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Mathilde Martinez “j’espère être championne de France à nouveau”


Des blessures à répétition avaient écarté Mathilde Martinez du mondial ces dernières saisons, mais la Française revient au plus haut niveau féminin en 2023 avec l’équipe VHR GasGas. Dernière Française a avoir remporté le titre Féminin au niveau National (2018), la pilote de 23 ans multiplie les casquettes pour pouvoir vivre sa passion à 100% après une période de doute. Treizième en Suisse pour la seconde épreuve du mondial féminin, Mathilde Martinez n’est plus très loin de retrouver le top 10 de manche sur le mondial. Micro.

Mathilde. Pour ceux qui se demandent pourquoi on ne t’a plus vu sur le mondial ces dernières saisons, on répond quoi ?

En fait, je me suis fait les croisés gauches en 2019 et de là, j’ai passé six mois en dehors des terrains. Je suis revenue de ma blessure en 2020, j’étais 8ème du mondial après Valkenswaard et le Covid est arrivé. De là, je me suis refait le même genou même pas un an après la première blessure et je suis de nouveau restée 8 mois sur la touche. Je me suis entraînée pendant un mois et demi et pour mon retour en 2021, je me fais une clavicule dès la seconde course du France, j’en avais un peu marre.

On ne gagne pas d’argent en Motocross donc je me posais beaucoup de questions. “Est-ce que je continue ? Comment je vais gagner ma vie ?”. Si j’avais arrêté, j’aurais probablement repris mes études pour faire maîtresse d’école, c’était vraiment mon deuxième plan. J’ai cherché un boulot, j’ai été ATSEM [Agent territorial spécialisé des écoles maternelles] de Janvier à Juin 2022 à Paris. Je suis redescendue chez mes parents par la suite, j’ai travaillé deux mois en boulangerie avant que Bruno Verhaeghe ne m’appelle pour me proposer de travailler pour le team VHR. Du coup, là, c’est moi qui m’occupe de la communication, des factures, des e-mails, de l’organisation et tout ça. De là, j’ai repris la moto. Pendant que je travaillais, je me suis rendu compte de la chance que j’avais de faire de la moto et je savais que c’était là, sur les terrains, que je voulais être.

Une 19ème place pour ouvrir la saison WMX en Sardaigne. Quel bilan on en tire ?

Ça a été hyper compliqué. C’était ma première course après presque deux ans et c’est sûr que je ne m’attendais pas à faire des miracles. Ça a été quand même dur, c’était rude, il faut reprendre le rythme des courses.

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13ème ce week-end en Suisse, tu ne m’as pas l’air très satisfaite mais c’est quand même une belle progression par rapport à la Sardaigne.

Du mieux, beaucoup mieux même. Je suis contente de ma première manche même si je ne fais pas un super départ; j’ai quand même bien roulé, je me suis bien battue. J’ai doublé Amandine, elle m’a re-doublée. On est remonté sur la 10ème, on l’a doublée mais elle m’a reprise à la fin, je n’en pouvais plus, j’étais morte. Franchement, une belle manche, Bruno, moi, et tout le monde, on était très contents. 12ème, c’est bien pour une première course en près de deux ans. Par contre, je ne suis pas du tout satisfaite de cette deuxième manche. Il va falloir que je travaille mes départs car je loupe complètement ma sortie de grille. Je pars 18ème, je reviens 16ème et je lutte longtemps, trop longtemps et je prends un mauvais rythme. Clairement, je n’avançais pas. J’ai fini par trouver un bon rythme et je suis remontée 14ème et de là, j’ai eu un gros mal de bras et je ne pouvais pas en faire plus. Visiblement, j’étais aussi rapide que la 11ème, mais bien trop loin pour pouvoir remonter mieux. Dommage.

Qu’est-ce qu’il te manque pour aller chercher le top 10 en manches, ces fameux départs ?

Le départ, ça change tout. Peut-être qu’il me manque aussi un peu d’intensité au début de course mais si je roule comme je l’ai fait en première manche, je pense que je peux faire un top 10 prochainement; c’est ce que j’espère.

En première manche, tu t’es bien battue avec Amandine Verstappen qui domine le France ces dernières années. C’est quelque chose que tu regardes ? Tu es capable de rouler avec elle, et donc probablement capable d’aller la chercher en France, ce que personne n’arrive à faire depuis quelques saisons.

C’est sûr que c’est motivant. Ça donne envie d’aller la chercher mais Amandine roule très bien. En France, ce ne sont pas du tout les mêmes terrains non plus. En Suisse, on a eu un terrain truffé d’ornières, de trous, compliqué en général et moi, j’aime bien les terrains compliqués. D’ailleurs, j’étais dégoûtée car pour la deuxième manche, il avait été tout refait. Sur le France, on a de petits terrains, il faut partir devant et tout ça mais j’espère pouvoir lui donner du fil à retordre. Je vais faire du mieux que je peux et j’espère être championne de France à nouveau dans les années à venir.

Concrètement, quand on est hors du top 3, voire top 5, sur le WMX, quelles options on a pour vivre dans ce sport ?

Pour ma part et jusqu’à cette année, je comptais sur mes parents pour vivre. Je me suis lancée dans les extensions de cils à côté de la moto car j’avais besoin d’avoir un petit peu d’argent pour être indépendante. Sinon, il n’y a pas vraiment de solutions, il faut travailler à côté, charbonner physiquement, sur la moto, tout faire quoi. Là, en travaillant avec Bruno et le team VHR, j’ai le temps de faire mon sport, d’aller rouler, en plus de faire mes extensions de cils pour avoir des revenus en plus et pouvoir vivre. Je pense que je ne peux rêver meilleure situation actuellement.

Les grilles du France sont complètes à chaque fois et pourtant, on voit assez peu de Françaises se lancer sur le mondial. Evidemment, il y en a plus en ce début d’année et c’est une bonne chose. Pour le reste, c’est dû à quoi selon toi ?

Apparemment, et selon les échos que j’ai de certaines filles, la FFM privilégie plus l’Europe que le mondial. Je pense que le financement ne suit pas vraiment aussi. Il y a peut-être aussi de la peur des pilotes. En Suisse, il y a eu pas mal de Françaises tout de même donc c’est cool. Faire le mondial, c’est une bonne chose, ça pousse vers le haut car ça roule vite. Peut-être que ça leur fait un peu peur, je ne sais pas.

Voir une jeune comme Lotte qui arrive, qui reçoit beaucoup de médiatisation, qui fait beaucoup de bruit, ça fait du bien à ton championnat ?

Oui, forcément, on parle plus du championnat du monde féminin donc ça fait du bien. Après, on ne parle pas trop de Mathilde Martinez [rires]. On ne parle pas assez des Françaises. Dans ce sport, on ne fait pas assez de choses pour les filles. Quand je vois qu’encore une fois, notre championnat n’est pas rattaché à l’Elite, c’est chiant. Mon team fait tout l’Elite, ça arrangerait tout le monde qu’on roule avec les gars de l’Elite et ils peuvent très bien mettre ça en place, c’est juste qu’ils n’en ont pas l’envie.

Le National, c’est cool quand même mais pour nous souvent, c’est la ligue. Je ne critique pas la ligue, loin de là, mais ce serait bien d’être sur l’Elite car on serait beaucoup plus médiatisée. Sur l’Elite, ils ont des vidéos, des médias, des communiqués, alors que nous, on n’a rien du tout. Quand j’ai été championne de France, Cyril Porte était venu nous faire une vidéo, c’était sympa et ça avait pas mal tourné. Il faudrait qu’il y ait plus souvent ça. Les médias, la FFM, il faudrait qu’ils mettent certaines choses en place pour qu’on soit plus mise en avant, plus médiatisées. Une année, on avait fait l’Elite à Iffendic et ça avait très bien collé, donc je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire de nouveau.

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