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Chase Sexton “Mentalement, il faut être capable de passer au-delà des moments difficiles”

Images: Red Bull KTM

Samedi dernier à Ironman, Chase Sexton a décroché son quatrième titre de champion AMA, son deuxième titre en catégorie 450, et son tout premier sacre sur un championnat Outdoor. Si les débuts chez Red Bull KTM n’ont pas été des plus simples et notamment en Supercross, Chase Sexton a su trouver des solutions pour retrouver de l’aisance en piste. Quasi intouchable sur l’outdoor en seconde moitié de saison, Chase Sexton est gonflé à bloc pour le championnat SMX, mais aussi pour défendre les couleurs de sa nation au Motocross des nations de Matterley Basin. Ce mercredi, KTM a organisé une conférence de presse virtuelle  avec Chase Sexton afin de permettre aux médias Européens de s’entretenir avec le nouveau champion Outdoor. Micro.

Chase, tu as dominé l’outdoor sur cette seconde moitié de saison. Tu disais après Ironman que tu affichais la meilleure forme de ta carrière. Qu’est ce qu’on retiendra de cette saison 2024 ?

Tout a débuté à l’intersaison, on a eu beaucoup de travail avec le testing pour préparer le Supercross, c’était un gros changement pour moi de changer de team pour rouler sur une KTM. La moto est très différente; je passais d’un cadre alu à un cadre acier, le ressenti est très différent. Évidemment, on a rencontré quelques galères et en Supercross, à chaque fois qu’on faisait une bonne course, on en connaissait une mauvaise par la suite et je n’ai jamais vraiment réussi à profiter des bons résultats pour me lancer sur une bonne série, mais avec le team, on a continué à travailler.

On m’a autorisé à tester beaucoup de choses, certaines choses qu’aucun autre pilote n’avait pu tester avant moi. Je me dois de les remercier car si KTM ne m’avait pas laissé faire tous ces tests et ces changements en me soutenant dans mes démarches, je ne sais pas si on serait arrivé dans une aussi bonne position sur l’outdoor. Dès que je suis monté sur ma moto lors de la préparation en MX, je me suis senti vraiment très à l’aise. Bien sûr, on a fait quelques petits changements supplémentaires, mais ça s’est vraiment bien passé en Outdoor; j’ai fait une très bonne saison.

La moto, couplée à mon pilotage, me permettait de faire des choses que je ne pouvais pas vraiment faire par le passé, et j’ai vraiment pu me concentrer sur mes points forts pour gagner. À partir de la mi-saison, je n’ai plus rien touché sur la moto, j’étais vraiment à l’aise; c’était une saison très spéciale pour moi. J’ai pu me servir de la frustration des saisons de Motocross US 2022 et 2023 – lors desquelles je n’étais pas à 100% – pour préparer la saison 2024 et en finalité, ça a été une saison très spéciale pour moi. Je sens que j’ai franchi un cap dans ma carrière, et c’est bon d’être double champion 450 avec un titre en Motocross; ils ne sont pas simples à décrocher.

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Comment as-tu été en mesure de te débarrasser des petites erreurs que tu avais tendance à faire en fin de manche ces dernières saisons ?

Je pense que ça vient surtout des réglages de la moto. Comme tu as pu le voir, je n’ai pas vraiment fait beaucoup d’erreurs cette année, surtout vers la fin de saison et dès Southwick. Je n’ai pas vraiment commis d’erreur. Selon moi, c’est surtout dû au fait que j’étais à l’aise sur la moto et que mes réglages me permettaient d’attaquer. La KTM est très stable de l’avant, et j’aime ça. Je me sentais toujours bien sur les pistes, sur la moto. Quand tu t’entraînes sans faire la moindre erreur la semaine, c’est plus simple de reproduire ça durant les courses le week-end. Je sais que je peux vraiment attaquer avec la moto; par le passé, j’ai souvent fait des erreurs en voulant en faire trop. La moto et le châssis de la KTM réagit très bien quand on lui en demande beaucoup; et ça me permet d’être vraiment à l’aise.

Ce serait quoi, finalement, le meilleur souvenir de cette saison pour toi ?

Difficile de ne pas penser à Hangtown, cette seconde manche. Ce genre de remontée, ce n’est pas vraiment quelque chose que tu penses pouvoir accomplir, ou même que tu veux essayer d’accomplir parce que tu ne veux pas tomber dès le second virage et repartir dernier. Mais cette manche à Hangtown a été très spéciale pour moi, juste réussir à faire ce que j’ai fait ce jour-là. Il n’y a pas beaucoup de pilotes qui y sont parvenus, donc ça reste un gros souvenir. Sinon, gagner à domicile à Red Bud était spécial pour ce que ça représente pour moi. J’ai grandi en roulant là-bas. Ensuite, Ironman, évidemment car j’y ai décroché le titre; c’est aussi un terrain qui n’est pas très loin de la maison pour moi et j’avais beaucoup de membres de ma famille et d’amis présents sur place. Je dirais que ces 3 épreuves ont été les plus marquantes pour moi cette année. Ceci dit, à chaque épreuve, je sentais que je m’améliorais. J’ai probablement été le plus en forme à Ironman; l’été est long, ça devient de plus en plus dur au fil du championnat et c’était bon de ne pas se sentir crammé en fin de saison.

Puisque tu te sens bien sur la moto, est-ce que tu aurais voulu qu’Eli et Jett soient en piste toute la saison, pour que tu puisses vraiment montrer ce que tu avais sous le coude face à eux ? Tu disais t’être bien mieux senti cette saison que lors des précédentes.

Oui. Comme je l’ai dit, je suis une autre version de même même. Le Chase qui roulait l’an dernier, ce n’était pas le même Chase que cette année. On verra bien d’ici quelques semaines sur le championnat SMX. Évidemment, c’est un championnat différent mais j’ai quand même hâte car j’ai le sentiment que cette saison d’outdoor m’a permis de devenir une meilleure version de moi-même. Beaucoup de personnes savaient que je pouvais franchir ce cap et en arriver là, ça a juste pris un peu plus de temps que prévu. Ce sera encore une autre histoire la saison prochaine, mais je suis prêt à en découdre avec n’importe qui.

Comment gères-tu ces saisons en 450 ? Ces dernières saisons, on a vu que la régularité payait quand certains pilotes partaient au tapis ou se blessaient en fin de saison. 17 Supercross, 11 outdoor, et désormais un championnat SMX; comment on gère tout ça ?

Pour moi, il est surtout question de prendre du plaisir. C’est une saison tellement longue et exigeante que si tu ne prends pas de plaisir, tu ne vas pas t’en sortir sur la durée. Je pense que ça remonte aussi à l’adolescence; je ne pouvais pas rouler toute l’année. Je roulais en été, printemps et automne mais pas l’hiver, sauf sur un petit tracé indoor; j’étais un peu limité. Je pense que ça joue, car beaucoup de jeunes ont grandi en roulant absolument toute l’année, et je pense qu’ils ont tendance à faire un burnout bien plus tôt dans ces conditions.

Moi, j’aime toujours autant rouler. Durant la semaine, je fais mon job, mes manches, ce que je dois faire, mais je prends toujours le temps de me faire plaisir aussi. Je pense que c’est ce qui me permet de finir mes saisons en forme, parce que c’est en fin de saison que les titres sont décrochés. J’ai toujours fonctionné comme ça, depuis que je suis gamin. C’est souvent lors des 4 ou 5 dernières épreuves que je suis à mon meilleur niveau. Je ne sais pas si c’est vraiment l’idéal, mais en tout cas pour moi l’important c’est de prendre du plaisir.

Comment gères-tu cette prise de plaisir quand tu connais un début de saison de Supercross aussi compliqué ? Est-ce que tu as réussi à prendre du plaisir pendant ces semaines durant lesquelles, j’imagine, tu passais de longues heures à faire du testing à l’entraînement, à participer à des meetings, à chercher des solutions ?

Ce n’est pas toujours simple. Mais même quand tu gagnes, tu ne peux pas te permettre de trop te relâcher. Quand tu perds, tu ne peux pas te permettre de trop te laisser abattre. Il faut trouver le juste équilibre.

Je pense que je suis quelqu’un de plutôt émotif, donc c’est compliqué pour moi. C’est aussi là que le Supercross m’a appris beaucoup de leçons finalement. Quand ça se passe mal, tu ne peux pas te laisser aller et te morfondre. Il faut que tu bosses, que tu te donnes, et que tu fasses en sorte de voir la lumière au bout du tunnel même quand tu as l’impression que tu ne la verras pas. Mentalement, il faut être capable de passer au-delà des moments difficiles, et aussi s’entraîner à être moins émotif.

Le championnat SuperMotocross est encore très récent, mais j’imagine que tu peux tirer de la confiance, des leçons, de l’expérience de cette saison d’outdoor et mettre tout ça à contribution sur le championnat SMX, mais aussi sur le championnat de Supercross l’an prochain ?

Oui. La confiance est très importante dans ce sport, surtout quand tu roules à haut niveau. Quand tu te bats contre ces 3 ou 4 mecs qui sont vraiment très forts, ça se joue souvent au mental et à la confiance. En ce moment, je suis confiant car j’ai de très bonnes sensations sur la moto. Jeudi et Vendredi, on va de nouveau faire du testing et on verra comment ça se passera, mais je suis confiant.

L’an dernier, Aaron Plessinger était probablement l’un des mecs les plus en forme sur le championnat SMX, surtout à Chicago. J’ai un peu roulé en Supercross avec mes réglages MX ces dernières semaines, juste pour avoir un premier feeling. Je pense qu’on sera dans une bonne position. C’est un championnat assez bizarre, ce SMX: il y a trois courses, mais ça se joue vraiment sur la dernière épreuve.

L’objectif est bien évidemment de bien figurer, puis de se préparer pour la saison de Supercross car c’est le championnat qui a été le plus compliqué pour moi cette année; et j’ai bien l’intention de corriger le tir.

Maintenant que tu sais à quoi t’attendre sur ce championnat SMX, est-ce que ton approche sera différente de celle de l’an dernier ?

L’an dernier, j’ai gagné la première épreuve, et on n’avait vraiment aucune idée de ce que ça allait être. Honnêtement, je vais juste me pointer, me faire une idée, m’impregner de la piste et essayer de m’en sortir avec tout ce que j’ai appris durant toutes ces années à faire de la moto. Tu ne peux pas savoir comment sera la piste avant d’être dessus, tu ne peux pas savoir quel réglage de suspensions privilégier. L’an dernier, j’avais su faire le bon choix à Charlotte en gagnant les deux manches, mais à Chicago, j’ai utilisé mes réglages de Supercross et ce n’était pas le bon choix à faire. Moi, je vais me pointer là-bas et m’ajuster en fonction de la piste, faire les changements nécessaires. L’an dernier, c’est au niveau de ces ajustements qu’on a pris les mauvaises décisions. On ne savait pas trop quoi faire, on était un peu en panique. Cette année, on a plus d’expérience.

On t’a vu chuter quelques fois ces dernières années mais à chaque fois, tu parviens à te relever. Ta durabilité dans le sport, tu dirais que c’est dû à quoi ? Ton entraînement, la nutrition, ton approche du sport ? On a également vu en fin de saison d’outdoor que certains étaient sur les rotules en fin de journée, mais pas toi.

Pour moi, il y a une grosse part de génétique. Je suis un gabarit assez grand. Certains diraient que je suis un peu trop grand et costaud pour faire de la moto, mais ça vient surtout de mes entraînements.

Mon entraîneur – Peter Park – est quelqu’un de très intelligent qui a entraîné beaucoup d’athlètes dans de nombreuses disciplines comme le basketball, le baseball et même des stars de cinéma. Il est capable d’entraîner beaucoup de profils différents. Il est capable de prendre toute son expérience, et d’en faire un programme adapté. Me concernant, Peter veut que je sois en grosse forme physique; je pense qu’il m’a vu finir au tapis bien trop de fois !

Pour moi, c’est important d’être fort, tout en étant mobile. En fait, il y a beaucoup de choses qui doivent être faites pour être un pilote de Motocross, il faut être bon dans de nombreux domaines, et il faut être sûr de ne pas être en retard dans un seul de ces domaines.
Je dirais donc un peu de génétique, mais aussi un bon programme d’entraînement. Parfois, un peu de chance quand tu chutes, aussi … Tu ne peux pas toujours te relever en un seul morceau. J’essaie aussi d’éliminer au maximum les erreurs pour éviter les chutes. Cette année – je touche du bois – j’ai été plutôt régulier de ce côté-là.

Deux titres en 250, deux titres en 450. Ta carrière est loin d’être terminée, mais de tout ce que tu as accompli jusqu’à présent, de quoi es-tu le plus fier ? Comment voudras-tu qu’on se souvienne de toi le jour où tu raccrocheras les gants ?

C’est bon d’avoir 4 titres en poche, ils sont tous spéciaux d’une façon ou d’une autre. Je pense que ce titre Outdoor représente beaucoup parce que je n’ai jamais été le meilleur pilote de Motocross. En 250, je n’ai gagné qu’une manche en Motocross. Et puis en 2022, j’étais plutôt bon, mais je n’ai pas parvenu à décrocher ce titre lors de la dernière épreuve.

Ce titre représente beaucoup parce que j’ai été en mesure de surmonter ce souvenir, de gagner. Pour le reste qui sait, peut-être que Pit [Beirer] m’autorisera à rouler sur un MXGP un jour, ce serait énorme ! Quoi qu’il en soit, en fin de compte, je veux juste être l’un des meilleurs pilotes. J’ai envie de laisser une image que les plus jeunes pourront admirer, celle d’un gars qui n’abandonne pas. Plus le temps passe, plus j’ai l’impression que les gens se ramolissent un peu et je n’ai pas envie que ça m’arrive. Je veux qu’on se souvienne de moi comme le mec courageux, déterminé, discipliné.

Un mot sur le team USA et le Motocross des Nations cette année ?

Je pense que ça va être intéressant. Mon objectif sera de gagner ma catégorie, et aussi faire gagner l’équipe américaine c’est bien évidemment le but principal. Je suis très motivé.

On était en discussion pour participer au dernier grand prix de la saison, mais notre saison est déjà longue et on roule beaucoup. Si ça avait été après l’outdoor et qu’on avait eu un week-end de pause, ça aurait été différent mais après le championnat SMX, ça ne marcherait probablement pas des masses.

Le Motocross des Nations, ça va être top. J’ai entendu dire que le tracé de Matterley était top et visiblement, il pleut beaucoup dans ce coin-là. On verra bien. Quoi qu’il en soit dans le futur, j’aimerais bien faire une ou deux saisons en grands prix. C’est sur ma to-do list, on verra ce que les patrons diront à propos de ça !

Que penses-tu de l’arrivée de Jorge Prado en Supercross US en 2025 ?

Ça va être fun. J’aime quand des pilotes du mondial viennent en découdre ici. Il a fait quelques épreuves cette année. Bien sûr, c’est difficile quand tu as roulé en grands prix toute ta vie, que tu ne roules qu’en Motocross et que tu t’essayes au Supercross.

Je ne sais pas combien de fois on s’est fait battre au Motocross des Nations, mais ces dernières années on se concentre énormément sur le Supercross qu’on en oublie presque ce par quoi on a commencé. Le Motocross, c’est devenu la deuxième discipline pour les pilotes qui roulent aux USA.

Pour Prado, ça va être tout nouveau et je pense qu’il va lui falloir un peu de temps pour s’adapter. Il devrait y avoir plus de courses selon moi – hors MXDN – où on pourrait rouler les uns contre les autres, que ce soit en Supercross ou en Motocross, ce serait vraiment cool. Je crois savoir qu’il y a des discussions; ce serait vraiment fun.

En fait, ça permettrait de voir qui est le meilleur de tous parce qu’actuellement, il y a deux entités différentes et beaucoup de très bons pilotes ne roulent finalement jamais les uns contre les autres. Il y a bien le Motocross des Nations, mais c’est une course par équipe et c’est un programme assez particulier.

Tu as gagné le championnat de Supercross l’an dernier, puis Jett est arrivé et a dominé les deux championnats suivants. C’était comment, mentalement, de devoir faire face ?

En 2023, je commençais enfin à arriver au point où je me disais que je pouvais vraiment gagner régulièrement en Supercross. De mémoire, j’ai gagné 4 des 6 dernières épreuves. Je trouvais mon rythme, j’avais réussi à élever mon niveau.

Puis finalement, je m’en suis mis une à Pala, j’ai tapé la tête assez fort, et je suis de nouveau tombé à l’entraînement. J’ai rencontré quelques galères, notamment au niveau sanguin et tout ça. Je n’étais pas au mieux mentalement parlant. Je suis rapidement revenu en piste, et je n’avais pas vraiment de bonnes sensations. Je me suis fait botter le cul toute la saison et ça n’a pas aidé. Je n’ai jamais trop eu le temps de revenir à 100%. J’étais un peu mieux sur les épreuves du SuperMotocross, mais j’étais toujours à la limite.

Puis il y a eu le changement d’équipe. J’ai galéré avec le changement de moto en Supercross et j’ai pu aller de l’avant à partir de la fin de saison. Et puis enfin, j’ai pu me refaire sur l’outdoor cette année. J’ai pratiquement passé un an à galérer; la route n’a pas été simple mais quand ça se complique, c’est là que je performe finalement le mieux.

J’ai été en mesure de passer au-delà des difficultés sur le plan mental, et j’ai pu compter sur l’aide de nombreuses personnes pour traverser cette période. C’était vraiment une belle récompense cet été que de pouvoir gagner ce titre en outdoor.

Chase Sexton “Mentalement, il faut être capable de passer au-delà des moments difficiles”
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