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My Story: Saad Soulimani


Six, c’est le nombre de pilotes Français qui ont participé à la seconde épreuve de l’Europe 250 le week-end dernier, à Arco Di Trento. Parmi eux, Saad Soulimani. Cette saison et ne faisant pas partie de l’équipe de France, Saad a décidé d’évoluer sous la licence Marocaine pour représenter son pays de cœur. Au guidon de sa 250 YZ du team Ghidinelli Yamaha, Saad est allé décrocher son tout premier top 5 de général à Arco Di trento et repart d’Italie avec la 7ème place provisoire au championnat. Alors que le garçon effectue sa dernière année dans la catégorie et vise un guidon en MX2 l’an prochain, on a été lui tendre le micro pour qu’il nous raconte son histoire dans ce second épisode de la rubrique “My Story”.

“Pour moi, tout a commencé grâce à mon papa, qui était lui-même tombé dedans grâce à son grand-père. Mon père a roulé, il a fait pas mal de résultats en France et notamment en Ligue du Centre où il a été plusieurs fois champion. Il a été champion des Pays Arabes aussi, pas mal de fois. Donc, il avait quand même son petit nom, mon père. Et puis après, j’ai suivi. J’ai fait pareil.

En fait, j’étais dans le foot professionnel en centre de formation à Paris jusqu’à mes 14-15 ans. La moto, c’était mon second sport, ce que je faisais en plus à côté. J’étais vraiment à fond dans le foot, mais à côté, je voyais que je commençais à bien rouler en Moto. Un jour, mon père m’a dit soit l’un, soit l’autre. On ne pouvait pas faire les deux. C’est là que j’ai décidé de faire de la moto et du coup, j’ai commencé beaucoup plus tard que les autres. Pendant que mes concurrents actuels étaient déjà champions au niveau national, ou présents sur l’Europe, je venais à peine de débuter la moto sérieusement. C’était une position qui était un peu difficile parce qu’on savait qu’on allait avoir beaucoup de retard sur les autres. Du coup, on a pas mal bossé et vu que je suis un garçon impliqué qui apprend vite, j’ai rattrapé mon retard. “

C’est donc en 2017 que Saad Soulimani a fait ses débuts en championnat de France Espoirs, sans passer par la ligue ou le Minivert. Il prendra le train en marche à la mi-saison, à Bitche, et rentrera dans le top 10 pour son premier round en championnat de France. Il rempilera à Saint Thibery, Pernes les Fontaines, et Motherne pour finalement terminer 13ème du championnat en ayant manqué trois épreuves. L’année suivante, il terminera vice-champion.

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“J’avais fait une intersaison à fond à l’entraînement, vers mes 14 ans. Un hiver en 85cc, c’est la cylindrée sur laquelle j’ai commencé. J’ai débuté directement par le championnat de France Espoirs, à Bitche, en 85cc. Je n’avais jamais fait de ligue, rien. On s’est jeté dans le grand bain direct pour voir ce que ça donnait. Et puis j’ai scoré mon premier top 10 au cadet. Et puis après ça, on a enchaîné. J’ai ramené une dixième place, puis une huitième, une septième … De là, on s’est dit qu’il y avait un truc à faire. La saison d’après, j’ai terminé vice-champion de France Espoirs à égalité de points avec le premier [Luca Diserens]. Pour moi, c’était comme si j’étais champion de France. Là, on s’y est mis, vraiment. J’ai commencé à me faire un petit nom en France, j’ai fait mes débuts sur l’Europe, etc. C’est vrai qu’avec le recul, c’est un peu dommage parce qu’on voyait bien qu’il y avait quelque chose à faire, mais j’avais commencé bien plus tard que les autres. Si j’avais commencé en même temps, j’aurais pu combler le retard bien plus facilement.”

En 2018, Saad participera à la finale de l’Europe 85cc à Loket; il termine 8ème et ramènera le meilleur résultat tricolore dans la catégorie. L’année suivante, il débutera sur l’Europe 125 avec le team VRT KTM, team pour lequel il roulera deux saisons durant. Saad terminera 11ème de l’Europe 15 en 2020 avant de faire ses débuts sur l’Europe 250 dès 2021.

“Tu sais, je ne me prends pas la tête. Je fais ce que j’aime” nous confie Saad quand on l’interroge sur les attentes et la pression qui peut en découler. “Si je fais de la moto aujourd’hui, c’est parce que j’aime ça, j’aime être sur les courses, c’est ce qui me procure du plaisir. Je ne me force à rien, je ne me mets pas de pression, je ne me dis pas “Saad, il faut performer, il faut faire ci, il faut faire ça”. Si je roule, c’est parce que j’ai envie de rouler, c’est parce que je kiffe ça. J’aime être tous les week-ends sur les courses. Honnêtement, je ne me dis pas que d’ici deux ans, je serai le meilleur pilote du monde. Je fais juste ce que j’aime, je ne me prends pas la tête et j’essaie de faire au mieux parce qu’on est quand même des compétiteurs. Je ne regarde pas trop le futur, je fais juste ce que j’aime, et j’essaie de me faire plaisir chaque week-end et de performer au meilleur de ma forme.”

Dans ce sport où seule une petite poignée atteindra les sommets, pas de place au hasard. Quitter le cursus scolaire sur le tôt apparaît bien souvent comme une obligation pour se donner toutes les chances de réussite dans un milieu qui se professionnalise de plus en plus jeune, quitte à revenir sur les bancs de l’école plus tard. L’entourage joue aussi un rôle important et principalement les parents, qui financent bien souvent tout ou partie des saisons dans les premières années avant que la progéniture ne parvienne à prendre son envol, et à s’assumer. Saad peut compter sur le soutien infaillible de ses parents, et sait que ces derniers ont joué un rôle important dans son évolution sportive.

“C’est vrai que quand on est dans la tête d’un petit de 14 ans, et qu’on te dit d’aller à l’école ou de faire de la moto, le choix est vite fait. Mais j’ai la chance d’avoir des parents super compréhensifs et qui ne se prennent pas la tête avec moi. Ils m’ont juste accompagné dans ce que j’aime faire. L’école, je l’ai mis de côté. Si tu veux retourner à l’école ou faire des études, tu auras toujours le temps d’en faire. Mais passer des moments comme ça dans ton sport et faire le tour du monde, je sais que ça ne durera qu’un temps; tu ne peux pas faire ça pour toujours. À un moment, ça s’arrêtera. J’ai des parents qui m’ont laissé faire ce que je veux et franchement, je suis super content. Je vis mon rêve depuis que je suis tout petit et je kiffe à fond.”

“J’ai la chance d’avoir des parents qui me poussent et me soutiennent à 200% dans ce que je fais. Comme j’ai dit, si je fais ça, c’est parce que j’aime ça et qu’ils savent que je me fais plaisir. Moi, je n’ai pas vraiment de pression de qui que ce soit, et pas non plus de pression dans le cercle familial. J’ai un père qui me suit de très près, même s’il n’est plus trop présent sur les courses maintenant parce que je suis assez grand. Il regarde quand même tout ce que je fais, et il veut voir son fils rouler devant. Comme aujourd’hui, il est fier de moi parce que tout le travail qu’on a fourni depuis que je suis petit, ça commence à payer, parce que ça a toujours été mon père qui m’a entraîné depuis que je suis gamin. Les parents jouent un rôle très important, mais ça me pousse surtout à être meilleur parce que mes parents, c’est tout pour moi. Je m’entends super bien avec eux. J’ai une très bonne relation avec ma famille, et mes parents sont fiers de moi quoi que je fasse. Si je dois arrêter la moto ou quoi que ce soit, c’est pareil, ça ne posera pas de problèmes.”

Une fois la course terminée et le casque tombé, Saad est un garçon comme les autres et s’empresse d’aller regarder les manches du championnat du monde; catégorie dans laquelle il espère pouvoir évoluer la saison prochaine, avec un bon guidon. Au fil des saisons et face aux impitoyables réseaux sociaux, le pilote Français a – comme beaucoup – lu critiques et remarques à son sujet; sans y prêter la moindre attention toutefois.

“C’est sûr que les gens ne sont pas toujours au courant de tout, ils ne savent pas à quel point le milieu professionnel est exigeant, à quel point le sport est exigeant. Ils n’ont pas conscience des sacrifices qui sont faits, des galères qu’on rencontre pour trouver du budget, et de tout ce qu’on met en place pour pouvoir être à ce niveau, rien que sur l’Europe. Donc c’est vrai qu’il y a des trucs qui me font un peu sourire. On peut voir des gens rigoler ou se moquer sur pas mal de choses, que ce soit sur le résultat ou suite à une blessure sans savoir vraiment ce qu’il se passe derrière. Mais moi, je ne me prends pas la tête. Je regarde ça – un peu – mais de loin et je n’y prête pas trop attention parce que ces gars-là, si tu les mets sur une moto, ils vont vite comprendre comment ça fonctionne. En vrai, je trouve ça marrant, ça ne m’atteint pas trop et puis les “haters” dans le fond, ce sont aussi des fans. En vrai, c’est cool, ça veut dire qu’on a des fans de partout ! [rires]”

“Après, je ne vais pas mentir. C’est vrai qu’il y a des fois où on doute, on se dit qu’on fait beaucoup de sacrifices, on se dit qu’il faut quand même commencer à gagner sa vie.” rétorque Saad quand on le questionne sur les moments difficiles qu’il a pu traverser jusqu’ici. “Mais comme je l’ai dit, je ne me prends pas la tête. On a qu’une vie. Si tu te prends la tête, autant ne pas faire ce sport. C’est vrai qu’il y a eu des moments difficiles, mais il ne faut pas se compliquer la vie. Il faut surtout profiter du moment présent parce que ça ne dure qu’un temps. Moi, je vis au jour le jour. Si je me fais plaisir dans ce que je fais, c’est top. Si ça commence à être compliqué ou quoi, je n’aurai pas de problèmes avec le fait d’arrêter. C’est un sport qu’on ne peut pas prévoir, ça peut aller vite; j’essaye de ne pas trop y penser. Malgré ça, j’ai quand même des objectifs en tête. Chaque pilote a ses objectifs. C’est ce qui nous amène à toujours plus bosser, et à faire tous ces sacrifices. Moi, ce qui m’importe, c’est juste de donner le meilleur de moi-même chaque week-end, et de finir dans les top’ pilotes parce que ce n’est pas intéressant pour moi d’être dans les fonds de peloton. Mon objectif, peu importe où je roule et à chaque fois que je fais une course, c’est vraiment de rouler devant, que ce soit sur l’Europe, le mondial. On continue de grappiller ici, grappiller là pour être au meilleur niveau.”

Si certains pilotes sont déjà sous contrats avec des équipes officielles sur le championnat d’Europe 250 – et promis à un avenir en mondial MX2 – tout ce petit monde n’y trouve pas toujours son compte financièrement. Il faut bien souvent attendre la montée en MX2 – et parvenir à performer – avant d’espérer des rentrées d’argent à la hauteur des investissements effectués. Rouler devant sur l’Europe 250 n’est en rien synonyme de stabilité financière.

“Est-ce qu’on gagne sa vie sur l’Europe ? Non; on survit en roulant devant à l’Europe. Après, ça commence à être de mieux en mieux. Je commence à gagner ma vie contrairement aux autres années, parce que je fais partie des gars qui roulent devant, donc ça commence à être pas trop mal mais c’est clair que je ne suis pas encore Jorge Prado … Il y a quand même quelques trucs qui tombent, donc c’est cool.”

Pilote privé début 2023, Saad avait pris part à l’Elite MX2 et à quelques épreuves de l’Europe 250. Il sera finalement recruté par Young Motion Yamaha en seconde moitié de saison, et notamment pour participer à quelques grands prix en MX2 en dépit de pépins de santé. Le pilote Franco-Marocain a décidé de rester sur l’Europe 250 cette année, pour sa dernière saison d’éligibilité à la catégorie.

“En fin d’année dernière, j’avais soit la possibilité de faire du mondial MX2, ou alors refaire ma dernière année en Europe 250 pour essayer de faire de vraies choses, de bons résultats, rouler dans les mecs de devant. L’occasion de me battre pour la gagne et montrer vraiment de quoi je suis capable pour pouvoir step-up derrière, et avoir un meilleur team en MX2. En MX2, on sait très bien que ce n’est pas facile. Si tu vas sur le mondial avec un team moyen qui n’a pas un bon budget, ou pas une bonne moto, tu ne peux pas t’attendre à faire des miracles. J’ai préféré rester sur l’Europe 250. Ça m’apprend un peu à rouler devant, à gérer la pression en roulant aux avant-postes et par la suite, si je fais une bonne saison, j’espère pouvoir trouver un bon team pour le mondial, car c’est le but. Après avoir fait ses preuves, c’est toujours plus facile.”

VRT KTM, TBS Conversion KTM, VHR KTM, Young Motion Yamaha et même pilote privé, Saad Soulimani a pas mal vadrouillé ces dernières saisons avant de recevoir une offre concrète de Ghidinelli Yamaha pour effectuer une dernière saison sur l’Europe 250 en 2024, au guidon d’une 250 YZ du team Italien. Présent au GP de France la saison passée, Saad n’avait pas manqué de souligner l’importance d’avoir un team structuré pour performer. Le garçon a visiblement trouvé chaussure à son pied: il a décroché son tout premier top 5 général dans la catégorie à Arco Di Trento, le week-end dernier.

“Je suis super content d’avoir trouvé ce team-là. C’était un peu à la dernière minute. Ça m’est tombé dessus, on va dire. J’ai sauté sur l’occasion, même si je ne savais pas trop à quoi m’attendre; c’était quitte ou double. C’était j’y vais: si c’est bien, c’est bien, si ce n’est pas bien, ce n’est pas bien. J’ai tenté le coup et au final, je suis super content de l’équipe. Ce sont des gars qui sont professionnels. Les motos marchent bien, et je trouve ça cool de rouler sur un deux temps; ça change. Ça me fait sortir du lot et je me fais plaisir sur la moto. Je suis super content d’avoir trouvé cette équipe italienne. Ça me fait voyager aussi car maintenant, j’habite en Italie, à une heure d’Arco. J’ai un appartement avec mon coéquipier, on vit ensemble, et le team est à 10 minutes de la maison. On a pas mal de terrains dans les alentours. On a un vrai programme d’entraînement structuré cette année et j’ai vraiment fait un bon hiver. J’ai coupé un peu les réseaux sociaux parce que j’étais un peu indécis sur ce que j’allais faire. Je voulais vraiment me concentrer sur mon entraînement. J’ai vraiment passé un de mes meilleurs hivers et j’ai beaucoup bossé. Je ne saurai même pas te dire combien d’heures de moto on a fait, mais ça a porté ses fruits.”

Voir aussi: My Story – Alexis Fueri

My Story: Saad Soulimani
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