Inde

Thomas Ramette – Road to India #1


Dimanche dernier et à 7.000km de là, c’est en Inde et plus précisément à Pune que s’est écrite une nouvelle page de l’histoire du Supercross International. Avec la première épreuve de l’Indian Supercross Racing League, le sport s’est exporté bien au-delà des frontières connues et pour l’occasion, 9 pilotes Français étaient en piste. Parmi eux, Thomas Ramette, qui nous parlera de son expérience sur cette première saison Indienne à l’occasion d’une nouvelle rubrique intitulée “Road to India”. Premier opus.

“Quasiment tous les pilotes de Supercross Français étaient inscrits pour ce championnat au départ.” nous explique Thomas. “On a fait une demande d’engagement sur le site, on leur a donné notre palmarès, on leur a envoyé des vidéos, nos réseaux sociaux. C’était un peu comme un casting. De là, il y a eu une vente aux enchères, assez tard d’ailleurs car elle s’est faite le 7 Janvier. Pendant cette vente, les teams ont fait leur choix. De base, et vu que je devais continuer avec GSM, c’était Yamaha oblige pour moi. Ils m’ont dit que si c’était le cas, ça allait être compliqué car ils ont beaucoup de mal à avoir des Yamaha en Inde. Comme on s’est séparé avec GSM, j’étais open pour rouler sur n’importe quelle marque par la suite. J’ai été pris, mais je sais que ça a bloqué pour quelques Français à cause de la marque sur laquelle ils évoluent en France, comme pour Escoffier par exemple.”

Ramette, Tixier, Soubeyras, Lefrançois, Maillard (blessé), Manzato, Polias, Lamarque, Briatte et Lebeau ont été les 10 pilotes Français sélectionnés lors de la vente aux enchères @ISRL

Sélectionné par le team Reise Moto lors de la vente aux enchères, Thomas se voit donc engagé pour la première saison de l’Indian Supercross Racing League, qui se disputera sur trois épreuves cette année avant de – potentiellement – proposer un calendrier de 5 à 6 rounds l’an prochain. De quoi joindre l’utile à l’agréable pour notre pilote Français qui, en plus de s’y retrouver allègrement financièrement, découvre du pays et participe au développement du Supercross en terre inconnue.

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“Honnêtement, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Je ne connaissais rien de mon équipe non plus. On pouvait lire les présentations des teams sur le site internet du promoteur, mais pas plus. Je ne savais pas quelle équipe allait me prendre, je l’ai découvert comme tout le monde sur Internet le 7 Janvier. C’était assez particulier, mais c’était de la nouveauté ! Ils se sont visiblement inspirés du système de sélection pour les équipes de cricket, qui est le sport numéro 1 là-bas. Nous – pilotes Français – on n’avait réellement qu’un seul critère; c’était d’avoir des motos neuves et d’être en sécurité pour rouler là-bas. Ils ont répondu présent de ce côté-là, car on a tous roulé sur des 2024. Principalement, on retrouvait Kawasaki, Honda et KTM, ces 3 marques couvraient la quasi-totalité du plateau.”

C’est au Shree Shiv Chhatrapati Sports Complex de Pune que s’est ouverte la première épreuve. L’organisateur n’a pas eu l’autorisation de recouvrir la pelouse du stade pour ce premier round. @Nikhil Sood

Les promoteurs de l’Indian Supercross Racing League ont mis les petits plats dans les grands pour accueillir les pilotes étrangers lors de cette ouverture de saison. Le promoteur avait – en amont – annoncé avoir levé plus de 17 millions d’euros d’investissement pour lancer son championnat et de nombreux partenaires ont rejoint l’aventure pour cette saison inaugurale: CEAT, Toyota, Red Bull, Karcher, AXOR, Kawasaki, Revell & Co. Expérimenté, pour avoir disputé des Supercross aux 4 coins du globe, Thomas n’est pas resté insensible face aux efforts de l’ISRL, et de son team, pour l’accueillir dans les meilleures conditions. Seule petite ombre au tableau, Thomas a été contraint d’évoluer sur une moto complètement stock lors de cette première épreuve.

“Ce qui était un peu galère, c’est que je n’avais aucune suspension car je ne roule pas sur Kawasaki en France.” poursuit Thomas. “J’ai donc roulé avec une moto qui sortait de la caisse, c’était un peu compliqué. On a certes retrouvé un circuit sans whoops mais avec deux ou trois enchaînements assez raides. Le gars qui prépare les pistes vient des US, donc on n’avait pas trop le droit à l’erreur non plus. Une moto neuve, une super communication, des pièces de rechange, je n’ai pas eu de mauvaise surprise même si visiblement, certains teams n’avaient pas un levier d’embrayage en rab’ pour leurs pilotes [rires]. C’est vraiment tout nouveau pour eux, certains teams n’ont pas vraiment d’expérience dans le domaine et étaient un peu à l’arrache à la première épreuve mais pour moi, avec Reise, c’était vraiment niquel. On avait deux mécaniciens pour 6 pilotes; il n’y a pas grand chose à faire en Supercross donc s’il n’y a pas de grosse chute, ça se gère. Après l’épreuve, je suis reparti avec les suspensions de ma moto. Elles sont déjà parties chez Jérôme Hemery de HRS. Je vais me faire un jeu de suspension pour les deux épreuves qu’il  reste et je les laisserai sur place ensuite. Ce sont des Showa, pareil que ma Suzuki, donc les réglages seront assez similaires. L’idée, c’est d’être en sécurité car la prochaine épreuve, on entend qu’elle doit se disputer sur un “vrai” terrain de Supercross.”

Une nouvelle équipe, une nouvelle moto, un nouveau championnat, un nouveau pays… De nouvelles expériences pour Thomas Ramette et le charter de pilotes Français. @Reise Moto

La piste, parlons-en, justement. Lors de notre entretien réalisé en amont avec les promoteurs de l’Indian Supercross Racing League, Eeshan Lokhande nous assurait que la série proposerait des “vraies” pistes de Supercross, bien qu’adoucies dans la mesure du possible pour permettre aux pilotes locaux d’y évoluer en toute sécurité. Contrat rempli pour ce premier round, à quelques m³ de terre près, une partie de la piste n’ayant pu être finie à temps.

“Au niveau de la piste, je pense qu’ils ont un peu sous-estimé le trafic pour faire venir les camions de terre, qui ont eu beaucoup de mal à arriver jusqu’au stade à cause des embouteillages. En plus, c’était la fête nationale en Inde ce week-end donc il y avait du monde de partout. Les camions arrivaient au compte-goutte et la piste a mis énormément de temps à être finie. Ils ont dû finir de la construire à la hâte, et une partie de la piste s’est transformée en ovale. C’était tout plat comme en speedway. Ça faisait penser à Las Vegas, quand ça part à l’extérieur du stadium et que ça revient à pleine balles [rires]. Ils n’avaient pas le droit d’utiliser la pelouse du stade non plus, donc ils n’ont pas eu 36 solutions pour faire un tracé. Normalement, on pourra utiliser tout le stade lors des prochaines épreuves. Ce qui m’a vraiment impressionné, c’est le nombre de gens qui ont travaillé sur cette épreuve; ça grouillait de personnes au niveau de l’organisation. Ils ne sont pas tous efficaces, mais ils sont beaucoup [rires].”

“C’était dingue parce qu’en Inde, il y a un monde fou. Ça grouille de partout. À Pune, ils sont 4 ou 5 millions, et ça fait peur en voiture, tu te demandes comment ça se fait qu’il n’y a pas plus d’accidents. Pour la petite anecdote, je suis allé faire une séance d’autographe le lundi, avant l’épreuve, chez un concessionnaire. On était sur une route type 2*2 voies et en plein milieu du chemin, il a pris l’entrée d’autoroute en contre-sens pour la remonter, tranquillement. Pour eux, c’est normal [rires]. Ça dépayse. Au niveau de la nourriture, on a fait attention car ils mangent épicés là-bas. J’en ai un peu marre du riz donc ça va faire du bien de retrouver la nourriture Française [rires] !”

Thomas Ramette était le seul pilote Français au sein du team Reise Moto @Reise Moto

Pune, 9ème ville la plus densément peuplée d’Inde, accueillait donc le tout premier Supercross International de son histoire ce week-end. Passionnés, curieux, badauds, l’enceinte du Shree Shiv Chhatrapati Sports Complex – d’une capacité de 12.000 places – s’est rapidement remplie et affichait presque complet pour la soirée du dimanche; une réussite sur le plan de l’organisation. Dans la devise locale, le ticket avoisinait les 10€.

“Les gens étaient contents de voir des pilotes occidentaux/internationaux, car c’est quelque chose de très rare pour eux. Ils étaient tous impressionnés de nous voir. Il y avait quand même un bon niveau avec quelques tops Français, du Matt Moss, et aussi de bons pilotes en 250. En fait, j’ai eu un peu le même sentiment qu’à Abu Dhabi sur le World Supercross, quand les gens se sont mis à crier de partout parce qu’on avait sauté lors du tour de reconnaissance. Il y avait une ambiance de dingue et quand même pas mal de monde, il devait y avoir plus de 8.000 personnes. Pour te dire, et quand Jordi a gagné, il ne pouvait même plus marcher dans le paddock, tout le monde était autour de lui. C’est top de voir qu’ils étaient à bloc. Il faut aussi relever que niveau communication, réseaux sociaux, branding, ça avait vraiment de la gueule. La grille de départ était magnifique, digne des USA. On avait un saut d’arrivée avec une arche comme aux US. Au niveau des paddocks, chaque team avait des tonnelles – sans semi – avec les 6 pilotes du team et un espace VIP en retrait pour les partenaires, les pilotes. On avait un cuisinier, un espace restauration, de quoi se changer, des ventilos, tout ce qu’il fallait. On a été accueillis comme des rois, et ça avait vraiment de la gueule.”

Sur le plan sportif, Jordi Tixier a dominé les débats en remportant les deux manches et la superfinale. Il remporte la première épreuve devant Matt Moss et Cédric Soubeyras qui ne prendra pas part à la superfinale, improvisée. Thomas (4-4) se classe quatrième de cette première épreuve de Pune en ayant roulé sur la réserve compte tenu des conditions dans lesquelles il disputait la course. Désormais, tout ce petit monde sait à quoi s’en tenir, et se préparera en conséquence pour le prochain round qui se tiendra à Ahmedabad le 11 février prochain.

“Au niveau des courses, je ne voulais pas prendre de risques insensés avec une moto d’origine.” avouera Thomas “J’ai fait le deuxième temps des chronos, et lors des manches je signe un 4-4. J’étais à ma place, j’aurais peut-être pu me rapprocher un peu plus de Matt Moss si j’avais eu des suspensions correctes. J’étais derrière le trio de tête, mais sans suspensions, c’était compliqué. Sur les sauts, je montais beaucoup plus haut; ça pompait énormément, je ne voulais pas prendre de risque à faire des amortis en rentrant fort dans les sauts. J’ai essayé une ou deux fois, je suis arrivé en butée dans les appels et j’ai arrêté; je ne voulais pas jouer ma vie et visiter un hôpital là-bas dès la première épreuve.”

4-4-13 avec une moto stock, Thomas a joué la carte de la sécurité pour cette première épreuve à Pune @Reise Moto

“Après les manches, ils ont organisé une superfinale. C’était une course d’exhibition qui était un peu ajoutée à la dernière minute car je crois que ce n’était pas prévu au programme. Le problème, c’est qu’après nos manches, la piste s’était tassée à mort, c’était devenu super glissant. Du coup, tout le monde chutait, et on roulait avec quelques pilotes Indiens; c’était la folie. Je me suis retrouvé à l’exter’ au départ et de nouveau, je ne voulais pas prendre de risques et au final, tout le monde est tombé. Mickael Lamarque est tombé sous mes roues, je lui ai roulé dessus et par miracle, il n’a rien eu. Je suis tombé aussi. [rires]. Ça n’a duré que 5 minutes, car personne n’était trop chaud pour la faire, celle-là [rires].”

Avant de prendre la direction du Danemark pour l’annuel Supercross d’Herning, Thomas Ramette dresse un bilan positif de cette première épreuve de l’Indian Supercross Racing League; les yeux sont déjà rivés sur la seconde épreuve d’Ahmedabad alors que la finale de s’annonce déjà bouillante dans la fourmilière de Dehli, seconde ville plus peuplée d’Inde.

“Le bilan, il est carrément positif. On a été bien reçus; on voit qu’ils veulent bien faire les choses. Mon team est au top; on a fait un meeting le lendemain de la course pour débriefer, parler de ce dont on avait besoin, de ce qu’on pouvait améliorer. Je vais un peu gérer pour mes suspensions, et aussi l’approvisionnement des pièces pour les prochaines épreuves car ils sont un peu emmerdés avec la douane pour se faire livrer. On voit aussi que les promoteurs sont motivés pour développer ce championnat, et donner l’envie aux jeunes pilotes Indiens de se mettre au Supercross. Il y a un bel engouement de la part du public et les stades qui arrivent au calendrier sont balaises, ça a vraiment de la gueule !”

La fameuse superfinale @Kaizad Darukhanawala

Thomas Ramette – Road to India #1
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