisait de la caisse. Ça, c’est fini. On est passé au Motocross plaisir. Quand les jeunes débarquent à Paris ou à Lyon, je suis inquiet de constater que ça ne les fait plus forcément rêver.

Il y a des doubles soirées en Indoor, ce qui limite les déplacements et devient plus intéressant économiquement parlant pour les pilotes. Passer à un format double soirée sur l’outdoor – et donc sur tout le championnat SX Tour – c’est envisageable ?

Impossible. On n’a pas la capacité de remplir deux soirées de suite sur les épreuves outdoor. Un évènement Indoor coûte tellement cher à organiser qu’il vaut mieux le faire sur deux soirs. Bercy le faisait sur 4 soirs à l’époque, avant de passer à 3 soirs puis désormais, 2 soirs. Barcelone, on le faisait sur un soir car on avait 15.000 places !

S’il passe sur deux soirs, Fred Sandouly va faire un samedi plein, mais s’il organise aussi le vendredi il aura les mêmes frais que le samedi pour faire quoi, 4.000 spectateurs ? Ce n’est pas possible. C’est compliqué d’organiser un vendredi soir, les gens sortent le samedi. On le fait sur deux soirs par force. Lyon et Grenoble, ce sont des salles qui sont petites donc ça se remplit plus facilement. À Amneville à l’époque, je le faisais car j’en avais besoin. Même en faisant 2.500 spectateurs par soir, j’étais content.

Image: SX Tour / MX July

Comment on explique une aussi grosse différence des primes en SX2 et en SX1. Le vainqueur d’une finale SX2 prend moins que le cinquième d’une finale SX1.

Et moi, je vais te demander pourquoi Desprey et Lefrançois sont redescendus dans ce cas là. C’est historique de voir des pilotes 450 redescendre en 250. On l’a accepté; il y avait une règle d’âge dans le temps, elle a disparu.

La difficulté, c’est que la catégorie 125 2 temps de l’époque a été remplacée par la catégorie 250 4 temps. Avant, on voyait un Pichon débarquer sur le Supercross à 15 ans, il venait chercher de la notoriété plus que de l’argent. Le but était d’avoir un bon guidon par la suite, c’était primordial. Au même titre qu’un jeune qui fait le cadet ou le junior qui va chercher de la reconnaissance, plus que de l’argent. En bref, on est passé de deux catégories – 125 & 250 – à trois catégories – 125, 250 et 450.

Cette différence dans les primes a toujours existé car il y a la catégorie reine; la catégorie 250 est faite pour accueillir les jeunes. Thomas Do, Irsuti et consorts sont là depuis des années et je peux comprendre qu’ils crient famine. Maintenant, j’ai envie de leur dire que je n’ai jamais empêché personne de monter en 450. Le 250 est la porte d’entrée, même si je peux comprendre que vu le plateau qu’on a aujourd’hui, ça coince.

En prenant le nombre d’engagements sur la saison – SX1 & SX2 – les pilotes ont versé un peu plus de 21.000€ en frais d’engagement. On est en mesure de savoir quelle est la répartition de ces sommes ? À une époque, ils ne payaient pas pour rouler sur l’Indoor. Là, certains considèrent qu’ils paient pour faire le show.

Je ne saurais pas te dire la part qui revient à la Fédération ou aux clubs, et ce serait bien tu appelles la Fédération pour leur poser des questions. En tout cas, il n’y a rien qui revient à JLFO. On a surtout mis un billet de 4.000€ en fin d’année pour récompenser le champion SX2 et les 3 premiers du SX1. On mettait plus d’argent sur ces primes là auparavant car Genève participait ardument à ces primes de fin d’année, c’était un deal qu’on avait avec eux.

Faire payer l’engagement, c’est tout con, mais c’est aussi pour s’assurer que les pilotes tiennent leurs engagements, justement. Si tu ne paies pas … tu viens, tu ne viens pas, ça change quoi ? C’est un énorme problème pour nous car on ne sait jamais qui sera réellement présent. Le gars est inscrit sur engagé-sport mais il ne vient pas. C’est une punition pour nous. Certains pilotes ont encore payé juste avant Lyon, on était complet, et pourtant en prenant la liste des pilotes on savait qui ne viendrait pas. C’est pour ça que quand Didier Vuillemin m’a demandé s’il pouvait venir avec un pilote 125… puis 2 … puis 3…. Je lui ai dit de tous les faire venir. Quand tu es organisateur aujourd’hui, comment tu fais si tu te retrouves avec 10 pilotes le jour J?

Quand on sort du top 5 en France, on entend assez vite dire qu’il est plus rentable d’aller sur l’ADAC. On a l’impression que les Allemands organisent un championnat de France bis, mais chez eux. Comment on explique ce genre de discours ?

Le championnat de France de Supercross est une façon de se faire connaître pour rouler sur l’ADAC. Si tu ne fais pas le SX Tour aujourd’hui, tu ne fais pas l’ADAC. Quand il y avait l’Arenacross en Angleterre, le promoteur Anglais prenait le classement SX Tour pour choisir ses pilotes, c’est pareil en Allemagne. Je suis ravi pour les pilotes du SX Tour, qu’ils puissent être choisis par des teams et appuyés par un budget fédéral. Tu fais un Supercross en Allemagne aujourd’hui, aucun Allemand ne roule et pourtant, ils ont un grand frère nommé Ken Roczen et ça aurait pu générer une relève, non ?

J’ai envie de dire tant mieux, le championnat de France est fait pour ça. Je suis de l’école des cross inter’ de l’époque. Il y avait des primes de départ, je mangeais grâce à ça. On me proposait ces primes en fonction de ma position dans le classement. L’année où j’ai été champion de France, mes primes de départ ont grimpé. C’est pareil en Allemagne.

J’aimerais qu’il y ait des Supercross en Allemagne, en Italie, en Espagne, et que les pilotes Français y soient et remercient le championnat de France car ce championnat leur donne une certaine notoriété, et permet ensuite à des teams – comme en Allemagne – de les prendre pour rouler. On parle de l’Inde en ce moment; ils vont prendre qui ? Ils vont vouloir avoir le champion SX Tour, le vice-champion, c’est ça le constat. Le SX Tour te permet de rentrer dans un classement, qui doit par la suite te faire bénéficier de primes ou d’autres opportunités. Tu sais, si je fais des Supercross sur invitation comme ils le font en Allemagne, qui va faire rentrer des pilotes ? S’ils veulent continuer à avoir des pilotes là-bas, il va bien falloir que ce soit nous qui les fabriquions en France. Nous, on pourrait faire un ou deux gros Supercross par an pour prendre des ronds et s’en foutre de l’avenir mais ce n’est pas le cas. Si on se fichait de l’avenir, on ne serait pas là aujourd’hui.

Image: SX Tour / MX July

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Alors remettons l’église au milieu du village. Quand on parle de 10.000 spectateurs à Lyon avec un ticket moyen autour de 50€, on comprend que le pilote puisse se dire qu’on fait déjà rentrer près d’un demi million rien qu’en billetterie. Ça ressemble à quoi, le bilan comptable de JLFO sur une épreuve sur le SX Tour.

Aujourd’hui, JLFO ne fait pas un centime sur la billetterie. On arrive avec une prestation, c’est à la carte. On ne cache rien, on est autour de 8.000 à 10.000€ pour notre prestation. Avec ça, on paie une prod’ et tous les frais inhérents à l’organisation d’une épreuve du SX Tour.

Nous ne sommes pas producteurs de Supercross. Producteur, je l’ai été lors des 9 premières années car j’arrivais avec Phillips, Chesterfield, Yamaha, Riz la croix et on prenait 40% sur les recettes mais on amenait quasiment tout. Depuis bien longtemps, JLFO arrive avec un savoir-faire et propose des prestations. Si l’organisateur veut du Freestyle, il loue la structure pour la bosse de freestyle. S’il a besoin d’une grille de départ, il la loue également. Etcétéra, etcétéra. Quand tu as payé la prod, Cédric pour la piste, mon frère qui fait les dossiers de presse, Matthieu qui est en surveillance permanente, ça va vite.

On se paye avec quoi ? Avec un peu de partenaires, même si on rame un peu plus. En Indoor, et au même titre qu’ils louent la grosse bosse, ils louent aussi les services de JLFO pour tracer une piste. À Brienon par exemple, la piste existe. Cédric passe deux jours à remettre le circuit en état, il y a un tarif à la journée pour ça. Ce n’est pas au petit bonheur la chance. Au même titre que la fédération prend une prestation aux clubs, on fait de même, mais on n’arrive pas les mains vides.

On en parlait plus haut. Est-ce qu’on en mesure de calculer le coût de la partie FMX ainsi que ses retombées ? À Lyon, il y avait 4 Freestyler, et pas des moindres.

Le FMX, c’est le public qui l’a réclamé. C’est né à Amneville quand Manu Troux, qui ne s’est pas qualifié dans le dernier repêchage, a fait un tour d’honneur en lâchant les mains et les pieds sur les sauts; tout le monde était debout dans les tribunes. La Fédération l’a mis dehors et voulait lui mettre une amende pour avoir fait le clown. On s’est tous dit qu’il y avait quelque chose … De là, et à la fin de chaque Supercross, on filait un billet à Serge Guidetty pour qu’il fasse deux ou trois figures. Ça s’est installé comme ça. On se servait de la plus grosse bosse du circuit pour se réceptionner mais au bout d’un moment, ça ne suffisait plus. Il en fallait une plus haute, il fallait plus de terre, on a dit stop à la terre et on a construit cette structure qu’on connaît bien pour gagner du temps car on n’a que deux jours pour tout faire. Les différentes rampes sont arrivées ensuite. Aujourd’hui, un Supercross sans Freestyle ? On sait que ce n’est pas possible.

Je vais reprendre l’exemple de Sandouly. Tu montes un Supercross à Clermont Ferrand. À l’ouverture de la billetterie, tu auras 3.000 places qui vont se vendre de suite; les passionnés comme toi et moi. Mais après ? Il faut aller les chercher les 12.000 autres, qui n’ont jamais vu un Supercross.

À Lyon, il y a des prestations VIP avec des gens qui payent 150€. On leur fait faire la visite de la piste et à chaque fois, je leur demande combien ont déjà vu un Supercross. Sur 50, 4 ou 5 lèvent la main. Je dois leur expliquer ce que c’est, ils prennent les whoops en photo. Pour que ces gens-là prennent un billet à 150€, c’est vraiment du boulot. Pour vendre une place à 150€, il faut que le mec ait une place de parking, deux entractes avec ses petits fours et une coupe de champagne qu’il partagera avec un partenaire qui est venu là par hasard sans connaître la moto. De là, il en prendra plein les yeux avec le freestyle.

Regarde le nombre de gamins qui viennent aujourd’hui. Ils sont séduits avec le Freestyle. Un gamin n’a pas le permis, il faut qu’il vienne avec son grand frère, son père, sa grand mère … ça fait des entrées en plus; on est sensible à ça. Le Freestyle te permet de finir de remplir ta salle. Quand Sandouly lance son Supercross au mois de Janvier – pour Juin – il a une colonne dépenses de 400.000€ et il travaille tous les jours pour vendre des billets. C’est un travail de titan; c’est la vérité, et c’est impossible de faire ça pendant 20 ans.

Est-ce qu’on peut revenir sur l’épisode SX Tour à Paris ? J’ai cru comprendre que c’était en grande partie grâce à JLFO que le SX Tour a pu être au programme de cette édition.

On a quand même de bonnes connexions avec Xavier Audouard. Ce n’est pas uniquement grâce à nous. Xavier sait que s’il y a de bons pilotes de Supercross en France, c’est aussi parce que notre championnat existe. Il nous a toujours appuyé et filé un coup de main quand on en a eu besoin. Le problème qu’a Xavier et que personne ne veut entendre, c’est la place.

Les pilotes disent qu’il suffit de virer les gros camions.. Mais les gros camions ne rentrent pas gratuitement. Il ne faut pas croire que Bud, CBO et compagnie s’installent-là comme ça. Il y a un vrai package commercial derrière tout ça. Pourquoi on ne prend que 12 pilotes SX Tour alors que la grille fait 16 places ? Pourquoi on ne prend que les 6 meilleurs SX2 pour la soirée ? Car la catégorie 250 s’est transformée en inter’ avec  Shimoda, Vialle et les quelques ricains. Avant, il y avait une catégorie inter’ 450 et désormais, on a aussi une catégorie inter’ 250 et subitement, on ne s’y retrouve plus et ça devient très vite compliqué à gérer au niveau des classements, des podiums …

Pour finir, on entend dire que les pilotes du SX Tour ont roulé sans spectateurs ? C’est faux. Il y avait quand même 6.000 personnes dans les tribunes quand ils ont roulé. C’est toute la tribune MV, les gens qui ont souhaité voir les essais, qui ont pris le pack adéquat et qui ont pu voir le SX Tour, sur deux soirs ça représente plus de 10.000 personnes.

Image: SX Tour / MX July

Dans ce sujet, les pilotes ont souvent mis en avant l’absence de la catégorie 85cc en Supercross, et le nombre d’épreuves limitées pour les Juniors; ce qui n’encourage pas à se lancer dans une préparation dès le plus jeune âge. Comment on la fait venir, cette relève ?

On l’a fait, le 85cc . Le problème, et on a des exemples, c’est qu’à chaque fois qu’un pilote roulait correctement en Supercross, les teams nous les ont accaparés. Ils leur ont filé deux motos à l’année et surtout, il y avait une ligne qui stipulait qu’ils ne devaient plus faire de Supercross en bas du contrat. Le pilote se retrouve à accepter un contrat parce qu’il doit faire quelque chose de Janvier à Juin, parce qu’il lui faut des motos, et voilà. Tu peux sortir qui tu veux, si le pilote n’a pas une certaine force de caractère … à l’image d’un Vuillemin, Pichon, Tortelli qui avaient le rêve Américain et qui ont franchi l’Atlantique pour aller performer.

Aujourd’hui, les mecs n’ont plus ce rêve Américain ou de très loin, ils veulent rentrer dans un team mais il y a combien d’élus ? Est-ce que certains n’auraient pas mieux faire d’allier les deux disciplines, et de faire du Supercross aussi en l’intégrant dans leur contrat ? On offre un circuit qui n’est pas démesuré et qui s’insère dans le programme de tout à chacun. Quand tu termines 5ème du CFS, tu repars avec quelle paye le soir ? Le cinquième du Touquet il a quoi ? C’est un investissement financier énorme, un investissement en temps énorme également, ce sont des gros sacrifices pour quoi ? Quand tu fais 4 ou 5 au SX Tour, tu gagnes quoi ? Un peu d’argent, et ta moto ne rentre pas dans le même état dans le camion en fin de soirée… Aujourd’hui, tu vas chercher de la notoriété sur le Touquet, oui, mais quoi d’autre ? J’espère que ça peut générer des partenaires derrière. Notre sport souffre de ça, on n’a pas une visibilité extra-ordinaire sur les motos mais c’est un autre dossier. Si tu as un beau camion, un bel auvent, ça permet de te faire voir et de mettre en avant tes partenaires. Si tu peux les inviter à boire une petite coupe de champagne sous l’auvent du team, ils ont l’impression d’en faire partie et il y aura peut-être des retombées.

Sauf qu’en championnat de France de Supercross, quel team qui se déplace réellement, sinon GSM Yamaha avec sa structure ?

Pour moi, il y en a 4 et je me tourne souvent vers eux quand on parle d’avenir. Je me tourne vers Guidetty, vers Sallefranque, vers Dassé et Teillet qui sont tous branchés Supercross. Je me demande encore pourquoi à côté de leur structure, ils n’ont pas un petit jeune en 125 – ou deux. Même s’ils ne payent pas les motos, ce n’est pas ce que je leur demande. Mais ils pourraient leur faire bénéficier de conseils de grands frères. Aranda, c’est un grand frère pour nos jeunes pilotes, Cédric Soubeyras est un grand frère avec Jules Piètre, c’est un très bon exemple ! L’association donne quelque chose quand même !

Une catégorie Junior à toutes les courses, et donc sur l’indoor, ce serait quelque chose de viable ?

Dans un avenir proche, oui. Il faudra voir avec la Fédération. On a une réunion le 18 décembre avec la FFM et j’espère qu’on aura le temps d’aborder tous les points. Nous, il faut qu’on prenne un virage et ce virage est là pour faire rouler les pilotes 125 sur le championnat de France. Si, et c’est bien parti pour, on doit avoir 4 épreuves outdoor, on pourra quand même accueillir les 125 sur ces 4 épreuves là. Après, c’est il y a ce problème de place mais c’est à travailler. Il faut comprendre que si on fait rentrer les pilotes 125, ce sera surement au détriment de pilotes 250 car il n’y aura pas de la place pour tout le monde. Il faut du FMX, des fins d’épreuve à 23h, des petits jeunes, trouver plus de place, de meilleures primes, faire rouler les pilotes devant le public … ça devient difficile de répondre à tout le monde. Il ne faut pas croire mais si on est encore debout après 35 ans, c’est qu’on a été attentif à tout ça. Le problème, c’est que le paysage des Supercross en France n’est pas terrible de nos jours.

L’exemple des Suisse en est un bon. On a eu des Suisse qui roulaient bien en Supercross: Pasquier, Ristori. Pourquoi ? Parce que chaque année, il y avait ce Supercross de Genève et c’était important pour eux, ils voulaient bien figurer à Genève. Si demain, on a un beau Supercross en Bretagne, ça générera l’envie de rouler aux petits Bretons. Pareil dans l’Est, ça peut donner vocation à certains pilotes. On parle de terrains d’entraînement, mais il faut des épreuves. La piste d’entraînement vient après. Le pilote voit une épreuve, ça lui donne envie, il rentre à la maison et il loue un tractopelle pour faire des whoops … C’est ce qu’on faisait à l’époque, on était complètement envahi par le truc. Dans les années 90′, il y avait 45 Supercross et ça générait des envies, et donc des pilotes.

Est ce qu’on a prévu de faire quelque chose pour imposer une limite d’éligibilité à la catégorie 250 sur le SX Tour, par l’âge, le palmarès, ou autre ?

J’étais sûr que tu allais me demander ça. Oui, on va bien évidemment regarder ça mais je n’ai pas les clefs, c’est aussi un point à voir avec la Fédération. Chacun son rôle. Ça, ça fait partie du règlement mais on va se pencher là-dessus. On essaye toujours d’accorder nos violons, et d’aller dans l’intérêt du sport. Avant on ne pouvait pas redescendre, maintenant on peut. Il y a eu des demandes de pilotes, la catégorie 250 qui se retrouvait un peu faible et on l’a relevée avec un Desprey. Manque de pot, ça l’a beaucoup trop relevée … Quelques pilotes se sont blessés, on a eu un Fonvieille qui s’est cassé les deux poignets l’an dernier et qui revient petit à petit, un Irsuti qui se fait mal cette année, etc. On n’a pas vraiment vu de jeunes rentrer dans la catégorie. Irsuti et Fonvieille sont là depuis quelques années, Thomas Do pareil. On ne voit pas les petits jeunes arriver. On a perdu un Roussaly qui est parti en Enduro; on est dans une période qui n’est pas évidente mais il faut parfois passer par là. Je reste optimiste. Si les 125 veulent bien se tourner vers nous, on va y arriver. J’espère que ce que fait Piètre en ce moment va générer des envies.

Image: SX Tour / MX July

Pourquoi on est en mesure d’avoir des live des épreuves en Italie, Allemagne, Angleterre, Espagne … et pas en France?

Et ça nous avancerait à quoi, nous ? On a besoin de spectateurs, les sports souffrent de ça. Le live, ça coûte très cher et au final, il faut le financer. Aujourd’hui, je ne suis absolument jamais sollicité par une chaîne de sport et c’est anormal. Ce serait encore rajouter un budget supplémentaire. Si j’arrive vers un organisateur en lui disant “Salut, c’est JLFO, je fais du live maintenant mais il faut rajouter tant” on va me répondre de garder mon live, qu’on veut remplir les salles d’abord. On a cartonné cette année au niveau des vues sur les plateformes, quand je montre ça aux partenaires et que je leur demande s’ils sont prêts à filer un petit billet de plus pour 2024 ils me répondent “on va faire comme cette année, c’est déjà bien”. 

Cédric Lucas avait fait un live avec Maxime Martin à Montpellier, et il cherchait des spectateurs en fin de week-end. Il s’est dit que s’il n’avait pas fait de live mais avait fait venir des spectateurs à la place, ça l’aurait bien aidé. On en est là aussi dans notre sport. Je vois très bien ce que tu veux dire, mais il faudrait réussir à répéter ces live six ou sept fois par an. Tu es dans le métier, donc tu imagines ce que ça peut coûter.

Pour conclure, quelles sont les évolutions qu’on peut espérer entrevoir pour la suite ?

Pour le moment, le problème reste la fréquentation des pilotes. On propose quelque chose de propre, avec une paie, et les pilotes ne viennent pas. On est moins à la mode qu’avant, mais la mode va peut-être tourner. Heureusement, on a quelques pilotes Français qui sont encore présents aux USA même s’ils sont très peu nombreux. Ferrandis, Musquin, Vialle … Tant qu’il y en aura toujours un là-bas, le rêve peut redémarrer.

Les salles existent. On aimerait des salles plus grandes, oui. J’aimerais retourner à Genève, à Barcelone, j’aimerais trouver une grosse salle en France mais il n’en existe pas beaucoup, voir pas du tout. Le point d’orgue, ce sont les pilotes. On va faire un vrai tour de table; on n’a pas besoin de trouver 50 pilotes. On se doit de rentrer un pack de 10/12 pilotes de plus, en formation pendant 2 ou 3 ans, pour pouvoir continuer et écrire la suite. Le bas blesse à ce niveau-là, mais pour le moment les spectateurs ne s’en rendent pas encore compte car une grille en Supercross n’est constituée que de 12/15 pilotes et les yeux sont rivés sur les 4 ou 5 premiers.

On a une véritable passion pour ce sport et en sachant d’où on vient, en ayant connu les périodes JMB et consorts … Je peux t’assurer que ça me pique sérieusement. Ça ne me démotive pas, mais il faut qu’on trouve des solutions, et on va s’y atteler là. Maintenant, si je rajoute des milliers d’Euros sur le SX Tour demain, je ne pense pas que ça fera la queue devant les stades au niveau des pilotes. La porte est grande ouverte, et à tout le monde. J’ai une très bonne équipe autour de moi, qui y croît, et qui écrira l’histoire de ce championnat de France.

Jean Luc Fouchet “C’est difficile d’organiser une épreuve, il n’y a pas de pitié dans les critiques”
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