Interviews

Mathys Boisramé “Prendre la porte de sortie, c’était très compliqué”


Du MXGP à l’Elite, en passant par l’Enduro et le Supercross, Mathys Boisramé fait office de couteau Suisse, version Bretonne. Le garçon a participé à son tout premier Supercross de Paris ce week-end; des débuts remarqués. Auteur de bons départs, affichant une belle vitesse et de belles aptitudes dans la discipline, le pilote Husqvarna – vice champion de France Elite MX2 cette année – termine sixième du général en SX2 Inter’ en dépit d’une expérience limitée en SX ! On a profité de la présence de Mathys à Paris pour faire le point. Micro.

Mathys, tu termines sixième de ton premier Supercross de Paris. Des bons départs, quelques erreurs, une bonne vitesse. J’imagine qu’il y a quand même un bilan hyper positif à tirer de ce week-end pour toi.

Oui, c’est hyper positif. J’ai commencé le Supercross en juillet, et j’ai fait ma piste de SX au mois de septembre. Donc, c’est vrai que tout est relativement nouveau pour moi, Paris aussi d’ailleurs. J’ai fait trois Supercross cet été – en extérieur – et ça ne s’est pas vraiment passé comme j’aurais voulu, mais j’ai pris de l’expérience. Il n’y a vraiment qu’une course où j’ai pu finir une finale, à Brienon, donc je n’avais pas vraiment de recul sur le rythme que j’avais, assez d’expérience, tout ça. Là, je suis venu à Paris avec un point faible, les whoops; je le savais.

J’étais à Stuttgart le week-end dernier, et j’ai pris une grosse chute dès le premier jour. Ça m’a bien séché, et je n’étais pas vraiment à l’aise. À Paris, je suis arrivé dans un état d’esprit différent; je voulais prendre le week-end au fur et à mesure, progresser, et finir sur de bonnes notes.

Le samedi, j’ai commencé tranquillement, notamment dans les whoops. Et puis doucement, j’ai pris mon rythme pendant le week-end. Au niveau des résultats, je signe une manche 3ème, je fais 4ème et 6ème deux fois; c’est pas mal. Le petit bémol, c’est la première manche d’aujourd’hui [dimanche] où je tombe et je fais 13. Ça me fausse un peu mon résultat. Mais aujourd’hui, on ne va pas en demander plus; je suis content de ce que j’ai fait.

6ème ce week-end, Mathys Boisramé réalise un beau Supercross de Paris malgré une expérience limitée dans la discipline @DailyMotocross

Malgré ton peu d’expérience en Supercross, tu es déjà pratiquement capable de jouer avec des gars qui en font depuis longtemps. Te spécialiser dans la discipline, c’est quelque chose à quoi tu penses pour la suite ?

Oui, bien sûr, c’est quelque chose à quoi je pense, surtout pour l’année prochaine. Aujourd’hui, on est à Paris, et on va finir la saison de Supercross, ce qui n’était pas prévu. De base, j’avais l’enduro dans mon programme avec Husqvarna; c’était prévu comme ça. Mais en Enduro, je n’ai pas spécialement pris de plaisir cette année, on n’était pas là où on voulait être. On a un peu décidé de changer nos plans avec Eric [Bernard], le team et mes partenaires; on a discuté du Supercross. C’est quelque chose que j’ai préparé tranquillement. Et c’est vrai que de se préparer pour faire une saison Motocross & Supercross l’année prochaine, ce serait vraiment intéressant.

Pssst ! l'article continue ci-dessous 🙂

J’aimerai revenir sur cette période avec KRT et ton guidon en MXGP fin 2021. Finalement, il a été confié à quelqu’un d’autre pour 2022. Par la suite, tu as un peu vadrouillé, et c’était dur de suivre ton parcours. Est-ce qu’on peut dire qu’à un moment, tu as été désabusé du MXGP, et plus globalement du haut niveau ?

Sincèrement, oui. J’ai été vraiment perdu dans tout à cette période là. Me faire sortir du monde du MXGP comme ça, ça m’a un peu dégoûté. J’ai dû prendre pas mal de recul. Forcément, me faire sortir de cette manière-là, en sachant que j’avais fait quand même des bons résultats avec KRT, c’était compliqué…. KRT, c’était une équipe de folie avec [Thierry Chizat] Suzonni; c’était incroyable de bosser avec eux.

Ce sont vraiment des mecs qui savent ce qu’ils veulent et qui bossent comme des fous. Ils m’avaient mis dans de très bonnes conditions. Je pense que la décision de ne pas me garder, c’était au-dessus d’eux, que ce n’était pas leur choix. Kawasaki a fait un autre choix, différent, et j’ai un peu pris la porte de sortie. J’avais des propositions pour continuer en Grand Prix, mais moi, je voulais une moto d’usine parce que je voulais performer.

Donc, j’ai préféré prendre la porte de sortie plutôt que de patauger en Grand Prix, comme ceux qui ont des teams satellites où c’est très vite compliqué. Mais c’était vraiment une décision difficile à prendre. On a eu du mal, j’ai eu du mal.

Par la suite, j’ai fait un peu ce que je pouvais avec mes partenaires. J’ai eu une moto prêtée par CBO & BOS. On a travaillé un petit peu comme ça, mais c’était un peu de la démerde; donc pas top. Début Février 2022, on m’a appelé pour rouler sur la KTM Red Bull. C’était une opportunité de fou, qu’on ne peut pas refuser. Ça ne s’est pas passé comme je le souhaitait. Une blessure d’entrée de jeu; je n’étais pas prêt, et pas spécialement dans le bon état d’esprit. De là, et toute l’année, la porte de sortie devenait encore plus vraie que vraie.

Prendre la porte de sortie, c’était très compliqué. Mais j’ai réussi – avec l’aide de Husqvarna et Eric Bernard qui étaient là pour me soutenir – à me relancer. Donc, voilà, c’est pour ça qu’aujourd’hui, je suis super bien sur la Husqvarna.

On retrouvera également Mathys Boisramé à Lyon, et Grenoble @DailyMotocross

Un retour en Grand Prix avec une offre correcte, c’est quelque chose que tu envisagerais ? Ou aujourd’hui pour toi, c’est terminé les grands prix ?

Non, pour moi, c’est terminé. Encore récemment, j’avais une proposition pour retourner en Grand Prix pour l’année prochaine, 2025. J’avais quelque chose, mais les grands prix, ça ne me fait pas rêver du tout aujourd’hui. Quand on voit les grilles vides, et qu’on sait qu’ils nous prennent pour des chimpanzés, des numéros …

Ce que je fais aujourd’hui, je kiffe vraiment. Je fais de la moto, je m’entraîne, je m’occupe d’un jeune dans ma structure. On travaille bien comme ça. Je n’ai pas de pression, je peux faire des stages de temps en temps parce que j’ai passé mon diplôme l’année dernière. Je kiffe ma vie: je m’occupe de ma structure, de mon matériel et l’équipe que j’ai, elle est top. C’est bien structuré, c’est un peu la famille, les amis. En fait, il n’y a que comme ça que ça fonctionne, et c’est aussi comme ça qu’on fait des belles saisons comme cette année.

As-tu par hasard lu la dernière interview de David Luongo qui est passée ?

Oh là là… J’ai lu entre les lignes. Mais bon, rien que quand tu vois le nom passer, ça ne donne vraiment pas envie de lire. On sait très bien que pour eux, on est des numéros. C’est le business avant tout.

On roule sur des terrains pourris, on n’est pas payés, et tout ce qui va avec. Eux, ce qu’ils voient, c’est que leurs poches se remplissent et surtout, il faut que ce soit le plus vite possible. Ils veulent beaucoup, beaucoup, beaucoup de billets. À la fin du week-end, qu’un pilote soit blessé ou pas, ou qu’ils ne soient que 10 derrière la grille, ils s’en foutent. Ça ne leur fait pas peur.

Aujourd’hui, ils font tourner un business et ils ne voient que par ça. Ils n’entendent pas les pilotes, leurs ressentis, leurs avis. Pourtant, c’est important. On voit bien pendant les interviews qu’on a les mêmes avis qu’un Jeffrey Herlings et que les autres pilotes qui roulent à haut niveau. Franchement, c’est fou.

C’est quoi le quotidien de Mathys Boisramé aujourd’hui ?

Le quotidien de Mathys Boisramé ? C’est fun. C’est tranquille. C’est chill. Là, on est en période hivernale et ce n’était pas vraiment prévu que je fasse du Supercross. On s’entraîne quand même un petit peu dans la discipline et on sait que le meilleur entraînement, ça reste la course. Voilà pourquoi venir à Paris ce week-end, c’était super intéressant pour moi, mais aussi top pour mes partenaires.

Le quotidien, c’est un petit peu de moto la semaine, trois fois par semaine. Je m’occupe d’un jeune de ma structure – Nicolas Duhamel – et ça m’occupe pas mal de temps, mais j’aime bien ça. Je m’occupe aussi de mes motos, de mon matériel, je prépare un peu pour l’année prochaine aussi.

Aujourd’hui, je prends du plaisir. C’est la clef, ma vision de la chose: prendre du plaisir. On verra la suite, comment ça va se goupiller.

Après une passade difficile, le pilote Breton a retrouvé son plaisir, et son équilibre, dans le monde de la moto. Tant mieux @DailyMotocross

Avec le recul, est-ce qu’on prend plus de plaisir dans sa vie perso et sportive aujourd’hui, que quand on était à son meilleur niveau en grand prix ?

À l’heure actuelle, oui. J’ai quand même vécu des années relativement difficiles chez F&H. Après, je suis arrivé chez KRT. Là, j’étais vraiment bien. C’est une équipe professionnelle, au top. Je voulais retrouver ce genre d’environnement, en quelque sorte. C’était professionnel, mais aussi familial. Tout le monde discutait, échangeait. Aujourd’hui, il y a des teams où il faut rouler, seulement rouler; ils ne se préoccupent pas de comment ça va pour toi. Ils veulent du résultat. En fait, il faut du résultat. Si le pilote n’est pas au meilleur de sa forme, pas à l’aise sur la moto, il faut aller au charbon quand même.

Tu étais de retour sur l’Elite MX2 cette année. Mathys et Mathis ont animé le championnat. Ce n’est pas passé loin pour toi, et tu finis vice-champion. C’est quoi, le bilan de cet Elite ?

Ouais, c’était une grosse saison d’Elite MX2. Je n’attendais pas du tout Mathis à ce niveau là sachant qu’il sortait du 125, donc j’ai été vraiment surpris. Et à la fois c’était top, parce qu’il est champion de France Elite, et champion d’Europe 250, bravo à lui. Puis ce sera un nouveau représentant Français en mondial l’an prochain. Me battre avec Mathis, c’était vraiment intéressant. J’avais l’expérience, lui la jeunesse. Me faire battre par Valin, honnêtement, c’était intéressant; j’ai bien aimé rouler avec lui cette année.

Forcément, il y a un petit peu de regret de ne pas gagner, car on est toujours dans cet état d’esprit compétitif. Mais avec le recul, je suis content de ma saison d’Elite MX2, sachant que c’était mon retour en 250. Ça promet pour la suite.

Est-ce qu’on peut savoir de quoi sera fait ton programme 2025 ? On t’a vu partir sur de l’enduro, revenir en Elite, désormais te voilà à faire du Supercross. Et le CFS, alors ? [rires].

Tu sais que c’était dans les discussions, à un moment ? C’est vrai que c’est un peu vague. La saison 2024, elle était un peu ouverte à tout, mais on ne va pas s’éparpiller partout; il faut quand même bien faire les choses.

Honnêtement, je ne peux pas trop en parler. Ce que je peux te dire, c’est que ce sera du 250, il y aura de l’Elite, et on va rester dans la famille autrichienne; je m’y sens bien. Je vais aussi m’occuper de Nicolas Duhamel, le faire rouler sur le National MX2 et sur l’Elite. C’est un bon challenge pour moi aussi, en tant que coach. M’entraîner avec lui, c’est intéressant. En soi, je ne peux pas trop en dire à l’heure actuelle. Mais Motocross, Supercross. C’est sûr.

Mathys Boisramé “Prendre la porte de sortie, c’était très compliqué”
Retour